Katsuya Tomita

Asia Global Village

par ,
le 12 janvier 2018

« Les naufragés de la mondialisation voyagent en s’inventant des chemins. »[11] [11] Eduardo Galeano, « Émigrants d’aujourd’hui » in Les voix du temps, Éditions Lux, Montréal, 2011, p. 216. écrivait Eduardo Galeano au début des années 2000. Avec Bangkok nites, son quatrième long-métrage, le cinéaste japonais Katsuya Tomita fait se croiser au moins deux chemins : une nécessaire expérience de dépaysement comme revitalisation d’un rapport au monde et un désir de faire dialoguer dans une ample fiction blessures intimes et maux historiques.

La destinée de Luck, qui officie comme fille de joie dans la Thaniya Street, cœur nippon du Bangkok nocturne clandestin, croise à nouveau celle d’Ozawa, ex-amant japonais, trop fauché pour incarner le rôle d’un futur client. Quand ce dernier est envoyé à Vientiane pour une obscure mission monnayée, elle lui propose de séjourner un temps à Nong-Khai, sa ville natale, située au Nord de la région d’Isan, frontalière avec le Laos. L’illusion de retrouver un paradis perdu se retrouve bientôt relayée par la conscience que les plaies de la colonisation sont encore béantes. L’empreinte autobiographique du film – Subenja Pungkorn (Luck) joue un rôle proche du sien et Katsuya Tomita, qui a vécu en Thaïlande, interprète Ozawa – est prise dans les plis d’un certain vertige historique, oscillant entre la courte échelle temporelle, le sentiment d’une contemporanéité déchue, d’un flux urbain comme inlassable et insaisissable surimpression de lueurs instantanées, et d’un temps plus long, où la découverte des impacts de bombes américaines sur le territoire laotien, paysage partiellement défiguré, succède à des rituels bouddhistes dans la campagne thaïe, horizon de communion avec les éléments naturels.

Dans l’entretien qu’il accordait à la revue Répliques, Katsuya Tomita reconnaissait qu’il y a « deux mouvements dans Bangkok nites : celui de la recherche d’un lieu pour vivre ou s’échapper, qui est tourné vers l’avenir, et sa nécessaire confrontation à l’exploration d’un passé et d’une histoire douloureuse. »[22] [22] Dimitri Ianni, « Katsuya Tomita, Walk on the Wild Side », Répliques n°09, octobre 2017, p. 105. Nous invitons à la lecture de cet entretien-fleuve dans son intégralité, sans doute le plus foisonnant publié en français à ce jour. Ces deux aspects transparaissent également dans le film sous la forme d’une parole qui se mue en musique au sein de la même séquence : le chant d’amour pour le pays natal est célébré par la voix de la star thaïlandaise Angkanang Kunchai et la conscience tiers-mondiste se fait l’occasion d’un morceau a cappella improvisé par les hip-hoppeurs philippins de Tondo Tribe. La bande sonore participe ainsi de cet élan panasiatique vivace où les éclats de récits intimes rencontrent les mythes partagés.

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Bangkok nites avait connu sa première française lors de la 38ème édition du Festival des 3 Continents où il était montré en compétition, après avoir déjà été sélectionné au Festival de Locarno. En 2017, Katsuya Tomita était l’invité d’honneur de la 45ème édition du Festival de la Rochelle et l’artiste invité du Musée national des arts asiatiques Guimet. Autant de signes de la reconnaissance récente d’une œuvre effrontée, fondée sur le désir d’un cinéma en équipe, comme en atteste la création du collectif de réalisation Kuzoku en 2001 par Katsuya Tomita ainsi que Toranosuke Aizawa et Yoshiko Takano, qui a permis à ses trois précédents longs-métrages de voir le jour, Above the clouds (2003), Off highway 20 (2007), Saudade (2011). Une œuvre excentrée, aussi bien sur le plan narratif que géographique et social, de la ligne de conduite du cinéma japonais contemporain le plus connu à l’étranger. Une œuvre loin d’être terminée, encore au travail, et « en travaux » pourrait-on ajouter, en référence au passé d’ouvrier en bâtiment de Katsuya Tomita. Nous pourrions aussi parler d’une œuvre « en route », allusion à un autre pan de son passé, chauffeur routier. Serait-il abusif d’envisager que Bangkok nites tient ses coordonnées structurelles de la résurgence des vies antérieures de Katsuya Tomita, un point d’équilibre fragile et d’emblée émouvant entre une âpre peinture urbaine et la nécessité soudaine de prendre le large – sans l’illusion, toutefois, que tout se résout par le voyage ?

Les circonstances de notre rencontre avec Katsuya Tomita à Nantes l’année dernière nous ont amenés à suivre un fil interrogatif en particulier. Depuis 2014, un groupe de chercheurs en sciences humaines (Christian Delage, Claire Demoulin, Catherine Hass, Anne Kerlan, Mélisande Leventopoulos, José Quental) rattaché à l’Institut d’Histoire du Temps Présent – CNRS œuvre à chaque édition du Festival des 3 Continents, avec Jérôme Baron, directeur artistique, à l’élaboration d’un programme cinématographique. À l’automne 2016, nous étions déjà plongés depuis plusieurs mois dans la préparation du programme « Exil(s) : devenir étranger »[33] [33] Comme nous l’expliquons dans l’éditorial du catalogue, « nous revenions sans cesse sur la complexité des processus migratoires individuels et collectifs, sur les hybridations identitaires s’opérant sur le temps long et les allers retours transnationaux aléatoires. (…) A nous saisir du mot « exil » au pluriel, dans ce qu’il contient de multiplicité plutôt que de déterminations figées, d’itinéraires intérieurs sans repli sur soi, nous nous soustrayions à la répétition mécanique de termes toujours associés, jamais (re)définis : frontière, identité, national, asile, clandestin, sans-papiers… ». , montré lors de la 39ème édition, du 22 au 29 novembre 2017. Sur l’impulsion de l’anthropologue Catherine Hass et d’un questionnaire qu’elle avait préparé au sujet de l’exil comme situation filmée vécue ou possible pour des cinéastes contemporains, nous avons dialogué avec deux réalisateurs présents lors de la 38ème édition, le Japonais Katsuya Tomita et l’Égyptien Tamer El Saïd (In the Last Days of the City [Montgolfière d’Or et Prix du Jury Jeune]). Leurs films respectifs nous semblaient travailler l’expression d’un « mal de pays » et ces discussions étaient une manière de remettre en circulation nos interrogations quant à l’exil.

De fait, si, dans les précédents films de Katsuya Tomita, la Thaïlande comme terre des possibles traversait déjà les rêves de certains personnages et que Saudade, Montgolfière d’Or du Festival des 3 Continents en 2011, questionnait l’hybridation culturelle nippo-brésilienne de sa ville natale, le cinéaste n’avait pas fait l’expérience de tourner hors du Japon avant Bangkok nites, dont le projet coïncidait aussi avec sa difficulté à y vivre encore. La capitale de la Thaïlande n’est pas tant le point d’arrivée de Luck depuis Nong-Khai et d’Ozawa depuis le Japon, que la plateforme abstraite, vidée par son illusion de présent continu, de la possibilité d’un départ perpétuel.

Katsuya Tomita a appris le thaï lors de ses séjours à Bangkok et il maîtrisait cette langue au moment du tournage du film. L’anglais fait pour lui office de lingua franca. Il le parle avec parcimonie et une défiance malicieuse. C’est donc en japonais que nous l’avons rencontré, grâce à l’interprète Léa Le Dimna. Une manière de devenir momentanément étrangers à nos propres questions.

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Débordements : Combien de temps avez-vous vécu en Thaïlande avant de tourner Bangkok nites ?

Katsuya Tomita : Tout mis bout à bout, j’ai passé un petit peu plus de deux ans en Thaïlande. Au départ, c’étaient des moments isolés, deux mois en Thaïlande, puis trois mois au Japon, puis deux mois en Thaïlande. La dernière année avant le tournage, j’ai passé une année complète à Bangkok.

D. : Comment s’est manifesté le désir de réaliser un film en-dehors du Japon ? Vous a-t-il fallu sentir une sorte « d’autorisation » du territoire thaïlandais ?

K.T. : Avant toute chose, il faut dire que le projet a germé il y a une dizaine d’années, avant mon précédent film, Saudade. J’avais voyagé à travers l’Asie du Sud-Est avec Toranosuke Aizawa qui co-écrit mes scenarii. Ce voyage nous a permis de réaliser que le Japon faisait vraiment partie de l’Asie. Le Japon est un pays insulaire, donc pas directement, géographiquement, relié au reste du continent. On a beau savoir que c’est le cas, culturellement, ce n’est pas si évident. Le fait de s’éloigner et de traverser l’Asie nous a permis de réaliser que, notamment d’un point de vue historique, nous y étions fortement reliés.

En arrivant en Asie du Sud-Est, ce qui nous a frappés, c’est la récurrence des questions que nous posaient les conducteurs de tuk-tuk. Très vite, en nous montrant un catalogue, ils nous demandaient si nous avions besoin de certaines choses, qui étaient toujours les mêmes : est-ce que tu veux des filles ? De la drogue ? Est-ce que tu utilises des armes ? Ce sont ces trois questions qui ont ouvert notre curiosité pour la Thaïlande et l’Asie du Sud-Est en général, puisqu’on s’est très vite rendu compte qu’il s’agissait des trois piliers de l’économie souterraine régissant toute cette partie de l’Asie.

En ce qui concerne l’autorisation du pays, la question s’est très vite imposée à nous. Nous avons rendu visite à Apichatpong Weerasethakul, l’un de nos amis et qui, justement, travaille sur la région d’Isan, qui faisait partie de notre projet. Il venait de terminer son dernier film. Il l’avait tourné de manière clandestine car le gouvernement thaï ne lui aurait pas donné d’autorisation. Quand on lui a exposé notre projet, il nous a dit qu’il se passerait la même chose. Il nous encourageait donc à le faire de manière clandestine. Nous n’avons pas eu d’autorisation officielle.

D. : Que ce soit à Bangkok, à Isan ou au Laos, qu’est-ce que cela impliquait pour vous de ne pas tourner au Japon ? Y avait-il une forme de défi aussi bien géographique que cinématographique ?

K.T. : Le plus gros défi pour moi a vraiment été d’un point de vue psychologique. Quitter le regard et la candeur du touriste ou du voyageur qui découvre un pays pour pouvoir poser un regard plus quotidien sur le pays et sur sa réalité à proprement parler. Je ne voulais pas filmer avec le prisme d’un certain exotisme. C’est pour cela que la période de préparation a été très longue. Je voulais que mon regard s’accoutume au pays.

D’un point de vue plus pratique et matériel, il y avait le fait de mettre en place le tournage directement dans les décors naturels. Et ce, plus particulièrement dans Thaniya Street. Il était indispensable que les choses se tournent sur place et non dans un décor que nous aurions reconstitué. Or c’est un lieu où il est extrêmement difficile d’introduire des caméras.

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D. : Comment avez-vous été amené à construire le personnage de Luck comme étant originaire de la région d’Isan, et qui plus est de la ville de Nong-Khai tout au Nord de la Thaïlande ?

K.T. : Lorsque nous avons entamé le projet, le titre nous est très vite venu. Le film devait s’appeler Bangkok nites. Nous avions alors prévu que le tournage se déroule essentiellement à Bangkok la nuit. Sauf que, au fur et à mesure que nous avons rencontré des gens, des chauffeurs de tuk-tuk et des prostituées notamment, c’est-à-dire tous ceux qui font partie des « classes inférieures » de la société de Bangkok, nous nous sommes rendus compte qu’ils venaient pour la plupart de la région d’Isan. Il nous a alors semblé naturel que Luck vienne de là-bas aussi.

Nous nous sommes renseignés sur cette région, située au Nord-Est du pays. Cette région est vaste, elle fait un tiers du territoire thaï et représente autant de la démographie du pays. Elle est bordée par le Mékong, elle mène au Laos par le Nord et par le Sud au Cambodge. La présence de la frontière jouait pour nous un rôle très important, c’est la raison pour laquelle nous nous sommes focalisés sur la ville de Nong-Khai. Après avoir fait ce choix, nous sommes allés à Nong-Khai et nous avons été surpris de découvrir une sorte de paradis sur terre. Et une ville située en zone frontalière est forcément riche sur le plan historique. En l’occurrence, beaucoup de personnes originaires du Laos vivent à Nong-Khai, surtout de la minorité ethnique des Hmong qui se sont exilées suite à la guerre du Vietnam. Une autre raison qui nous a poussés à choisir Nong-Khai : c’est la ville où est née la légende d’une créature mythique, le Phaya Naga, le dragon que l’on voit nager dans le Mékong, légende qui s’est ensuite répandue partout sur le territoire. Aujourd’hui, il est vénéré partout en Thaïlande, il orne les temples.

D. : Était-il question dès le début du projet que vous interprétiez le rôle d’Ozawa, Japonais expatrié, ex-client de Luck fauché, personnage prêt à accepter n’importe quelle mission douteuse en l’échange de quelques billets et la certitude de voir du pays ?

K.T. : Cela s’est dessiné au fur et à mesure. Au fil des dix années de développement du projet, il m’a semblé que j’étais le plus légitime pour l’interpréter car c’est moi qui avais passé le plus de temps sur place. Dans le fonctionnement de Kuzoku, jusque-là, on avait cette façon de procéder : quand un personnage ou une situation nous est familier, c’est important qu’il y ait une interpénétration entre ce que l’on dépeint dans le film et ce que l’on vit.

Ozawa est le personnage qui m’a posé le plus de problèmes. Nous en avons beaucoup parlé avec l’équipe, notamment en termes de caractérisation, et même beaucoup plus que Luck, qui est pourtant le personnage principal. Pour nous, les personnages principaux étaient Luck et les autres filles. Il était important que les personnages qui gravitent autour d’elles ne viennent pas interférer avec ce portrait. C’est sans doute aussi pour ça que Ozawa a une touche comique.

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D. : Peu de temps après être arrivé à Nong-Khai et avoir fait la connaissance de la famille de Luck, Ozawa croise le chemin du fantôme des lieux, bientôt rejoint par son armée cachée dans la forêt. Il lance cette réplique à votre personnage : « C’est triste de n’avoir nulle part où aller. Considère Isan comme ton nouveau pays natal. » Comment vous, Katsuya Tomita, et non pas Ozawa, accueillez-vous ces mots ? Pensez-vous que filmer peut aider à trouver son pays natal ?

K.T. : Je crois en effet qu’un pays étranger peut devenir notre pays natal. Ce tournage m’a permis de réaliser que nous autres, équipe de Japonais, étions partis en quête de notre saudade à nous, d’une saudade japonaise. Ce qui était étrange, c’est qu’en voyageant dans la région d’Isan et au Laos, nous éprouvions une forme de familiarité quant aux paysages et à la culture alors même que nous n’y avions jamais mis les pieds. Cela nous a fait éprouver une certaine nostalgie vis-à-vis de quelque chose que nous n’avions pourtant pas connu. Ces similitudes que j’avais l’impression de percevoir culturellement sont en fait ce qui existait originellement au Japon mais que nous avons perdu de vue depuis la modernisation.

D. : Pensez-vous revenir tourner au Japon désormais ?

K.T. : Jusqu’à présent, j’avais l’impression que, pour moi, plus aucun espoir n’était permis au Japon, ou du moins, qu’il fallait que je me tourne vers l’extérieur car il m’était impossible de revenir là-bas. Finalement, au terme de Bangkok nites, un autre espoir est possible. Néanmoins, à l’heure actuelle, j’ai la liberté de tourner au Japon, en Thaïlande ou au Laos. J’aimerais beaucoup tourner au Laos pour mon prochain film. Et ensuite aller en Amérique du Sud. J’aimerais aller toujours un peu plus loin.

D. : Quels mots emploieriez-vous pour parler du Japon et de la Thaïlande avant le tournage de Bangkok nites ?

K.T. : Avant Bangkok nites, et après Saudade, aux alentours de 2011, pour moi, le Japon était un lieu où je n’avais plus ma place, où il n’y avait plus d’espoir permis, où il n’y avait plus de paradis possible. Et la Thaïlande et le Laos me semblaient représenter des pays où ce paradis pouvait exister. Je prolonge la question en disant que maintenant que j’ai tourné là-bas, je sais que ma perception était erronée.

Il y a cette scène autour du cratère dans Bangkok nites où les jeunes évoquent le tôgenkyô, originellement issu d’une légende chinoise, ce lieu qui, s’il est quitté, ne permet plus d’y revenir. Il y a une légende similaire au Japon, où quelqu’un part et ne peut ensuite plus revenir chez lui parce que le pays, le lieu d’où il vient, a complètement disparu. Je crois qu’avant Bangkok nites, ma perception était celle-ci, qu’une fois que l’on a perdu quelque chose, on ne peut plus jamais le récupérer. J’ai réalisé grâce à ce tournage que c’était faux, que la porte d’entrée continuait à exister. On avait juste plein de voiles devant les yeux. Le travail consistait à les faire voler en éclats. Une fois qu’on a fait ce constat-là, on peut comprendre assez facilement que partout sur terre, le paradis existe. Bangkok nites décrit la difficulté à faire ce constat. Le film parle de l’effort que l’être humain doit faire pour rester connecté avec l’image du paradis.

D. : Que signifie le mot « exil » pour vous ?

K.T. : Pour moi il y a deux interprétations possibles. La première, c’est quand on considère que l’exil consiste à être retiré de force de la nation, à sortir du cadre institué, administratif. L’autre versant, c’est ce que j’évoquais précédemment : l’aspect originel que représente un pays pour soi. L’exil consiste alors à avoir perdu quelque chose d’essentiel ou du moins l’essence de ce que l’on s’en représentait. Dans le premier cas, pouvoir réintégrer son pays implique un combat, une lutte qui de façon pratique et administrative implique des sacrifices. Dans le deuxième cas, tout est question de sensation. On peut continuer à sentir que l’on appartient à une culture, à un pays, sans y être physiquement parce que l’on peut renouer avec cette essence où que l’on soit dans le monde.

D. : Y a-t-il un mot particulier en japonais pour dire l’exil ?

K.T. : En français ou en anglais, l’exil peut être choisi ou subi, c’est un mot qui reste neutre. On peut s’exiler, être en exil, à la forme active. En japonais, il n’y a pas de mot neutre : soit on y est contraint, soit on le choisit, il y a un mot pour chaque situation. L’exil par choix est un mot, l’exil subi en est un autre. Cette question m’évoque une anecdote. Pendant le tournage de Saudade, nous avons filmé la communauté thaïe qui vit dans la ville de Kōfu [la ville dont est originaire Katsuya Tomita]. Cette communauté est assez importante. Ils ont un chef thaï qui vit au Japon depuis plus de trente-six ans. Je lui ai demandé ce qui l’avait amené au Japon. Il m’a raconté que quand il avait quatorze ans, il rêvait de venir au Japon, mais que c’était très difficile pour un Thaï. Au Laos, se déroulait une guerre civile. Il avait choisi de combattre pour être ensuite envoyé comme exilé politique au Japon. Du Laos au Japon, le statut politique était différent. Il ne peut désormais plus retourner en Thaïlande.

D. : Que signifie pour vous la possibilité de filmer l’exil ?

K.T. : Je pense que cela peut se résumer un mot : filmer l’histoire.

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Entretien mené lors de la 38ème au Festival des 3 Continents, à Nantes, le 28 novembre 2016, grâce à la traduction instantanée en français et japonais de Léa Le Dimna.


Remerciements : Katsuya Tomita, Léa Le Dimna, Jérôme Baron, le groupe de réflexion Exil(s) : devenir étranger en partenariat avec l’Institut d’Histoire du Temps Présent – CNRS (Christian Delage, Claire Demoulin, Catherine Hass, Anne Kerlan, Mélisande Leventopoulos, José Quental), Danai Roussou Balla, Terutarô Osanaï, Nicolas Thévenin.

Toutes les images proviennent de Bangkok nites de Katsuya Tomita, distribué en France par Survivance.