Dans le sillage de l’élection de Trump, ces dernières années n’ont pas été avares en discours sur une Amérique divisée, mettant face à face une Amérique progressiste, éduquée et multiculturelle et une autre Amérique « profonde », au chômage, ignorante et réactionnaire. Or The Last Hillbilly remet du jeu dans cet imaginaire sociologique qui, en tournant au cliché et en polarisant les identifications, risque d’élargir la fissure qu’il prétend constater. En s’attachant à un habitant du Kentucky, Brian Ritchie, il fait en effet émerger une figure qui ne correspond à aucune part : dans cet esprit et ce corps appalachiens se conjoignent la culture sudiste, les marques d’une crise économique, la conscience historique et la puissance poétique.
Mais la grande force du film de Diane Sara Bouzgarrou et Thomas Jenkoe est d’opérer ce déplacement à travers des moyens sensibles. The Last Hillbilly n’est ni un simple portrait ni le témoignage d’une rencontre : c’est une véritable composition qui mobilise Brian, ses proches, et qui passe par différents régimes d’images pour parvenir à approcher l’expérience du hillbilly, la tension qui résulte de la sensation d’être prisonnier d’un territoire qui se meurt et de l’attachement à celui-ci. Du rapport singulier au personnage au montage allusif et mental, en passant par les fluctuations du dispositif de tournage, la discussion qui suit permet ainsi de mettre en évidence la série de partis pris qui a donné forme au film. Mais il y est aussi question d’une position vis-à-vis de la réalité. S’en étonnera-t-on ? Documentaire ou fiction, c’est bien connu, tous les chemins du cinéma éloignent de la réalité…à moins qu’ils n’y mènent.
Débordements : Comment s’est passée la rencontre avec Brian Ritchie ? Le film nous fait traverser plusieurs saisons, on peut voir les vêtements et les coupes de cheveux changer : sur quelle période s’est étalée le tournage ?
Diane Sara Bouzgarrou : On a rencontré Brian en 2013. On voulait aller aux Etats-Unis, dans la partie Sud, en cherchant d’autres lieux que les lieux touristiques. On avait vu des choses sur le Kentucky, l’histoire de l’affrontement des clans familiaux depuis la création des Etats-Unis, et on s’est dit « allons voir ». Et puis un jour, sur le parking de notre motel, Brian, qui nous entend parler français, vient nous voir. Il nous demande ce qu’on fait là car en fait c’est un État que personne ne visite, même pas les américains. Il était curieux, très sympa, et nous a dit « ici vous êtes pas dans le vrai Kentucky, vous êtes dans l’Ouest : le vrai c’est chez moi dans les Appalaches ». Le lendemain on est partis avec lui, on a découvert l’eastern Kentucky et ça a été le début d’une amitié.
À l’époque il était passionné par la culture hillbilly, il prenait cette insulte à bras-le-corps, en essayant de se l’approprier. On a beaucoup échangé pendant deux ans, et ensuite en 2015 on a passé un mois aux Etats-Unis dans son mobil-home (en gros tout son clan vit à chaque étage d’une colline et le long de petites routes sinueuses). C’est là où qu’on a découvert les poèmes qu’il avait écrits dans des carnets. Il y a eu un dépassement de cette amitié première et c’est à ce moment que le film est né, par la découverte de son clan, de son territoire, de ses textes.
En gros, on a tourné de 2015 à 2019, mais principalement de 2017 à 2019. Au début on était en repérage, puis il y a eu un tournage officiel mais au moment du montage on s’est rendus compte que le film serait beau en englobant une temporalité longue. Même si ce n’est pas très précis au niveau des dates, on avait envie de faire une fresque qui s’étire sur des années. Pendant quatre ans on y est donc allés chaque année, entre quinze jours, deux fois quinze jours, et quatre mois la dernière année.
D : Un des traits particuliers du film réside dans le rapport au personnage de Brian Ritchie. On parle souvent de films non pas faits « sur » un sujet ou sur une personnage mais « avec », et ça pourrait particulièrement s’appliquer à votre film qui semble par moment transmettre la vision de Brian. Mais tout en étant proche du personnage, il y a aussi une forme de décentrement par rapport à lui, des décrochages. Concrètement comment vous avez travaillé ce rapport au personnage ou disons le rapport entre le point de vue du personnage et celui du film ? Est-ce qu’ils se confondaient pour vous ou est-ce que vous aviez à l’esprit des lignes de distinction ?
DSB : On avait le projet d’un film qui plongerait dans le flux de conscience de Brian. Dès le début on a pensé le film sous une forme duelle : Brian était le seul qui pouvait porter le film, qui pouvait révéler ce que sa région traverse, il est vraiment brillant et est capable d’articuler une pensée très précise, ramassée, dans des mots très beaux et puissants. Ses poèmes nous semblaient vraiment dire quelque chose de l’être humain, de sa région et de son phrasé particulier. On voulait donc vraiment rendre compte de sa vision personnelle, de ce qu’il traverse. En même temps on voulait sortir de cette subjectivité et entrer dans le mouvement de la vie : filmer certes les gens qui cheminent autour de Brian, mais aussi le groupe des enfants seuls, la nouvelle génération.
Au tournage on a construit un rapport de proximité glissante, on sentait qu’il fallait garder la liberté de se détacher. Il y a eu des moments de friction où on finissait par comprendre certaines choses que lui n’avait pas articulées de cette manière en étant plus indépendants, en allant voir ses amis, sa famille. La scène où il s’adresse à la caméra est une scène qu’on a tournée après 3-4 heures de dispute, un soir. On s’était dit qu’on allait aller vers d’autres personnes, on a dit à Brian : « tu nous dis ça, mais eux disent autre chose. ». On a donc construit un rapport de grande proximité mais, au tournage comme au montage, on a essayé de garder la tête claire et de rendre sensible sa perception du monde, en ayant des contrepoints par le groupe des enfants ou notre propre point de vue.
Thomas Jenkoe : À propos de cette volonté d’épouser le flux de conscience, auparavant chacun de nous avait déjà réalisé des films autour de la mémoire, en essayant de se mettre « dans la peau » de quelqu’un, même si dans le cas de Diane c’était sa propre peau. Il y avait déjà ce travail entamé auparavant, et on était aussi influencés par les romans du stream of consciousness, Joyce, Woolf…On a exposé assez vite à Brian qu’on voulait faire un film centré sur lui, qui irait assez profondément en lui. Et au départ, même s’il était pour, il y avait forcément une petite réticence, il se disait « mince, je vais devoir tout donner… » Parce que l’idée était d’essayer de regarder le monde avec ses yeux, même si ça reste notre mise en scène. Il fallait avoir suffisamment discuté avec lui pour savoir quoi filmer et comment filmer pour rendre les choses telles qu’il pourrait les avoir vues… Sachant qu’il y a toujours le filtre de la mise en scène : c’est toi qui fais le choix.
DSB : Et Brian a de plus en plus été présent, moteur : au niveau des poèmes par exemple. Il est devenu performeur. Ce texte qu’il hurle au début du film sur l’histoire de l’Amérique, c’est lui qui nous l’a offert : il l’a enregistré spontanément. Par contre on lui a demandé d’écrire le poème sur les cerfs, au montage, car on voulait commencer sur cette espèce de métaphore. Donc oui, ça a vraiment été un film « avec » : il a été très généreux et très confiant. Et d’ailleurs il est reconnu comme un des auteurs du film. C’est un vrai collaborateur artistique.
D : À propos de mise en scène, le début est assez puissant dans sa manière d’articuler le personnage et le territoire : on peut penser au plan aérien sur lequel on entend sa voix. Ou bien aux fondus assez lents sur des ruines. Est-ce que vous aviez déjà les voix quand vous avez fait ce type de choix ?
TJ : Ça dépend. Sur cette voix du début, il nous a appelés quand on est revenus des États-Unis en avril 2019 pour nous dire « j’ai fait un truc pour vous. » Car il ne voulait pas être là quand on écouterait. On a écouté et on s’est dit « qu’est-ce que c’est que ce truc ? » Il hurlait, pendant 10 minutes. On a fini le film en se disant qu’on en ferait forcément quelque chose, sans savoir quoi exactement. C’était tellement différent de tout le reste…
Puis au fur et à mesure du tournage on s’est rendus compte qu’on avait sous-estimé quelque chose : le rapport à la mine. Et une semaine avant la fin du tournage, on a tourné ces plans dans une ancienne mine, avec encore des bâtons de dynamite qui n’ont pas sauté… Et il y avait des ruines intéressantes, ça résonnait pas mal avec ce qu’il disait. Et les plans aériens filmés avec un drone – même si on n’est pas des fanatiques – étaient le seul moyen de rendre compte un tant soit peu de ce à quoi ça ressemble. On avait essayé de découper l’espace autrement en allant se mettre plus haut.
DSB : Ce territoire est compliqué à filmer, ce sont des collines et c’est très difficile d’embrasser le paysage. On voulait filmer les cicatrices. C’est une nature et une géographie mutilées. On se demandait comment le faire sentir. Et ce prêche de Brian, qui parle de l’histoire de la violence en Amérique nous intéressait dans l’idée de faire sentir des forces telluriques de ce territoire tellement actif dans la vie de ceux qui y vivent, car ils ont les pieds dans la terre, la boue, ils sont constitués de cet endroit. On a tourné longtemps autour de ce passage au montage.
D : Brian apparaît à l’écran, mais on l’entend surtout en train de parler aux autres ou en off – il ne s’adresse à vous ou à la caméra que deux fois. Est-ce qu’éviter la configuration de l’entretien était une volonté de départ, ou cela s’est-il décidé plus tard ?
TJ : C’est pas que l’on n’aime pas les entretiens. Il y a 130 heures de rushes, et là-dedans il y a de nombreux entretiens, parfois longs (1h, 2h). Mais on savait dès le départ qu’on ne les monterait pas : c’était une matière pour savoir ce qui se tramait dans le coin, ce qui préoccupait les gens, pour essayer ensuite de le restituer dans le récit sous une forme plus elliptique. Tout n’avait pas forcément besoin d’être dit pour être senti et compris par le spectateur. Parfois c’était plus fort, moins rébarbatif, et ça permettait de tenter plus de choses en termes de mise en scène. Donc c’était vraiment un souhait qu’il n’y ait pas trop d’entretiens et d’adresse : il y en a à deux reprises mais une fois, quand il s’adresse à la caméra il est clair que c’est moins à nous directement qu’il s’adresse qu’à un potentiel futur spectateur…
DSB : On lui a dit d’ailleurs ! Il avait une sorte de colère froide, et on lui a dit : « C’est ton moment, vas-y ! Prends à parti la caméra et dis ce que t’as à dire ! » L’adresse à la caméra, c’est différent de l’entretien : il y a une sorte de prise de parole qu’on peut voir dans la fiction comme dans le documentaire. On essayait toujours, finalement, de déborder du cadre documentaire. Dès le début, on n’avait aucune envie d’être présents, identifiables, on voulait se fondre dans ce clan, entrer dans cette vie et en rendre compte artistiquement, pas par une approche sociologique ou analytique. On voulait que beaucoup de choses de ce qui se joue sur place transpire par divers éléments, petites touches. Par exemple, l’épidémie de meth : c’est un endroit où la came est partout et détruit la vie des jeunes, notamment. On avait une heure d’entretien. Parfois dans le documentaire le verbal est énorme, mais nous on avait en tête les derniers films de Terrence Malick, où tu comprends tout à travers une phrase, un plan… Par exemple quand il filme Sean Penn dans son bureau, tu as compris que c’est un businessman qui a une vie solitaire et vaine. Donc l’épidémie de meth, on la comprend juste par une bribe de poème.
Et pour la scène en haut des collines où il s’adresse à nous : on est allés avec lui là-haut et on s’est dit qu’il fallait parler de la mine. On lui a demandé s’il pouvait expliquer à ses enfants pourquoi le paysage était comme ça, et finalement, comme les enfants s’en foutaient un peu, on l’a laissé parler quand même. Au montage c’était la seule petite entorse à notre dispositif : cette scène était tellement importante qu’on ne pouvait pas se permettre de la couper. On a vraiment travaillé longtemps le montage pour qu’on puisse sentir qu’il nous parle, certes, mais qu’il essaie aussi de créer une rêverie personnelle, avec ses mots qui rebondissent sur ces enfants qui s’éloignent.
TJ : On voulait en tout cas en la montant essayer de rendre compte de ce qu’on avait ressenti en la tournant, à savoir que même s’il nous regarde, au fond c’est davantage à lui-même qu’il s’adresse qu’à nous. D’ailleurs on était assez surpris, il commence par parler de quelque chose de général, décrivant la mine, puis rapidement ce qu’il dit par rapport aux autres, le passage des pionniers aux hillbillies ignorants en trois générations, s’applique à lui. Tu sens qu’il le prend pour lui.
D : On dirait que le dispositif est à la fois très pensé et ouvert. Le film a un aspect un peu hétérogène : on ne se situe pas dans une démarche « classique » d’accompagnement des personnages, pas non plus dans une approche dominée par le retrait contemplatif ou la recherche de la composition picturale. Le film semble se faire au croisement de différents régimes, peut-être pour mieux les dépasser, avec tantôt des images composées où le cadre se fait sentir, où l’accent est parfois mis sur le milieu environnant, tantôt une caméra qui semble très mobile, légère. Du point de vue du filmage, est-ce que vous aviez décidé d’un type d’image au départ ou est-ce que vous changiez ou adaptiez le dispositif au cours du tournage ?
DSB : On savait qu’on ne tournerait qu’à deux car dès le début on a beaucoup travaillé pour devenir quasiment membres de la famille, qu’ils acceptent progressivement la caméra et la perche. On savait aussi qu’on ferait le film en 4/3 et qu’on ferait des recadrages, donc on a choisi de tourner en 4K et en flat pour pouvoir avoir une grande latitude à l’étalonnage. Pour le son, il fallait beaucoup d’ambiance, de sons seuls, de HF… Moi j’avais le son : deux HF, un enregistreur pour les ambiances, une perche MLS pour pouvoir capter le mono et aussi le stéréo. Et puis en plus de la caméra de Thomas j’avais un appareil photo avec une bonne qualité. Car comme on vivait avec eux certains moments, comme la scène du poisson mort ou celle en haut des plateaux avec la moto, sont arrivés un peu comme ça, alors qu’on était censés être en « off ». Pour la scène du poisson mort on était juste partis passer un moment sympa avec les gamins et en fait la scène est venue.
C’était un territoire complexe, accidenté, il fallait être pas mal robuste, et on voulait être assez mobile tout en ayant de la qualité. Le matériel était adapté aux conditions météo, à notre volonté d’être en mouvement : Thomas avait quand même un Varizoom qui stabilise un peu.
TJ : On n’avait pas forcément le top du top. Car on se disait que s’il fallait remplacer le matériel, il ne fallait pas non plus que ça coûte trop ! Il fallait vraiment que ça soit fiable : c’était le principal critère. En 2015, j’étais parti avec appareil photo, objectif interchangeable et tout, et rapidement je me suis rendu compte que c’était pas jouable sur place : il fallait toujours tout nettoyer, il y avait énormément d’humidité, de poussière… Et en fait, on avait une caméra avec objectif intégré, très simple, et puis l’appareil photo de Diane et nos smartphones, quand même, qui ont aidé. Mais ce qu’on a essayé de faire, c’est de tout avoir dans la même gamme : tout en Panasonic, sans faire de publicité. Juste pour se dire que ce serait pas gênant de mêler les images.
DSB : La beauté prime sur l’homogénéité esthétique. On savait qu’on voulait avoir quelque chose qui nous permette de filmer à chaque instant. Et c’était une bonne chose car au montage on a utilisé des rushes de tous les tournages, même des repérages. On avait des partis pris mais on était assez mouvants, et on tentait plusieurs choses au fur et à mesure des années. Et c’était un gros travail de montage ensuite de retrouver quelque chose qui se tienne.
D : Donc par exemple quand une scène comme celle du poisson mort arrive de manière inattendue, il n’y a pas de micro ?
TJ : Non, c’est le son de l’appareil photo.
D : Autrement, le fait d’avoir des micros HF, qu’il faut installer sur les personnages, implique que vous décidiez la plupart du temps par avance avec eux de tourner une scène ?
TJ : Oui, mais même là on reste dépendants du réel. Il se passe toujours autre chose. Par exemple la scène nocturne où Brian harangue les enfants. Il était comme d’habitude en train de faire un feu dehors, et les enfants s’étaient mis autour. On s’est dit : « tiens, c’est une belle scène, ce serait intéressant de filmer. » Donc on installe la caméra, alors même que j’étais un peu éméché, c’était difficile de trouver le cadre… On pensait qu’on allait juste faire un petit truc. Comme ils n’arrêtaient pas de parler de la chasse aux cerfs, j’ai dit à Brian qu’il n’avait qu’à en parler aux enfants. Je me disais que ça ferait 10 minutes maximum. Mais il se lance d’abord sur la chasse et puis en une minute il part sur autre chose, et là on réalise que ça va être beaucoup plus long. C’était installé, il avait son HF, et une des autres enfants, Katie, aussi…
DSB : Mais il a surpassé nos attentes dans cette scène !
TJ : C’était toujours un peu comme ça. Chaque fois qu’on décidait de préparer, il se passait autre chose dès qu’on lançait.
DSB : Ça variait. Dès fois on était très décisionnaires, et parfois on relançait juste la scène quand elle commençait à patiner. Par exemple, la scène où ils dépoussièrent les cerfs : Brian avait fait ça l’été d’avant, et en y retournant on a proposé à Brian et Dwight, son frère, de le refaire. Ils l’ont fait et ont été pris dans la scène. On s’est alors dit que ce serait beau s’ils parlaient de la mort de leur frère, qui avait tué un des cerfs. On a injecté ça et eux ont réagi.
Ou bien la scène avec les deux gamines qui parlent de leur avenir : à la base on voulait la tourner avec Katie seule car Carolina, la brune, était moins présente. Mais elle est venue, elles ont voulu aller bronzer, puis on a galéré à les lancer mais à un moment donné Carolina a pris son envol. C’est devenu une scène formidable entre les deux, alors qu’au départ c’était moi qui était censée parler à Katie.
D : Le film, d’une partie à l’autre, alterne entre différentes atmosphères, entre différentes couleurs : est-ce que vous avez mené un travail particulier à l’étalonnage ?
TJ : Comme l’a dit Diane, on filmait en flat, c’est-à-dire que le logiciel interne de la caméra enregistre toutes les couleurs dans l’image mais ne les restitue pas. Ce que tu filmes est entre le gris et le blanc. Et quand tu dérushes, tu ne vois pas les couleurs tant que tu ne les a pas fait revenir. L’avantage est qu’ensuite tu as beaucoup plus de latitude pour retoucher. À ceci près que, dans notre cas, comme ce n’était pas une caméra incroyable, il y avait des limites.
L’hiver, les couleurs étaient déjà naturellement un peu bleutées, un peu métalliques, et on voulait vraiment renforcer ce côté, Brian parlant beaucoup de la peur de la mort… En gros on a surtout renforcé des choses déjà présentes dans l’image. Dans la deuxième partie, plus printanière, les couleurs dominantes étaient le jaune et le vert, et on les a encore renforcées, en contaminant d’autres aspects de l’image par le jaune. Et la dernière partie est essentiellement rouge car on est en plein été. Pour l’étalonnage, on était très influencés par Mark Cohen, un photographe américain, aussi bien dans sa façon de cadrer que dans ses couleurs : des couleurs pleines, mates. Les noirs sont noirs, les bleus sont bleus, les rouges sont rouges. Les couleurs primaires doivent être pleines. On savait que ça serait comme ça, disons très tranché.
DSB : On voulait vraiment une unité dans chaque acte. On a vraiment eu un super étalonneur qui, quand on lui a amené ces références, a tout de suite vu.
TJ : Ce qui nous intéressait aussi avec cette possibilité d’avoir des couleurs très pleines, c’est qu’au fond le film, dans sa gamme colorimétrique et sa texture, est assez difficilement datable. Bien sûr le drone peut permettre de le dater, mais pour le reste c’est difficile de dire que c’est un film qui est tourné en 2019. On voulait capter quelque chose de contemporain mais on voulait aussi que le film puisse s’inscrire dans quelque chose de plus durable, qu’il échappe à son époque et qu’il puisse être vu plus tard, résister au temps.
DSB : Dès 2015 on savait que le film serait en 4/3 et la 4K était aussi pratique car c’était très défini et on pouvait se permettre de zoomer dans l’image, de la recradrer, ce qui est un travail de photographe plus que de cinéaste. On aimait cette idée de pouvoir chercher des cadres moins évidents mais qui, par un accent mis sur un bout de bras ou autre chose, expriment une émotion, un aspect de l’existence. On a beaucoup travaillé ça au montage.
D : Mais quand Thomas filmait, il n’avait pas l’image en 4/3 sur sa caméra ?
TJ : Non, je l’avais en 16/9, mais avec des bouts de scotches sur le bord de l’écran, pour mimer le 4/3 et savoir à peu près où j’en étais. Tout en sachant que je pourrais ensuite décaler de gauche à droite. Parfois les gens pensent que j’ai bien cadré : c’est parfois vrai, parfois un peu moins ! Le fait de recadrer était aussi lié au fait qu’on voulait un peu plus découper l’espace. Car la tentation est de filmer en 16/9 ou en Scope, pour aller dans le grandiose. Mais on voulait l’inverse. On essaie d’être attirés juste par des détails, les corps, sans céder à ce parti pris qui est un peu évident, surtout pour des européens nourris par le cinéma américain, les grands espaces.
Il y avait une deuxième raison. Quand on était sur place, on ne se disait pas : « le mythe américain n’existe plus, on va filmer sa mort ou son envers. » On se disait plutôt : « le mythe américain existe toujours, mais il subsiste par pièces, par lambeaux. » Et filmer en 4/3 était encore une autre façon de découper ce mythe américain qu’on imagine normalement plein cadre, de le rendre pièce par pièce.
DSB : On voulait aussi qu’il y ait un rapport plus vertical, de la terre au ciel. C’est toujours intéressant de questionner le format, de ne pas le prendre pour acquis. Le 16/9 reste une norme. C’est aussi pour ça qu’on a mis le tout petit format.
D : Au début et à la fin vous faites en effet intervenir l’image en miniature, surcadrée d’un large rectangle noir. Qu’est-ce qui a motivé ces choix ?
DSB : L’image avec le cerf, au début, est une image qu’on n’a pas tournée nous-mêmes, c’est du found footage, datant d’un été où nous n’étions pas là. Mais l’été suivant, Brian nous racontait que ça puait la mort, qu’il y avait eu des cerfs partout dans les rivières, et ça nous avait marqués car au fur et à mesure du tournage on sentait qu’il y avait une mort omniprésente. Placer ces images et ce poème donnait une sorte de puissance romanesque, ça permettait d’ancrer le documentaire sur un terrain déjà un peu décalé par rapport au réel, et qui pourtant le révèle fortement. Ce poème, ces cerfs mourants dans l’eau, prennent valeur de métaphore. Confronter ce texte parlant d’une épidémie puissante à ce petit cadre transmettait aussi quelque chose de l’ordre de la fragilité. Et lorsqu’on revient, à la fin, à ce plan tourné au téléphone portable, entouré du noir numérique, on retrouve la fragilité de l’existence, alors même que le garçon qu’on voit a une forme d’énergie et de lumière : c’est de l’ordre d’un combat entre la mort et la vie. Et ce format est un peu comme un cerceuil. Ce choix est instinctif, on ne l’a pas théorisé plus que ça, mais il a quand même un sens pour nous.
TJ : Le retour de ce format à la fin était aussi une manière de dire que plus le film avance plus on a l’impression que les possibles se restreignent. C’est de nouveau plus étriqué à la fin, ce qui ne vaut pas condamnation, ne signifie pas que tout est foutu. Mais les enfants vont se débattre dans un univers plus petit que celui de leurs parents.
DSB : Il y avait aussi ce fil rouge de la mort dans l’eau. Il y a bien de la pollution dans les sols, et l’eau où les enfants jouent est aussi un peu polluée, c’est aussi celle où les cerfs meurent, où il y a une menace. Notre traitement consiste juste à décoller un peu du réel, à accepter de donner des élans un peu symboliques.
D : La forme du film laisse en effet deviner que vous prenez, en tant que cinéastes, une certaine liberté. Cela peut se sentir au niveau de certains procédés visuels (je pense à des images floues), mais aussi plus généralement au niveau du montage qui ne fait pas valoir les images comme de simples bouts de réel prenant place dans une continuité chronologique, mais qui les utilise comme éléments d’une composition qui peut prendre une dimension métaphorique, mentale (on peut par exemple penser à un plan de Brian allongé revenant deux fois). De quelle façon en êtes-vous venus à cette dimension et comment s’est élaboré ce travail de recomposition au montage ? Est-ce que vous aviez défini des motifs par avance, des passages entre des moments plus « directs » et des moments plus intérieurs ?
TJ : Il y a une chose qui a beaucoup aidé : on faisait partie d’un programme de co-production qui s’appelait Eurodoc. Et en 2017, on était censés monter une vidéo de 10 minutes pour montrer à quoi pourrait ressembler le film. C’était une gageure, mais ça a permis de trouver des premières idées, et il y avait déjà le retour du plan de Brian allongé dans ce montage. On avait filmé beaucoup de corps allongés, on s’était dit qu’on allait travailler avec les « gisants ».
DSB : Pendant le dérushage, notre monteur, Théophile Gay-Mazas, notait des motifs et avait remarqué ces « gisants », qui suggéraient un lien avec la mort, le sommeil. Ça a été un long travail et on a vraiment choisi un chemin parmi mille autres chemins. Notre matière était assez dense, or on voulait depuis le début faire un film assez court, condenser en peu de temps l’expérience de Brian et des gens qui l’entourent, tout en dilatant le temps. Le montage était un moment un peu vertigineux, et on a dû réfléchir pour trouver le chemin du film, la structure en « actes », l’itinéraire de Brian : on a fait un vrai travail narratif avec Théophile. Et c’est au montage qu’on a pris conscience de la portée de la mort qui rôde, de l’immense solitude de Brian, de l’importance de la mine, de la destruction du paysage et de l’héritage d’un monde dont on nous dépossède, de la force vitale des enfants, autour de quoi s’est construit le film.
On avait un tableau velleda, dont Théophile était très fier, avec des petits post-its. Et on a eu très rapidement cette idée d’ouvrir des scènes en même temps, de faire des groupes de scènes qui s’entremêlent, se répondent. Trouver la précision des coupes, les ruptures, a pris du temps. Certaines scènes étaient bien en elles-mêmes, mais d’autres prenaient plus de force en s’entrechoquant avec d’autres, alors qu’en général on monte pas mal en bloc. Très lointainement, notre amour pour le cinéma de Mallick a dû jouer. Même s’il est un peu en disgrâce ces derniers temps on trouve quand même que dans Knight of cups, ou dans certaines parties de Tree of life, il y une façon intéressante d’être très libre dans des associations d’espaces, d’ouvrir des scènes sans parfois jamais les refermer.
TJ : Diane, Théophile et moi on se retrouvait dans l’amour qu’on peut avoir du cinéma expérimental. Évidemment on ne voulait pas faire un film d’1h20 expérimental, je pense que notre producteur l’aurait mal pris. Mais par exemple on adore Walden de Mekas, or là c’est quasiment que ça : un entrechoquement d’images. Ou certains films de Marker, Van der Keuken : ils télescopent les images, ça peut avoir l’air d’être fait n’importe comment mais c’est hyper-pensé, pour que les images se répondent.
Une chose qui a aidé aussi, c’est la musique. Avant Noël 2019 on a fait un premier rough cut qui faisait presque deux heures, et puis on a passé cinq jours à la frontière belge avec les musiciens, qui étaient venus des Etats-Unis et de Londres. On leur a montré les deux heures, vraiment honteux, en se disant : « c’est vraiment de la merde, mais il faut assumer. » Et assez étrangement ils ont très très bien compris ce qu’on cherchait.
DSB : Ils ont presque mieux compris que nous à l’époque !
TJ : Ils se sont enfermés pour enregistrer, et quand ils nous ont livré les morceaux, on a trouvé des idées supplémentaires pour compléter le montage, refaire certaines choses.
DSB : En plus je me rappelle, on était dans un état de grande angoisse. Il fallait qu’on fasse un film à la hauteur de ce que Brian et les autres nous avaient donné, et on travaillait depuis cinq ans. Quand on a entendu la BO de presque une heure, j’étais en larme, tellement épuisée. Mais je me suis dit : « putain, ils ont compris. » On entendait les fantômes de la musique appalachienne, l’harmonica comme un écho lointain des bruits des mines… C’était très beau, très mélancolique, il y avait une sorte de béance. Ça racontait ce qu’on n’avait peut-être pas encore vu, car on était trop le nez dans le guidon.
TJ : ça nous a aidé à croire qu’il était possible de faire un film avec une narration très elliptique. Qu’on allait pouvoir comprendre les choses sans forcément les dire, qu’il y avait suffisamment de moments où le spectateur pouvait se raccrocher à quelque chose de compréhensible, pour qu’en dehors de ces moments on puisse se permettre d’aller plus loin dans l’expérimentation.
DSB : Théophile a été très important dans la construction du film car il y avait vraiment beaucoup à faire. On a tourné pendant 4-5 ans, il y avait des coupes de cheveux différentes, des enfants qui grandissent… On avait essayé pas mal de choses hétérogènes, et il fallait trouver une narration avec un personnage qui n’évolue pas. Brian n’est pas très moteur d’un point de vue narratif car c’est quelqu’un qui pense et ressent mais qui n’avance pas tant que ça. On a mis du temps à trouver et préciser un chemin sur cette espèce d’impasse dans laquelle il se trouve. C’était quelque chose de très fin à travailler. Et ça nous a aidé d’affirmer notre lien avec la littérature, avec Faulkner notamment. Tandis que j’agonise nous a beaucoup inspirés, avec une histoire qui évolue selon des chapitres où ce ne sont que des voix intérieures des personnages. On a tenté de construire en mettant des chapitres, avec un prologue, un épilogue, on a pris quelques risques formels et narratifs pour finalement faire tenir le récit et avoir la plupart des éléments artistiques et thématiques, pour qu’on puisse ressentir le film, pas juste faire un film qui transmet une information, qui explique. On voulait créer un bouleversement, car ce qui s’y passe est bouleversant et les gens sur place nous ont offert cette possibilité de bouleverser à travers leur sincérité et leur émotion. Brian s’est vraiment laissé approcher jusqu’à son plus intime désespoir.
D : On perçoit l’attachement de Brian à son territoire, il parle d’identité, en même temps, en effet, le film ne procède pas sur un mode didactique. On peut avoir l’impression que, plus qu’à cerner les personnages, les situer sur un plan politique ou social, il s’intéresse à une forme de malaise culturel, entre un attachement à une culture ou à un territoire et une forme de distance ou de désarroi. Mais on trouve bien dans le film quelques signes d’une culture qu’on pourrait associer à une Amérique « profonde », notamment dans une séquence où l’on peut voir Brian initier la petite Katie aux armes à feux, où l’on aperçoit également un drapeau sudiste – mais le film incorpore aussi une culture religieuse avec la Bible et le chant Amazing Grace. Comment vous avez pensé l’insertion de ces éléments culturels dans le montage ? Comment est-ce que vous avez pour votre part perçu le rapport de la famille Ritchie à une culture américaine plus large ?
TJ : C’est un film sur un monde en perdition, une culture qui disparaît. Il est donc intéressant d’en montrer les marqueurs : certains typiquement américains, pas forcément que du Sud (la religion, les armes…). Sur le maniement des armes, on aurait pu monter une séquence entière, mais au moment de monter on s’est dit que ça ne servait à rien car Brian a l’air de s’en foutre, Katie aussi, elle a l’air pataude. Ils le font, on ne sait pas pourquoi… Ça revient à ce qu’il dit à ses enfants à propos de la chasse : « on fait ça parce qu’on l’a toujours fait. » Pareil pour la Bible. Austin lit la Bible qu’on lui a offert à l’école, mais il trébuche sur les mots, ce n’est pas certain qu’il en comprenne le sens.
Pour le drapeau sudiste, c’est un marqueur beaucoup plus clair. Le Kentucky était un Etat neutre pendant la guerre de sécession, mais malgré tout il est culturellement rattaché au Sud. C’était assez difficile de faire un film dans ce coin-là sans montrer le drapeau. Non pas parce qu’il est omniprésent ou que les gens en parlent tout le temps, mais parce qu’il fait partie de cette identité. C’est un marqueur controversé. D’ailleurs cette scène dans le cimetière confédéré où nous emmène Dwight est assez intéressante parce que Dwight avait un côté un peu bravache, du genre « nous on est du Sud ». Au moment où je filme, je lui demande s’il comprend ce qui se passe, qu’on va le voir dans le cimetière avec le drapeau. Il acquiesce, sans problème. Mais finalement, quand on tourne on sent quelque chose qui le dépasse, qu’il est dedans mais un peu pensif…
À ce moment-là on a compris qu’être du Sud est une double malédiction. La première, c’est avoir perdu une guerre. La seconde, c’est que tous, même ceux qui s’en défendent, savent au fond qu’ils étaient du mauvais côté. Parce que Dwight n’est pas un suprémaciste blanc. On n’a pas croisé de suprémacistes. On a croisé des personnes avec des relents de racisme bien sûr… Mais même ces personnes-là savent au fond qu’elles ont tort. Ça permet de mieux comprendre pourquoi cette culture est en perdition. Il y a une partie qui porte des valeurs positives, qu’on peut continuer à faire vivre, et il y a une autre partie qui est nécessairement vouée à mourir et à disparaître, car au fond tu ne dois pas continuer à t’y accrocher. Concernant la famille de Brian, il y a un bon exemple : la mère de Brian est attachée aux valeurs du Sud, au drapeau, mais en même temps elle ne veut absolument pas qu’il y en ait chez elle.
DSB : Concernant la religion, les parents de Brian sont mormons. Mais même si Katie et d’autres vont à l’église, ils n’ont pas l’investissement de leurs parents. L’homme qu’on a filmé chantant Amazing Grace, tout en étant dans un dénuement total, avait cette voix, cette capacité de chanter le gospel. Mais ça n’était pas choisi : nous on voulait qu’il chante une chanson folklorique qu’on aimait beaucoup. Mais quand il s’est mis à chanter Amazing Grace, il y a eu ce moment où la lumière se lève, retombe, et c’était un rayon sacré qui se pose sur cet homme en ruine. C’était plutôt de l’ordre d’un miracle du réel pour nous. C’est une Amérique qui tient debout, digne, mais très fragilisée.
D : À l’image de Brian dans un plan qui le montre, pensif, la joue appuyée sur son fusil, comme sur une béquille… Vous disiez avoir cherché à vous éloigner du cadre du documentaire, et vous abordez le personnage de Brian d’une façon qui se détache d’une approche sociologique, en se rapprochant de sa vision. Une question générale, pour terminer : comment concevez -vous votre pratique du documentaire par rapport à la question du réel ? Est-ce que vous vous posez la question en travaillant ?
TJ : On a toujours en tête cette question : qu’est-ce qu’on va faire du réel ? Car on n’est pas complètement fous, on sait très bien que l’objectivité n’existe pas. Quand quelqu’un dit : « cette situation était comme ça, c’est ça », et bien en fait non : c’est toujours un regard. Le réel est une découpe, une perception subjective. Pour nous, c’est clair : forcément tu vas prendre un chemin dans le réel, tu vas montrer une parcelle mais pas « LE » réel, car le réel est multiple. Et il n’est pas qu’extérieur, ça n’est pas forcément quelque chose qui se lit dans les comportements, c’est pas que de l’ordre du béhaviorisme. Je pense que dans ce film-là, on a essayé de travailler autant le réel extérieur, c’est-à-dire en fait le perception subjective qu’on peut en avoir, qu’une perception ultra-subjective d’un « réel intérieur » – les pensées qui nous traversent, les rêves, les espoirs brisés.
DSB : On n’est pas très dogmatiques, on n’a pas vraiment d’éthique documentaire par rapport au style : la seule éthique qu’on a c’est par rapport aux gens filmés, le fait d’être respectueux au tournage et au montage. Après on peut pousser très loin une situation documentaire au tournage ou au montage, et le rendu te donnera quand même quelque chose de l’expérience humaine. C’est ce qui me touche en tant que spectatrice, d’arriver de toucher du doigt une expérience de vie. Sur mon dernier film, Je ne me souviens de rien, c’était ça : je voulais que les gens puissent traverser la violence d’un événement psychique que j’avais connu. Et j’ai œuvré au montage pour transmettre ça. Mais c’était du réel. L’expérience du réel au fond, plus que ce que tu filmes, je pense que c’est d’abord l’expérience du spectateur, qui reçoit une parcelle du monde, de l’humanité.
TJ : Et ce qu’on se disait aussi avec Diane c’est que plus l’œuvre est ouverte, plus elle est elliptique, plus elle permet à l’autre, en l’occurrence le spectateur, d’en tirer sa propre expérience. On espère que tout le monde ne voit pas forcément le même film. Bien sûr, nous on propose un trajet, mais qui comporte suffisamment d’ellipses pour reprogrammer autre chose.
DSB : Mais c’est vrai que la question du réel on se la pose tout le temps, notamment car il y a des gens qui ont des exigences précises sur le documentaire, pour qui le documentaire rime avec captation, sans trafiquer. Mais nous on navigue entre différents cinémas. Et peut-être que la poésie est notre genre fétiche, or la poésie elle prend des détours. On essaie de se rapprocher de la forme du poème par le documentaire.
TJ : Est-ce qu’un poème de Rimbaud représente moins la réalité qu’une page de Zola ?