Retrouver le vivant du tableau

Expansion vitaliste dans le Van Gogh de Maurice Pialat

par ,
le 24 juillet 2020

« […] le conflit n’est pas entre la pensée et la vie dans l’homme,
mais entre l’homme et le monde dans la conscience humaine de la vie. »

Georges Canguilhem, La connaissance de la vie (1965)

Maurice Pialat, peintre de formation, enquête par les moyens du cinéma sur l’acte de peindre. Il se saisit en 1991 du sujet Van Gogh, et dans un mouvement intermédial vers une hors-représentation, pose un dispositif critique sur le tableau vivant cinématographique. C’est que Vincent Van Gogh, peintre tragique de la rupture moderniste, semble être précisément celui qui retourne la question au cinéaste : la question du vivant dans le tableau. D’où vient ce sentiment de pure vitalité retranscrit dans une toile ? Comment la technique picturale et sa mise au jour par l’art filmique, serait-elle une continuation du vivant ? Filmer des tableaux vivants serait-il retourner à l’élan vital de toute fabrication d’image ? En résumé des interrogations que le film soulève : le cinéma permet-il de retrouver le vivant du tableau ?

Depuis Henri Bergson, Georges Canguilhem et Gilles Deleuze, jusqu’à François Jullien et Frédéric Worms (Pour un humanisme vital[11] [11] Frédéric Worms, Pour un humanisme vital, Éditions Odile Jacob, 2019. publié en 2019), le vitaliste critique ne cesse d’interroger philosophiquement la vie comme principe premier. Il s’oppose en cela au dogme mécaniste des sciences du vivant, et à son étude de la vie comme « liens de causalité » excluant toute énergie de vie spontanée ; il s’oppose également au finalisme comme doctrine de l’assemblage des parties du vivant selon un plan préconçu. Puissance, action, flux de temps, création, sont les outils conceptuels du vitaliste critique, que nous transposons ici à l’étude du tableau vivant cinématographique. Nous le verrons, de la scène moyenâgeuse et de ses « mystères » jusqu’à l’extrême contemporain des tableaux vivants filmés, l’historiographie du genre tableau vivant est un processus lent du mécanisme vers le vitalisme. Au dedans de ces études documentées, où des fonctions reproductibles sont classées, une énergie vitale vient timidement à sortir de sa réserve. Voici notre hypothèse : la vie était comme en attente dans le tableau vivant. Le film Van Gogh se propose d’en être l’enquête-événement, la condensation puis l’expansion.

1. Mécanisme versus vitalisme du tableau vivant

L’écriture mécaniste sur le tableau vivant se sépare en deux archétypes figuraux : d’un côté celui de la statue, de l’autre celui de l’automate. Grammaire de signes reproductibles. Statue serait le premier archétype transmédial du tableau vivant, héritier de l’anthropologue et historien de l’art Aby Warburg. Statue pose le genre comme réactivation des puissances pathétiques de la statuaire antique : le fameux pathosformel. En incarnant les personnages des toiles de maitre, sur une scène ou à l’écran, les modèles de tableaux vivants tendent par leur gestuelle et expression à renouer avec une esthétique sculpturale pathétique. Comment donnent-ils vie aux tableaux ? Leur mise en vie suppose de ressusciter les fonctions animées mythiques de la statuaire. Pygmalion et Gradiva, Méduse, Laocoon, sont autant de modes d’animation : Pygmalion est le parangon du mouvement émergeant de l’immobilité, Gradiva son pendant onirique ; Méduse, à l’inverse, est l’irruption de la fixité dans un mouvement (pétrification) ; Laocoon, au cœur de la querelle de l’Ut pictura poesis, en serait le mode hybride, à la fois stase et mobilité. Appliqués à l’analyse filmique, ces modes d’animation de l’archétype figural statue auraient un caractère systémique.

Pour exemple, le mode fétichiste de Pygmalion va renaître au fil du temps : la créature du Dr Frankenstein, sur la scène de l’English Opera House dès 1823, est l’objet d’une première adaptation cinématographique en 1910 par J. Searle Dawley, et connaîtra de multiples reprises sur scène et à l’écran. Mode de réanimation de la vie, que l’on retrouve chez le cinéaste Abbas Kiarostami dans son dernier film 24 frames de 2017, où la vie surgit de tableaux et photographies. Gradiva serait, quant à lui, le mode d’apparition onirique du mouvement vital. Il se présente dans le film d’Akira Kurosawa Rêves de 1989, où le réalisateur s’imagine enfant à la recherche du peintre Van Gogh, et chemine dans les décors-tableaux de l’artiste hollandais ; mais aussi comme sujet expérimental, dans le film de 1978 de Raymonde Carasco : Gradiva esquisse 1. Le mode pétrifié de la Méduse traverserait lui aussi les pratiques : des scènes de « mystère » du xive siècle divertissant les entrées royales, à l’Hypothèse du tableau volé de Raoul Ruiz, jusqu’à Crosswind, du réalisateur Matti Helde, sorti en 2014 ; représentations dans lesquelles les corps vivants immobilisés cherchent à mimer ceux transis des tableaux. Quant au mode du Laocoon, il s’envisage dans son lien à l’origine mécaniste du dispositif cinématographique. Alternant fixité et mouvement, les acteurs rejouent la magie animée du cinématographe, succession de photogrammes fixes. Du mode Laocoon, nous pouvons étudier les attitudes d’Emma Hart de la fin du XVIIIe siècle jusqu’au film Passion de Jean-Luc Godard, datant de 1982. Analogues par la reprise de cette fonction, où les interprètes des tableaux vivants sont tour à tour statiques et mobiles.

Automate[22] [22] Horst Bredekamp, Théorie de l’acte d’image, pp.113-130, Éditions La Découverte, 2015. — Dans son chapitre sur le « vivant des images » la figure de l’automate est pensée dans un prolongement de l’interprète du tableau vivant ; corps mécanique, maintenant doté d’une « motricité vitale ». est l’autre schème mécaniste pour l’historiographe du tableau vivant. L’interprète qui incarne le vivant d’un tableau est l’automate reproduisant une gamme de gestes et d’expressions d’origine théâtrale cette fois : pantomime, mimique, physiognomonie. Langue de gestes et froncement de sourcil expressif, visage grimé et facétie clownesque, autant de signes visuels codifiés de la scène à l’écran, du théâtre parisien du xixe siècle aux tableaux filmés de Georges Méliès, jusqu’à la Promenade à Vienne du peintre-actionniste Günter Brus en 1965. Sous les archétypes de la statue et de l’automate la question de l’incarnation vivante du tableau semble se résoudre dans des mécanismes physiologiques qui réenclenchent des grammaires de sculpture et de théâtre. Fait notable, ces grammaires ne seraient applicables qu’à des compositions de type figuratif : toiles de maitre dont les personnages participent d’une allégorie. Serait alors vivant dans le tableau ce qui réactive, sur une période allant des peintures de l’époque Renaissance au romantisme, le théâtre grandiose et mythique de la représentation. Or, qu’en est-il du tableau où le vivant ne repose sur aucune historia ? Ce tableau-là, peut-il encore être fait vivant ?

De façon générale, les études du genre tableau vivant se recentrent donc sur le schème du « tableau », au sens représentatif, et délaissent celui du « vivant ». Il semble pourtant essentiel de revenir aux principes vitaux qui déterminent l’existence du tableau. Gilles Deleuze, dans le prolongement du vitalisme critique nous disait en 1990 : « Il y a un lien profond entre les signes, l’événement, la vie, le vitalisme. C’est la puissance de la vie non organique, celle qu’il peut y avoir dans une ligne de dessin, d’écriture ou de musique[33] [33] Gilles Deleuze, Pourparlers, pp. 195-196, Éditions de minuit, [1990] 2003. ». Filmer le tableau reviendrait à ressusciter cette « puissance de la vie non organique », qui fait « événement[44] [44] G. Deleuze, loc. cit. » : la vie des modèles et la vie du peintre au moment où il les peint ; renouer avec ce qui surabonde de vie dans l’événement, au point qu’un peintre, à travers son système de signes graphiques, ait besoin de l’immortaliser.

Dans son trajet intermédial, ce vers quoi tend le tableau vivant est bien l’expression de la vie-même, la vie naturelle, la vie étendue, qui dégagerait les pulsions créatrices retenues dans la toile. Quelque chose devait pourtant limiter ses puissances vitalistes. Son transfert à l’art filmique, sa mue, devait encore le retenir dans ses données historiques mécanistes. Des premiers films d’art et tableaux animés, aux films de genre contemporains se réenclenche le moteur de la grande histoire de l’art, et son couplage rêve/réalité, virtuel/actuel, faux/vrai, mort/vivant. Sans doute, le film de Pier Paolo Pasolini La ricotta est celui qui invite le plus radicalement à une critique vitaliste du genre.

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Dans son court film à sketch de 1963, il met en scène le personnage du sous-prolétaire Giovanni Stracci, figurant hyperactif perdu sur le tournage d’un film. Orson Welles y personnifie Pasolini en train de réaliser la Passion du Christ au travers de tableaux vivants de peintures maniéristes. (La Passion étant le sujet primitif canonique du plan-tableau cinématographique). Stracci, après que le chien de l’acteur-star eut mangé son panier repas, parcourt la campagne pour s’acheter deux pains de Ricotta. Revenant sur les lieux du tournage, il est accusé d’avoir défiguré le décor d’une nature morte, pour finalement mourir d’une indigestion sur la croix. L’étude d’un potentiel vitaliste du tableau vivant cinématographique est pressentie ici par Xavier Vert[55] [55] Xavier Vert, « L’hypothèse du tableau vivant. Stances cinématographiques et visio obliqua », dans Julie Ramos (dir.), Le tableau vivant ou l’image performée. p.290-302, INHA, 2014. . Il emprunte au texte de Pasolini de 1963, Una caricà de vitalità, le concept d’« augmentation de vitalité ». Le figurant Stracci semble personnifier la pensée de Pasolini :

L’augmentation de vitalité qui se concrétise généralement dans un effort de compréhension critique de l’œuvre, dans une exégèse : dans un travail en somme qui l’illustre, et transforme le premier élan pré-grammatical d’enthousiasme ou de commotion en une contribution logique historique[66] [66] Pier Paolo Pasolini, L’évangile selon saint Matthieu, une charge de vitalité, (Notes préparatoires à son film L’évangile selon saint Matthieu), dans Pasolini, Per il cinema, Mondadori, 2001, traduction ici de Laura Moscarelli. .

Pasolini associe dans son texte « l’augmentation de vitalité » à un « mélange de violence mythique et de culture pratique[77] [77] P. P. Pasolini, loc.cit.  », ressentis par lui à la lecture de l’Évangile selon saint Matthieu. Force pathétique que le tableau de scène religieuse condense. Cette « libre énergie du passé[88] [88] X. Vert, op. cit., p. 292.  », le film l’expulsera, et l’actualisera dans le personnage de Stracci. Stracci, qui affamé, ne tient littéralement pas en place dans les tableaux. Stracci, personnage populaire et profane, d’une vitalité indomptable, qui désorganise la composition biblique des tableaux vivants filmés.

D’autre part, ce potentiel vitaliste du tableau vivant est suggéré du côté de la scène, en tant que lieu performatif. Caroline Van Eck, en s’intéressant aux tableaux vivants autour de 1800, propose d’interroger les dimensions de « performativité et d’agentivité », partant du point de vue des interprètes. Rejouant des épisodes de la Révolution française, l’incarnation sur scène offre au spectateur d’alors un effet de présence tout à fait inédit :

Ces tableaux vivants semblent plutôt offrir une possibilité d’acting-out out, celle de vivre, de mimer ou d’exprimer des émotions, des actions ou des situations d’importance pour des acteurs ne pouvant – ou ne souhaitant – pas y prendre réellement part[99] [99] Caroline Van Eck, « La présence du réel, l’apparence de l’art et l’effroi qu’elles causent », dans J. Ramos (dir.), op. cit., p. 172. .

Cette performativité des tableaux vivants, en tant qu’activité vitale, s’achemine jusqu’aux « tableaux-matériels » de l’actionniste Otto Muehl. En 1963, c’est maintenant le corps vivant qui est utilisé comme tableau. Otto Muehl recouvre de peinture, de linges et détritus, un corps féminin. Il renverse du même coup « l’agentivité[1010] [1010] Alfred Gell, L’art et ses agents, une théorie anthropologique, p. 14, Les presses du réel, 2009. — Sa théorie pose l’objet d’art dans un contexte anthropologique d’agences, c’est-à-dire d’actions dans le monde. Sujet (prototype), objet (indice), artiste, destinataire, sont chacun porteurs d’une « agentivité ».  » tableau-corps en corps-tableau. Voici la lecture qu’en propose Carole Halimi :

[…] l’action des matériaux est là pour défigurer l’être humain, remettre en question sa belle apparence, transgresser les tabous liés à la sexualité. […] On pourrait à la rigueur les concevoir comme de « vivants tableaux », compris comme un bouleversement radical de la forme initial du tableau vivant, qui se trouve détruite comme le reste, dans son esthétique et dans son but[1111] [1111] Carole Halimi, « Le tableau vivant contemporain », dans J. Ramos (dir.), op. cit., p. 337-338. .

Vivant deviendrait le support du tableau-même, et le médium humain soulignerait « l’agence » des images ; retournant ici les coordonnées du « vivant tableau ». Nous le voyons, le potentiel vitaliste du tableau vivant, filmé ou performé, se dévoile peu à peu. Il nous apparaît pour l’instant, par la forme soustractive d’une déconstruction : augmentation pathétique de vitalité, acting-out, renversement de support. Pour autant, la question de ce qui fait vivant dans un tableau reste informulée, pour ne pas dire opaque. Car, à la source, d’où viendrait le vivant du tableau ? Et en prolongement, comment prendre en charge ce vivant par le film ? Autant de questions suspendues. C’est ici qu’un changement de voie s’offre à nous. Un détour, par la conduite de ces questions vers leur contexte vitaliste anthropologique. Chercher le vivant. En posant la question : qu’est-ce que l’acte de peindre ? Voilà que dans ses conditions les plus existentielles, le tableau est un événement. Une concordance de principes vitaux. Au moment de peindre, la vie précède, accompagne et excède le tableau. Vivant du peintre, vivant de ses modèles. L’événement[1212] [1212] Roger Pouivet, « Le statut de l’œuvre d’art comme événement chez David Davies », érudit, philosophiques, https://www.erudit.org/fr/revues/philoso/2005-v32-n1-philoso887/011072ar/ — L’ouvrage de David Davies, Art as performance, objet de son article, invite à une enquête empiriste sur l’œuvre d’art. Selon lui, de l’intention à la chose produite, l’expérience de l’œuvre d’art fait « événement ». du tableau vivant, en ce qu’il ressurgit de conditions et de processus vitaux, devient l’objet d’une analyse.

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2. Laisser venir le vivant des tableaux

Le Van Gogh de Maurice Pialat concentre les trois derniers mois de la vie du peintre post-impressionniste hollandais, resserrant son quotidien à Auvers-sur-Oise. Vincent Van Gogh, interprété par Jacques Dutronc, rencontre les habitants du village, la famille du Dr Gachet, les paysans et paysages environnants, qui deviendront les modèles de ses ultimes tableaux. Revenir à ces dernières heures, outre son caractère tragique, est l’occasion d’intensifier un sentiment vitaliste, ancrant la création picturale dans la dialectique vie/mort du peintre. Le philosophe français Henri Bergson, de Matière et mémoire à L’évolution créatrice, déployait les deux concepts fondamentaux de son vitalisme critique, mouvement et création, par ce raisonnement synthétique : dans cette lutte entre la vie et la mort, l’élan vital ne peut être qu’un mouvement créateur. Et c’est bien le jaillissement créatif de la vie, par débordement, non la mort, qui sera ici l’objet d’étude intermédiale de Pialat.

La contraction tragique de ces derniers instants de vie offre un regard à la fois documenté et naturaliste sur les conditions vitales de la peinture de Van Gogh : ce qui précède, charge et excède les derniers tableaux peints. En cela, Maurice Pialat œuvre à la manière d’un bio-graphe, traçant et imprimant la vie, cherchant ce qui fait événement en-deçà et au-delà du tableau. Cette condition vitale du tableau se retrouve à plusieurs niveaux du film : dans l’impression d’une vie indépendante des modèles peints ; dans le motif de la fenêtre, opérateur entre un réel et un peint ; dans les citations et allusions aux tableaux impressionnistes surgissant de la vie même, mais aussi dans des effets de lumière naturelles.

2.a. Hyper-vitalité du modèle

En un mot, y-a-t-il des âmes et des intérieurs de maison plus importants que ce qui a été exprimé par la peinture, je suis porté à le croire[1313] [1313] Vincent Van Gogh, Lettres à Théo Van Gogh, 9 juin 1889, Saint-Rémy-de-Provence, dans Vincent Van Gogh, Les lettres, p. 32, Actes sud, Van Gogh Museum, Huygens Institute, 2009. .

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À trois instants, seulement, Van Gogh est présenté en train de peindre avec modèle vivant. Pialat résume cet exercice aux tableaux : Le Jeune Homme au bleuet, Marguerite Gachet au piano et enfin Mademoiselle Gachet dans son jardin. Le cinéaste désacralise ces instants, d’ordinaire très engoncés, les filmant fugaces, jusqu’à faire disparaître la fixité du modèle dans le dernier. Le premier tableau, celui du jeune idiot d’Auvers, est peint par Van Gogh dans une sorte de fougue contrariée. Il travaille à sa toile Champs de blé sous un ciel orageux et applique le bleu au couteau, quand le jeune simple d’esprit vient le déranger. L’injonction de Jacques Dutronc : « Tiens, v’là l’autre zig ! » voyant l’idiot arriver, relève ici d’une sur-caractérisation. La façon dont Pialat saisit, par un montage cut, la fugacité de l’instant traduit son intention biographique. Van Gogh est alors présenté comme un peintre des gens modestes, de la vie ordinaire, qui saisit le modèle au hasard du quotidien, sans préconception académique. La courte séquence dynamise l’instant où l’on peint à ces quelques secondes où, le modèle arrive, est brièvement peint, puis s’en va avec son portrait : « Allez ! Tire-toi ! » lui dit Van Gogh pour conclure.

Cette transitivité du modèle est déployée et magnifiée dans la séquence du second tableau : Marguerite Gachet au piano. Transitivité, qui renvoie aux peintures même de Van Gogh, d’influence japoniste. Peindre le vivant dans la culture picturale orientale c’est, nous dit François Jullien : « […] saisir le monde au-delà de ses traits distinctifs et dans son essentielle transition[1414] [1414] François Jullien, La grande image n’a pas de forme, p. 19, Essais Points, Éditions du Seuil, 2003.  ». La séquence de ce second tableau est remarquable quant à la question qui nous occupe, car l’acte de peindre y est montré dans son incapacité fondamentale à suspendre le vivant. La fille du Dr Gachet, jouée par Alexandra London, incarne l’hypervitalité (et donc hyperactivité) du modèle, sur les plans verbaux, gestuels et affectifs. Un jeu de pistes dialogique est proposé, sur fond de minauderie amoureuse et de paroles en actes. Le modèle, sous nos yeux, est en train de tomber amoureux du peintre et cette énergie passionnelle se déploie à l’extérieur et jusque dans le cadre. Vincent et elle sont en conflit, conflit de mots, conflit de classe, ce qui trahit leur attirance réciproque. Marguerite est assise au piano du salon, Vincent (qui avait installé son chevalet au-dehors) redresse la posture de Marguerite et se tient passif ; elle lui dit : « Vous n’avez pas envie de peindre ? », Vincent : « Non ! J’suis pas une machine ». Plus tard, Vincent rétorque : « Jouez, jouez, comme ça vous n’prenez pas de mine comme les pianistes dans les concerts. », puis : « prenez la pose. », elle lui répond : « ben c’est pas une pose alors ! ». Marguerite à la fin de la séance lui dit d’un ton sec : « Pourquoi vous ne me peignez pas en face ? ». À cela, nous pouvons ajouter la tirade emphatique du Dr Gachet, qui du jardin, dit à la gouvernante : « Marguerite pose, et Mr Van Gogh peint ! ». C’est bien cette relation installée du peintre et de son modèle (et sa lecture académique) qui est rebattue et démolie par Maurice Pialat. Toute la séquence dialoguée pouvant être lue comme un dispositif critique métadiégétique à portée vitaliste.

Mais notons aussi un moment, un punctum : le premier contre-champ sur Marguerite, précisément ce moment où l’on s’attend à voir le plan-tableau cinématographié, le fameux Marguerite Gachet au piano. Pialat conserve l’angle de vue et l’échelle analogues au tableau peint par Van Gogh, pourtant dans le film Marguerite est accoudée à la fenêtre, éclaboussante, dans un hors-jeu. Elle poursuit son monologue enfantin. Son désir amoureux est ici traduit par un mouvement vital[1515] [1515] Henri Bergson, L’évolution créatrice, PUF Quadrige, [1941], 2013. Le concept de « mouvement vital » est central dans sa théorie critique de l’évolution du vivant. Il le présente comme mise en action spontanée des corps, précédant par nécessité la conscience et la connaissance. vers le dehors, une action effrénée qui épuise le cadre de la représentation. Punctum de vie qui fait également échos aux paroles de Philippe Garrel sur Pialat : « […] ce que Maurice dit des films. Que les meilleurs films on ne les verra jamais, parce qu’ils seront toujours avant « moteur » et après « coupez », insaisissables et fugitifs comme le rire d’une enfant[1616] [1616] Philippe Garrel, « Dialogue entre Philippe Garrel, Maurice Pialat et Isabelle Huppert », Cahiers du cinéma n° 477, mars 1994.  ».

Enfin, outre la gestuelle et les mouvements incontrôlables de Marguerite sortant et entrant du cadre, soulignons ce jeu de miroir dialogique, jeu de chat et de souris. Marguerite dit à Vincent : « Manger, c’est plus important que d’peindre ». Plus tard, Vincent de lui répondre : « Peindre c’est un peu comme ma broderie ». Car il nous semble que se joue ici, dans une écriture d’une émouvante âpreté, toute la tragédie de la peinture de Van Gogh. Si Van Gogh peignait des fruits si vivants, c’est aussi parce qu’il avait connu la faim. La nature morte est la nourriture du pauvre.

2.b. Hors-représentation et dialectique de la fenêtre

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C’est au motif de la fenêtre de jouer dans le film le rôle d’opérateur vers une hors-représentation. La fenêtre y est métaphore de l’œil perceptif et cognitif. Opérateur dialectique entre mondes afilmique et profilmique, dedans et dehors, vécu et peint. Plusieurs séquences sont structurées, dans leur photographie, proxémique et montage, par un tressage des actions extérieures et intérieures. Pour Pialat cinéaste, il semble que faire enquête sur la peinture, c’est donner de l’insistance aux puissances vitalisantes du cadre, plutôt qu’à ses limites représentatives. Dans la revue Positif de mars 2004, il nous disait : « Le cinéma, c’est bien le mouvement, tout le reste, c’est des tableaux, des tableaux fixes[1717] [1717] Maurice Pialat, « Sur L’Enfance nue », Positif n°517, mars 2004.  ». En effet, c’est bien le mouvement vital qui est engagé par la variété critique des cadrages : recadrages, surcadrages, décadrages, hors-cadres, instaurant une circulation entre les régimes du vivant et du représenté.

Trois séquences ici encore, sont exemplaires, dans l’attention du cinéaste à la fenêtre. La première est celle précédemment citée qui tourne autour du tableau Marguerite Gachet au piano. Le premier plan présente Marguerite au centre du cadre, de trois-quarts face, assise au piano du salon. En fond, la fenêtre est ouverte et donne sur le jardin verdoyant. Le peintre y a installé son tableau. Van Gogh, au second plan, se tient juste derrière Marguerite. À l’intérieur, il observe son modèle, dans une sorte de quiétude réceptive. Lors de ce long plan-séquence, la caméra est d’abord fixe, puis elle enclenche un lent panoramique avant ; alors Van Gogh, toujours habité de son regard, franchit la fenêtre pour faire face à Marguerite du dehors, maintenant proche de son tableau. La fenêtre franchie, le panoramique se suspend. Le peintre sur fond végétal renvoie son reflet dans le battant droit de la fenêtre. Van Gogh prend sa palette et ses pinceaux, donne des premières touches sur la toile. Le travail sonore alterne l’étude jouée par Marguerite au piano à un son naturaliste d’oiseaux et de vent. Voilà comment en un mouvement de caméra, le cinéma peut raconter la peinture comme événement : citation à la perspective albertienne tendant ici vers un dehors naturaliste ; mais aussi et surtout, son histoire anthropologique, l’acte de peindre, peindre comme franchissement du seuil de la représentation, peindre comme expressivité d’un dehors dans l’im-pressivité d’un regard. Peindre, comme dehors et dedans.

La seconde séquence est celle de l’arrivée du frère de Vincent, Théo Van Gogh, chez le Dr Gachet. Ici, la fenêtre et les deux portes de la cuisine, par effet de surcadrage, jouent le rôle de condensateurs et propulseurs de flux de vie. Quatre flux de vie se chevauchent, rentrent en collision, font barrage et se répandent : celui de Marguerite Gachet, impétueux ; celui du Dr Gachet, protocolaire ; celui des domestiques, retenu ; celui de la famille Van Gogh, naturel. De ces surcadrages multiples, une vitalité violente irradie, et réduit toute tentative d’encadrement à l’échec. Le cadre est alors « un pouvoir de trans-formation de la « vie »[1818] [1818] F. Jullien, op.cit., p. 16.  », par alternance du vide et plein. Le cadre joue aussi le rôle de seuil des relations entre flux de temps et espace, au sens bergsonien : temps comme coexistence des durées dans un espace.

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C’est enfin par une dialectique profilmie/afilmie que la fenêtre est opérante. Ce qui fait vie dans un tableau vivant cinématographique, c’est ici la mémoire du dehors, le souvenir d’un réel indépendant, afilmique, de derrière la fenêtre ; souvenir d’un fond indifférencié qui amplifie l’énergie vitale que la peinture retenait. Pour preuve le plan du dîner à l’auberge Ravoux. Il fait nuit. Vincent est assis seul à la table de l’auberge, et mange sa soupe. Le plan est statique, silencieux, âcre, des meubles aux corps. Un tableau de genre flamand. Derrière les fenêtres du second plan, deux charrettes attelées passent lentement, son et lueur, comme provenant d’un arrière-monde. Mouvements et roues sur les pavés font sourdre la vie du dehors, au-dedans du tableau vivant. Souvenir afilmique, flux de vie, mouvement au-delà du cadre : vers une hors-représentation la fenêtre nous raconte l’événement du tableau et de son vivant. Maurice Pialat poursuit l’enquête en peintre. Il s’amuse de son œil cultivé. Intéressons-nous maintenant aux présences des tableaux de Vincent Van Gogh, et des peintres post-impressionnistes, effectives dans le film.

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2.c. Peindre les choses, telles qu’elles reçoivent leur nature[1919] [1919] F. Jullien, op.cit., p. 50. .

Hormis le peintre avec modèle vivant, le film donne à voir les tableaux de Van Gogh par citation directe ou allusion. Pialat fait usage de ces références pour disposer de régimes de présences originaux. Plusieurs tableaux du peintre hollandais font citation : Barques sur les rives de l’Oise, Épis de blé, Champs de blé après la pluie. Pialat les présente sur un mode elliptique : d’abord le moment réel, souvent flottant, où le peintre est baigné de la nature à peindre, ensuite par un saut temporel, vers le tableau peint. Ne laissant rien présager, ces ellipses inscrivent l’acte de peindre dans une dimension rétrospective du vivant. Ce vivant naturaliste a été, a d’abord existé dans les yeux du peintre, en-deçà du tableau. Filmer la peinture c’est alors réactiver, par ellipse, le passé existentiel (et conditionnel) de la peinture. Le tableau vivant cinématographique est ici ce moment prégnant qui donne naissance au tableau. François Jullien, au sujet des peintres chinois, nous dit : « Je comprends que le peintre doit être réceptif aux choses à un stade antérieur à celui où elles étalent leurs formes et les imposent, devenues objectives et caractérisées[2020] [2020] F. Jullien, ibid.  ». C’est en effet ces réceptivités au vivant naturel : celle originale de la peinture de Van Gogh, et celle étendue du film, qui nous intéressent ici. Au sujet des allusions aux tableaux de Van Gogh, deux sont notables : le Portrait d’Adeline Ravoux, et Les vaches. Ici, les tableaux ne seront pas présentés peints dans le film, mais apparaîtront dans le moment de leur seule visualité. Par l’actualité du film, le peintre et nous-même les accrochons dans leur présence. Nous ne sommes plus dans un régime de présence de type antériorité contenue, mais dans un régime de pure visualité. Pialat par des temps de latence choisi, oriente notre regard vers ces sujets qui sont en train de faire peinture, vers leur présence actuelle. Ces différents régimes de présence avaient été perçus par Jean-Luc Godard qui, à la sortie du film, adresse cette lettre à Pialat :

Chose infiniment rare et touchante, le film est entré en nous de partout, pas comme un tableau, même sublime, mais comme un effet de vie, son souvenir est autour et dedans, pas seulement devant le regard[2121] [2121] Jean-Luc Godard, Lettre à Maurice Pialat, 1991, dans Serge Toubiana (dir.), Maurice Pialat, peintre & cinéaste, p. 122, Somogy, Éditions d’art, La cinémathèque française, 2013. .

En peintre amusé, Pialat déploie son jeu de pistes. Il dissémine dans le film allusions ou citations à des tableaux impressionnistes et post-impressionnistes. Ainsi, il vaporise ses arrière-plans, plus que dans une réalité biographique, dans un fond pictural. Des allusions sont faites aux tableaux d’Auguste Renoir : Le Bal du moulin de la Galette, Le déjeuner des canotiers ; et à Toulouse-Lautrec : Les Prostituées. Les scènes du bord de l’Oise font agir les personnages des tableaux de manière vivifiante ; mais aussi, à l’arrière-plan, les font passer comme alanguis, dans une temporalité voluptueuse. Souvenons-nous des retrouvailles au bord de l’Oise de Vincent avec Cathie, la prostituée jouée par Elsa Zylberstein. Baigneuses, filles de joie, pêcheurs, barques et voiles composent des arrières plans de vitalités distinctes, volcaniques ou apaisées. La peinture déborde de vie sur le film. Fond et devant. Elle l’inonde. Et Pialat, par des couches consécutives de plans, insuffle une énergie vitaliste aux figurants des tableaux.

Une chose singulière nous frappe alors : la peinture, par l’entremise du film, se voit exprimée comme une poétique de plans successifs, du premier à l’arrière-plan. Plan et tableau, vocables historiques qui circulent du peint au filmé[2222] [2222] Valentine Robert, L’origine picturale du cinéma : le tableau vivant, une esthétique du film des premiers temps, Thèse de doctorat en histoire et esthétique du cinéma, sous la direction de François Albera, Université de Lausanne, 2016. — La distinction entre les trois formes de tableaux vivants cinématographiques des premiers temps (tableau vivant filmé – tableau animé – plan-tableau) éclaire leurs influences sur la syntaxe cinématographique. . Remarquable enfin, est cette scène du Moulin de la Galette, célèbre bal et bordel parisien. La citation de la peinture impressionniste est ici la plus directe : il s’agit de La buveuse d’absinthe d’Edgard Degas. Marguerite est assise sur les genoux de Vincent. Le plan-américain est d’abord fixe sur la buveuse, assise à la table d’à côté, et fait citation par une pose clairement marquée ; Vincent tend la main en direction du verre de la buveuse d’absinthe : « Tu permets ? », la caméra fait un panoramique gauche-droite, Vincent tend le verre à Marguerite : « Tiens, goutte ! », elle boit et s’enthousiasme : « c’est bon ! ». Maurice Pialat (son programme est ici démasqué) joue en espiègle de l’inscription d’un genre. Si tableau vivant il y a dans un film, c’est pour que la vie s’en empare, s’en détourne, et prolonge l’événement quotidien qui s’y trouvait condensé. Pialat propose ici avec ironie une forme de re-enactment pauvre.

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La question de la réceptivité au vivant, par la peinture et le cinéma, est celle d’une disponibilité à la nature. Comme un mouvement inverse. Une écoute. Pialat avait cet art si singulier de « laisser venir la nature », mettant en place lors du tournage un dispositif de réception naturaliste. C’est alors que dans le film la nature au sens phénoménal, telle qu’elle agit sur le peintre Van Gogh, va agir à son tour sur le cinéaste, « ré-agir », dans un certain sens. Les éléments naturels, vent, blés, arbres et houppiers, soleil, sont agissants. Poser la question de cette réceptivité, propre au peintre et au cinéaste, c’est aussi poser à nouveaux frais la question d’une théorie naturaliste esthétique.

En effet, dans le chapitre sur le beau naturel de son esthétique, le philosophe Theodor W. Adorno abordait la question critique ainsi : « La nature comme beau phénoménal n’est pas perçue comme objet d’action » ; prolongeant sa pensée par : « Ce à quoi la nature aspire vraiment, les œuvres d’art le réalisent ; elles ouvrent les yeux[2323] [2323] Theodor W. Adorno, Théorie esthétique, p. 100-152, Klincksieck, [1970], 2011. ». Il semble alors que le cinéma de Pialat soit bien celui d’une réceptivité, laissant agir un « beau phénoménal » sur la pellicule, parvenant par son art à ouvrir « les yeux de la nature[2424] [2424] T. W. Adorno, op. cit. Ibid. ». À ce sujet, dans le Van Gogh, nous pouvons relever son traitement de la lumière naturelle proposé de façon pointilliste. Sur les rives de l’Oise, le soleil qui passe à travers les houppiers projette des tâches lumineuses. Plus encore, lors de la discussion de Vincent avec sa belle-soeur Johanna, les tâches pointillistes s’animent sur les visages ; le soleil perce, le vent agite, conférant à la peau et aux vêtements une insaisissable vie picturale. Par allusion, et au travers de la lumière naturelle, l’événement impressionniste de la modernité en peinture est présenté, ou plus exactement, accueilli.

Par des procédés cinématographiques s’observent des principes de vie variés : transitivités, mouvements vers un dehors, condensations du désir, régimes de présence, flux de vie, réceptivités. Ce qui fait vie dans un tableau, le cinéma peut l’accueillir autrement, le déployer, le dépasser, et renverser le cadre-fixe par le cadre-mobile. D’un point de vue biographique, le film de Pialat s’intéresse moins à une vraisemblance historique. Il présente, au-delà des moments documentés, les conditions anthropologiques primitives de la peinture de Van Gogh. L’événement. Le peintre a vécu, au milieu des autres, des humbles, des prostituées. Il a aimé, les femmes et la nature. Il a souffert, de pauvreté parfois, de manque de reconnaissance toujours. Tout ceci est pris en charge, comme questions essentielles de peinture, par le vivant cinématographique.

Conclusion

Il ressort de cette étude deux spécificités quant à l’évolution intermédiale du tableau vivant au cinéma. Sur le plan d’un transfert esthétique, le cinéma semble être l’expression d’un impossible cadre, au sens représentatif. Le modèle, la fenêtre, la nature phénoménale, ne peuvent être encadrés par le film, et subissent flux de temps et de mouvement comme autant de dispositifs critiques vitalistes. Alors, revenir aux conditions anthropologiques de l’acte de peindre ouvre à de nouvelles perspectives. Nous découvrons qu’allant de la peinture au cinéma, le tableau vivant cinématographique offre l’expansion d’une énergie vitaliste contenue dans l’œuvre. Précédant, accompagnant, et débordant du cadre peint, la vie potentialisée dans la peinture serait alors révélée et étendue par le vitalisme du cinéma. Sur le plan historique maintenant, notre étude tend à dévoiler un certain anachronisme dans l’usage fait du tableau vivant par le cinéma, jusqu’à ses formes les plus contemporaines. Tableau vivant est largement pensé comme un genre de représentation de la peinture d’époque, de la Renaissance au romantisme, tandis que l’art cinématographique lui naît plus tardivement. Ce genre représentatif est principalement étudié via une écriture mécaniste sur ses fonctions animées et grammaires d’expression. Au travers de cet anachronisme nous voyons que les peintures modernes jusqu’aux plus contemporaines ne semblent pas être considérées comme prototypes sérieux d’un tableau vivant cinématographique. Ainsi, le Van Gogh de Pialat, remettant au jour la question naturaliste de l’art, et prenant comme temps de son enquête la rupture moderne impressionniste, insuffle du vivant dans le genre.

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Résumé

Le transfert du genre tableau vivant de la scène à sa représentation cinématographique suppose de questionner la valeur du vivant en circulation dans l’art. Qu’est-ce qui fait vie dans un tableau et comment, confiée à l’écran, cette vie naturelle peut-elle s’étendre ? En retournant aux conditions anthropologiques de l’acte de peindre : la vie qui précède, accompagne et excède le moment peint ; le film Van Gogh de Maurice Pialat épanouit le vitalisme potentialisé dans le tableau.

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