Decolonial Film Festival

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le 12 mai 2024

[20/05/2024, L’Écran, Saint-Denis – 21h]
Débordements participe, aux côtés d’autres collectifs et associations engagées, à la première édition du Decolonial Film Festival !
Nous aurons la joie de montrer deux films de la série décoloniale et féministe Who is Afraid of Ideology de Marwa Arsanios.

Dans le premier épisode Who’s Afraid of Ideology ?, de Marwa Arsanios, le cadrage inaugural sur la cinéaste finit par se décentrer, en plan-séquence, sur le paysage environnant et affirme ce retour de l’environnement naturel dans l’image. Un décentrement, qui, la seconde partie du film débutera quant à elle sur un herbier. Si le film retrace le parcours de femmes kurdes et syriennes qui prennent le maquis pour tenter de se ménager une existence loin du monde des hommes, ravagé par la guerre, la dimension écoféministe inhérente à leur démarche ne se révèle qu’au gré de l’expérience autonomiste suivie par la caméra. L’une de ces femmes se souvient devant nous de sa mère comme de sa « première professeure d’écologie », comme celle qui lui a, la première, appris à prendre soin des autres formes de vies. Connaître la nature, sans pour autant vouloir à tout prix en être « maître et possesseur », comme est désigné tour à tour l’homme violent et l’État central mortifère, ne se conçoit alors que par l’adoption d’une approche post-humaniste à même d’établir ce gouvernement des vivants, de tout le vivant, que ces femmes revendiquent. À ce propos, l’autrice convoque la pensée de Niels Bohr, rappelant que l’expérience objective de l’être humain sur son milieu n’existe pas car la présence même de l’expérimentateur·rice modifie – voire détruit – son objet. [FIDMarseille 2019]

Après avoir documenté les communes de femmes du Kurdistan et Nord de la Syrie (parties 1 et 2) puis les résistances colombiennes aux guerres menées contre les peuples par les multinationales de l’agrobusiness (partie 3), la cinéaste filme cette fois-ci une lutte dont elle est aussi l’instigatrice, imaginée pour une région vallonnée, là encore, du Nord du Liban, d’où est originaire sa famille. S’inspirant à la fois d’un principe du droit ottoman et d’un corpus marxiste, Marwa Arsanios filme un travail collectif d’abstraction de la terre du régime de la propriété privée. Le commentaire prend lui aussi la forme d’une parole polyphonique : la conversation de trois personnages élaborant le nouveau contrat qui liera les habitant-es à cet espace. En arpentant le paysage, ils et elles confrontent leurs corpus théoriques : l’une postulant métaphoriquement une mémoire de la terre et de la nature, ontologiquement opposée aux principes mêmes d’appartenance et d’exploitation, l’autre opposant une conception matérialiste plus classique de la propriété terrienne et de l’accumulation primaire à cette vision de « Gaïa » et le troisième, rappelant un point de droit islamique hérité de l’Empire Ottoman, la mashaa, disposant l’indivisibilité de la terre et de ses produits, puisque propriété exclusive de Dieu. [FIDMarseille 2022]

Plus d'informations sur la programmation du festival sur decolonialfilmfest.com, et @decolonialfilmfest sur Instagram.