La Clef est toujours à vendre

Des nouvelles de la lutte (4)

par ,
le 2 mars 2022

« Le cinéma la Clef est toujours à vendre, et nous sommes toujours de potentiel·le·s acheteur·euse·s ! »
Hier soir, sur l’esplanade de l’Institut du Monde Arabe, c’est par ce paradoxal élan d’espoir que débutaient les prises de parole au rassemblement de soutien à La Clef Revival. Pourtant, la journée avait commencé sous de tous autres auspices…

Quelques heures plus tôt, les CRS débarquaient au 34 rue Daubenton pour expulser sans sommation les occupant·e·s du cinéma La Clef. Plusieurs dizaines de fourgons dans les ruelles attenantes, un effectif conséquent et même un chien, l’opération de police commencée peu avant six heures du matin n’a duré que quelques minutes. Les ami·e·s et soutiens du collectif qui affluent tout au long de la matinée, se heurtent à la grille baissée du cinéma, le silence et l’incrédulité succédant à l’effervescence du mois de février, puis se dispersent.

Au même moment, coup de théâtre : dans un communiqué, le Groupe SOS annonce finalement renoncer à l’achat du cinéma. « Tout ça pour ça ! » s’exclament des voix dans l’assemblée. La firme se désole, avec forces trémolos, de n’avoir pas su sauver le lieu et celleux qui s’y trouvent, conformément aux éléments de langages déployés depuis le début de l’affaire. Faut-il y voir une conséquence des soutiens de personnalités qui se sont multipliés lors de la soirée des Césars ? Mystère. Si ce retrait ne dissimule pas une stratégie plus cynique encore, ce retournement de situation pourrait constituer une chance sans précédent pour les occupant·e·s de La Clef, devenant de fait les acquéreur·euse·s les mieux positionné·e·s. L’enjeu est donc désormais de renouer le dialogue avec le propriétaire original des lieux : le CSE de la Caisse d’Épargne d’Île de France. Celui-ci avait posé comme condition à la reprise des négociations l’évacuation des lieux par le collectif : « Eh bien maintenant, c’est bon, on est dehors ! » plaisante une occupante. Impression de déjà-vu, la situation évoque celle de l’hiver dernier : à nouveau, la possibilité d’une préemption par la Marie de Paris est évoquée – bien que La Clef Revival semble bien décidée à se racheter toute seule – à nouveau, les pouvoirs publics tels que le Ministère de la Culture sont appelés à faire office de médiateurs.

img_8169.jpg

Le rendez-vous est alors lancé pour un rassemblement de soutien à six heures du soir, devant le cinéma d’abord, avant d’être déplacé (la faute au nombre de policiers toujours en faction) à l’esplanade de l’Institut du Monde Arabe, mise à disposition pour l’occasion. Les politiques se sont alors succédé·e·s à la tribune, Danielle Simonet pour La France Insoumise, exigeant d’une voix forte la préemption municipale, suivie par un élu communiste et un élu écologiste. Puis, à la nuit tombée, les prises de paroles des cinéastes, Céline Sciamma, Yolande Zauberman et Valérie Massadian, ont emmené la soirée sur un plan plus politique, louant le courage du collectif et la force de sa démarche, au regard de l’état du cinéma contemporain.

La nuit s’est poursuivie sur la place, non loin de La Clef, faute d’y être vraiment, au son de la musique et des conversations, dans une atmosphère bien moins sombre que prévue : une lueur d’espoir subsiste de cette triste matinée.

Notre série d'articles sur les tribulations de La Clef :
La Clef, son univers impitoyable
La Clef Revival contre Ligue des Ombres
Tous·tes à La Clef

Notre podcast tourné à La Clef :
#01_La Clef