Les Clefs de la ville

Des nouvelles de la lutte (9)

par ,
le 19 mars 2025

Du 5 au 16 mars, La Clef a présenté six séances dans six salles de cinéma de part et d’autre de la ville qui ne dort jamais. Ce voyage à New York était prévu pour réunir les quelques 400 000 euros nécessaires pour mener à bien les travaux de rénovation du bâtiment. Grâce au partenariat du cinéma associatif avec la fondation Film Independent, les membres de la Clef ont pu réunir des dons défiscalisés à 100% et, comme le rappelle l’un des serruriers, « c’est de l’argent qui ne servira pas à l’actuel gouvernement américain ». Après une bande-annonce épique rappelant les années de lutte contre l’expulsion du cinéma et les quantités de soutien que La Clef revival a reçues, c’est sous les auspices de Martin Scorsese que débutait chaque séance. Les séances visaient aussi à promouvoir une programmation diverse agrégeant des cinéastes plutôt minorés par l’histoire du cinéma : Guy Gilles, Lina Soualem et Rabah Ameur-Zaïmèche. Hormis Une femme est une femme de Jean-Luc Godard qui ressort en ce moment aux États-Unis, les films choisis marquaient une certaine originalité qui a fait la sève des projections lors des occupations du cinéma en 2019 et en 2022.

L’idée du voyage consistait aussi à tisser des liens avec des salles amies, des community theaters comme l’Anthology Film Archives, le Spectacle, le Mayles Documentary Center ou le Film Forum. Dans tous ces cinémas, les projections attiraient nombre de spectateurs aux questions desquelles les émissaires parisiens répondaient lors d’échanges informels en fin de séance. L’accueil fut enthousiaste, et les membres de La Clef ont pu ressentir une forme de convergence avec leurs homologues étatsuniens. À New York, les salles de cinéma subissent elles aussi une pression immobilière constante, bien plus forte qu’en France : le grignotage des real estates (gigantesques organismes de gestion immobilière) rend plus difficile la survie d’un des derniers écosystèmes de cinémas indépendants outre-Atlantique. Ces salles sont rachetées par des nonprofit organizations qui permettent de les maintenir à flot. Les membres de La Clef perçoivent chez leurs homologues américains une forme d’« abattement », résultat du contexte politique outre-Atlantique mais aussi de la disparition d’une contre-culture cinématographique.

Si le voyage a permis de tisser des solidarités, il a aussi conduit les cinéphiles français à porter un constat plus général sur l’état du cinéma indépendant dans le monde. Lors de leur séjour new-yorkais, les émissaires parisiens ont pu profiter des Rendez-vous with French Cinema au Lincoln Center pour rencontrer quelques mécènes. Mais le pallier des 400 000 euros à atteindre en avril 2025 n’est pas encore franchi et le cinéma associatif envisage d’étendre la collecte de dons à la France pour pouvoir mener à bien les travaux pour la réouverture en septembre 2025 (collecte à laquelle vous pouvez contribuer à cette adresse). Nul doute que l’intérêt que portent les Étatsuniens à la Clef fait résonner des luttes communes à Paris et à New York contre l’accaparement immobilier et pour une propriété collective des espaces culturels. Dans une ville comme New York, dont l’histoire est faite d’expropriations, de déplacements de population et de gentrification, une telle victoire fait office d’exemple.

Images : Élias Hérody

Le site de La Clef Revival : laclefrevival.org

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Les épisodes précédents :
Le podcast : La Clef Revival, une utopie concrète
Épisode 1 : La Clef, son univers impitoyable
Épisode 2 : Clef Revival contre Ligue des ombres
Épisode 3 : Tous·tes à la Clef
Épisode 4 : La Clef est toujours à vendre
Épisode 5 : Le magot bientôt sous Clef ?
Épisode 6 : Bientôt la remise des Clefs ?
Épisode 7 :Un dernier tour de Clef
Épisode 8 : Bientôt les Clefs du paradis

Notre podcast tourné à La Clef :#01_La Clef