Mehran Tamadon, né en 1972 à Téhéran et installé en France depuis 1984, est réalisateur, mais également architecte. Après des expériences artistiques variées en Iran et en France, il a entamé sa carrière documentaire en 2004 avec son premier moyen-métrage Behesht Zahra (Mères de martyrs). En 2009, il a réalisé Bassidji, un long-métrage documentaire où il tente d’engager le dialogue avec les partisans du régime iranien. Son film Iranien (2014), sélectionné au festival de Berlin et lauréat du Grand Prix du festival Cinéma du réel en 2014, est une œuvre cruciale dans son parcours documentaire. Ce film le suit alors qu’il invite quatre mollahs à vivre et discuter avec lui pendant deux jours dans une maison. S’y mêlent débats et vie quotidienne, posant la question centrale de la coexistence malgré des perceptions du monde divergentes.
Ses derniers films, Mon pire ennemi et Là où Dieu n’est pas, sortent en France en mai 2024. Dans Mon Pire ennemi, Tamadon met en scène son interrogatoire avec des Iraniens réfugiés en France et ayant subi des interrogatoires en Iran. Le réalisateur les invite à l’interroger comme le ferait un agent de la République Islamique, explorant ainsi les traumatismes passés et les dynamiques de pouvoir en Iran. Là où Dieu n’est pas remet en scène ici, en France, trois témoignages d’anciennes victimes de la torture en Iran. Ces derniers jouent et remettent en scène les tortures et interrogatoires qu’ils ont subis dans le passé.
Cet entretien a été réalisé en 2023, lorsque Tamadon aurait dû présenter ses deux nouveaux documentaires, Mon pire ennemi et Là où Dieu n’est pas, au festival Cinéma du Réel (45e édition). Cependant, en raison des mouvements sociaux, la projection de ces films n’avait pas eu lieu.
Débordements : Votre parcours cinématographique explore souvent des espaces de rencontre entre des individus aux visions du monde divergentes. Comment gérez-vous la tension entre la nécessité de raconter une histoire et la responsabilité envers les personnes filmées, surtout lorsque vous n’êtes pas en accord avec leurs convictions ?
Mehran Tamadon : Globalement, ce qui est compliqué dans le documentaire, c’est que l’on transforme les personnes que l’on filme en personnages et raconter une histoire. Le réalisateur a parfois l’impression de trahir les gens qu’il filme. Je pense qu’il n’y a pas de réalisateur qui n’a pas peur le jour où il doit montrer son film, pour la première fois, aux gens qu’il a filmés. Je crois que tous les réalisateurs ont cette peur ; on transforme une réalité, en une histoire, on transforme des personnes en personnages, on est forcément obligés de tricher un peu. C’est une des réalités du cinéma documentaire. Fondamentalement, le gros problème du cinéma documentaire est le rapport entre le filmé et le filmeur. Pour mon film précédent, Iranien, qui était au festival Cinéma du Réel en 2014, j’avais convaincu quatre mollahs de venir avec moi dans une maison pendant deux jours, pour y créer une utopie, une utopie à l’échelle d’une maison où il est possible de partager un espace commun. Ils savaient que je n’étais pas d’accord avec eux, mais ils m’ont fait confiance et ils sont venus avec moi dans la maison. Donc ma responsabilité était considérable. Ils devaient m’accorder beaucoup de confiance, plus de confiance que vous, par exemple, si je devais vous filmer, vu qu’ils n’étaient pas du même bord que moi.
Après avoir réalisé Iranien, j’ai eu l’impression d’avoir trahi leur confiance. Personne ne le voit, mais je sais, moi, que j’ai un peu triché pour raconter une histoire. J’ai aussi triché parce que j’ai fini le film sans garder l’idée de départ de l’utopie à laquelle je croyais. J’ai en effet terminé le film par une séquence où ils me ferment ma bouche alors que en réalité à la toute fin du tournage, avant de partir, on s’est embrassé avec les mollahs. Je ne pouvais pas montrer cela au montage, au risque de laisser entendre que dans la situation politique actuelle, le vivre ensemble est possible. J’ai donc fermé le dialogue, rebâti les murs, tout l’inverse de ce que je voulais, au fond de moi.
D. : Vous avez remporté le grand prix de la 36ème édition du Cinéma du réel en 2014 avec le documentaire Iranien. Et cette année [en 2023], vous présentez deux films : Mon pire ennemi et Là où Dieu n’est pas. Je m’interrogeais sur la genèse de ces films. Quel était votre point de départ pour réaliser ces documentaires ?
M. T. : Au départ je voulais faire un film qui allait parler de la difficulté de la relation entre le filmeur et le filmé et des questions que je me posais suite à la réalisation de Iranien. Je me disais alors, un peu en rigolant, « Je suis plus critique et dur avec moi-même qu’un agent du régime iranien pourrait l’être. » Donc, j’ai imaginé ce dispositif de l’interrogatoire que je subis, sans les vrais interrogateurs [sic].
Dans Iranien, je suis présent dans le film. Durant le tournage, les mollahs dominent parfois, mais au bout du compte, c’est toujours moi qui ait le pouvoir. Pour Mon pire ennemi, je me suis dit « Si tu lâches complètement le pouvoir, si c’est le filmé qui a le pouvoir sur le filmeur, qu’est-ce que ça produit comme cinéma ? Qu’est-ce que ça produit comme relation entre le filmeur et le filmé ? » Donc il y a interrogatoire, parce qu’il y a inversion des rapports, parce qu’il y a la difficile relation entre le filmeur et le filmé qui me dérange, mais aussi parce que je trouve que nous, Iraniens, à force de subir la répression de la république islamique, on a à l’intérieur de notre tête un interrogateur ; il est toujours là. Par exemple, aujourd’hui, vous qui êtes iranienne et qui me questionnez, vous vous demandez peut-être, « Est-ce que je signe cet article, qui critique le régime iranien, avec mon nom ou pas ? » Vous pensez à qui en vous disant cela ? À un interrogateur. Et je me suis demandé : « Comment je peux représenter celui que j’ai dans la tête, lorsque je réalise mes films ? » C’était un projet très compliqué à réaliser. Ça m’a pris des années, parce que demander à quelqu’un de m’interroger était très dur. Je n’osais pas le faire. J’ai mis des années avant de filmer, et au moment où j’y suis arrivé, le montage était très compliqué. J’ai dû m’arrêter, pour faire mon autre film qui est Là où Dieu n’est pas. Et ce film m’a permis de terminer Mon pire ennemi.
D. : En effet, certains de vos documentaires comme Iranien évoquent le cinéma de Mohammad Rasoulof, en particulier son film Le diable n’existe pas (Ours d’or à la Berlinale de 2020), dans votre approche consistant à donner un visage humain aux soutiens de la République islamique d’Iran ? Pensez-vous que ces personnes sont des gens ordinaires comme nous, agissant selon leurs propres principes ?
M. T. : Ce que j’essaie de faire, c’est de montrer des personnes complexes, et ceux qui défendent la république islamique le sont, comme tout être humain. Ce serait facile de les simplifier, de les réduire à une figure abstraite. Les défenseurs du régime iranien sont traversés par des moments de doute, de peur, de lâcheté, d’empathie, comme nous tous. Je ne dis pas qu’on est comme eux. Je dis que certains arrivent à lutter contre leurs haines, leurs peurs, leurs lâchetés, pour y répondre différemment, avec plus d’humanité. Et il est certain que les interrogateurs iraniens, qui défendent une idéologie injuste, n’y arrivent pas. Les interrogateurs du régime et les tortionnaires sont des humains qui ont enfoui leur humanité au fond de leur âme et c’est cela qu’il faut tenter de repêcher.
D. : Dans vos deux derniers films, notamment dans Mon pire ennemi, vous vous rapprochez du docufiction. Je voudrais savoir si ce changement de style est plus dû à votre intérêt personnel et à un choix esthétique ou est-ce le résultat des limites de la narration, de ce que vous vouliez montrer aux spectateurs ?
M. T. : Je ne me suis pas posé la question du documentaire ou de la fiction, mais plutôt de ce que je voulais raconter : la question de la torture en Iran, la graine de l’interrogateur qui est planté dans nos têtes, le rapport entre le filmeur et le filmé, etc. Le dispositif que j’imagine, vient mettre en abîme ces questions. C’est vrai que ceux qui m’interrogent devant la caméra, vu que ce ne sont pas des interrogateurs, ils jouent un rôle. Dans mes films, je mets en place des dispositifs un peu fictionnels mais ce qui se passe à l’intérieur est du documentaire. Le dispositif est une fabrication. Par exemple, des mollahs dans la maison, c’est une fabrication, c’est fictionnel, parce qu’il n’y a aucune raison qu’on se trouve à vivre avec des mollahs dans une maison. Je ne me suis donc jamais dit « Tiens ! Je vais faire un docufiction. » On a des idées, on a des questions et puis on se dit « Quelle forme peut répondre à ces questions ? » et on galère des années pour trouver la bonne forme.
D. : Dans Mon pire ennemi, à quel point le jeu de Zar Amir Ebrahimi est-il improvisé ?
M. T. : Avec Zar, on avait discuté en amont de ce rapport filmeur-filmé, on avait échangé de ce que je cherchais à raconter à travers le film, mais l’idée était que je sois vraiment ébranlé, devant la caméra. Il fallait alors que cela soit improvisé. On en avait donc discuté en amont, mais sur le tournage, on ne s’est plus vraiment parlé. Zar réfléchissait dans son coin.
D. : Est-ce que cette utilisation du méta-cinéma en jouant avec différentes couches fictionnelles et réelles, était en effet un moyen de remettre en question le dispositif cinématographique et votre personnage de documentariste ? Ou bien, ce dispositif s’est-il seulement révélé à l’issue de l’improvisation ?
M. T. : C’est très compliqué parce qu’on pense au projet, on imagine un tas de solutions, on essaie d’anticiper les situations, mais pour que le film soit intéressant, dérangeant, il faut soi-même être surpris. Si je ne suis pas surpris, si je ne suis pas dépassé par le réel, le spectateur voit une mécanique bien huilée et s’ennuie. Il a l’impression de voir un jeu rôdé, un ping-pong. C’est comme avec les mollahs. Iranien devient intéressant qu’à partir du moment où je suis déstabilisé, où je ne sais plus comment répondre. Si j’ai toujours la réponse, on a l’impression d’assister à un débat télévisé, on s’ennuie. Ce qui est intéressant, c’est qu’il y ait quelque part un mouvement, et pour cela il faut forcément une part d’improvisation, une part de découverte.
D. : Comment trouvez-vous un lien ou une base commune avec votre interlocuteur, qui semble être très différent de vous en termes de croyances ?
M. T. : En apparence on a quelques valeurs communes comme le fait de ne pas mentir, de ne pas voler, de respecter les limites de l’autre, etc. Mais on voit bien que pour eux c’est autre chose, qu’ils ne respectent qu’abstraitement ces valeurs, car ils défendent un régime qui vole, qui ment et qui ne respecte pas les libertés individuelles.
Je pense que ce qui peut nous sauver c’est l’empathie. Il faut créer cette empathie. L’empathie n’est pas uniquement dans le fait de dialoguer, c’est quelque chose d’autre. Même si les gens ne sont pas d’accord entre eux, ils peuvent avoir de l’empathie les uns envers les autres. Mais comment fabriquer cette empathie ? Par exemple, un bassidji [11] [11] Milicien du gouvernement iranien [toutes les notes sont de la rédaction]. qui frappe les manifestants dans la rue, il n’aurait plus la force de les frapper, s’il avait de l’empathie pour eux. C’est certes difficile, mais je pense que c’est possible de fabriquer de l’empathie avec des gens qui sont violents et dangereux.
D. : Dans Iranien, un mollah dit : « Si je ne croyais pas en la Résurrection, je ferais n’importe quoi dans la vie. » Je pense qu’ici, en tant que documentariste, sous la forme d’une conversation, vous avez essayé de créer une situation afin de révéler ces valeurs. Est-ce que vous avez rencontré quelqu’un parmi les personnes à qui vous avez parlé qui croit aux valeurs morales et humaines en dehors de la religion ?
M. T. : Oui. Je crois que l’homme qui dit cela dans le film, le dit pour me convertir à l’Islam. Est-ce qu’il ferait vraiment du mal, s’il ne croyait pas en la Résurrection ? Je ne suis pas sûr. Ce qui est sûr, c’est que j’ai toujours voulu filmer les ultra-conservateurs. Comment tisser des liens avec les plus radicaux ? J’ai rencontré des mollahs qui ne voulaient pas apparaitre dans le film, parce qu’ils étaient modérés et qu’ils avaient peur du régime. Je trouvais trop facile de tisser des liens, dans un film, avec des gens qui sont déjà, un tout petit peu, de mon bord politique.
D. : Et parmi ces ultra-conservateurs, est-ce que vous avez rencontré des mollahs qui croyaient aux valeurs humaines, à part les valeurs religieuses ?
M. T. : Oui, aux valeurs universelles humanistes et non uniquement aux valeurs religieuses. Il y en a, bien sûr, comme partout. Les gens sont complexes, ils interprètent leur foi en fonction de leur sensibilité, de leur rapport à l’homme, qui peut dépasser les idéologies qu’ils défendent. Les religions prônent des valeurs humanistes aussi, on n’a pas le monopole de l’humanité et loin de là. Le problème vient du moment où la religion devient idéologique. Toute pensée, religieuse ou pas, devient intolérante, lorsqu’elle se transforme en idéologie. Aujourd’hui en France le fascisme monte, les propos haineux, le refus de la pensée et de la croyance de l’autre, on les entend même sur les chaines publiques. Ce n’est pas au nom de la religion, mais de valeurs soi-disant humanistes et laïques, que ces propos sont tenus.
D. : Peut-on dire que les personnages de vos derniers films, Mon pire ennemi et Là où Dieu n’est pas, ont effectué un processus de thérapie en évoquant leurs tortures devant la caméra, ou au contraire, ont subi un traumatisme en revivant ces souvenirs ?
M. T. : Moi, je n’ai pas eu l’impression, en discutant avec eux, que c’était traumatisant. Evidemment c’était très dur pour eux, mais en fait, le trauma est là en permanence. Ils vivent continuellement avec, même lorsqu’ils sont seuls. Ils vivent jour et nuit avec ce qu’ils ont subi. Monsieur Ebrahimi [22] [22] Mazyar Ebrahimi, qui apparaît dans Là où Dieu n’est pas, est un citoyen iranien, arrêté en 2013 pour son implication présumée dans l’assassinat de scientifiques nucléaires. Après avoir avoué lors d’une confession filmée pour la télévision, son innocence a été prouvée. Il affirme que ses aveux ont été obtenus sous la contrainte de tortures sévères. a mal aux pieds chaque jour, quand il marche. A chaque pas qu’il fait, il repense à la torture qu’il a subi. Donc, je ne pense pas que jouer dans le film leur ait fait plus de mal, mais ça leur a permis de dépasser un peu quelque chose, en tout cas c’est ce qu’ils m’ont dit. Ils ont transformé une douleur en acte.
D. : Vous ne travaillez pas dans le système du cinéma iranien en Iran, donc vous n’êtes pas obligé de vous conformer aux règles de la censure. Cependant, en tant qu’Iranien qui souhaite faire des films en Iran et ayant travaillé sur des questions sensibles liées à la sécurité nationale, avez-vous déjà été censuré et empêché d’exprimer ce que vous vouliez montrer dans vos films ?
M. T. : Non, parce que moi je tournais là-bas, je sortais d’Iran avec mes images, et je faisais le montage ici en France, donc je n’avais pas à me conformer à leur censure. J’ai ma censure à moi, mon auto-censure, elle est filmée et je la met en scène au montage. Par exemple, dans Iranien, quand je ne dis rien devant les mollahs, c’est que je me censure (avec mon silence), ou quand j’ai peur devant la caméra, que je souris, c’est que je me censure. Donc, ma censure, elle est mise en scène. La censure, elle est dans le champ. Si vous êtes devant un mollah ou un bassidji, forcément vous vous censurez.
D. : Dans Bassidji et Iranien, vous placez l’accent sur le dialogue, mais dans vos films récents, ce n’est pas le cas, et cette relation se fait indirectement. Dans le mouvement récent du soulèvement Femme, Vie, Liberté [33] [33] Le mouvement de résistance contre l’oppression du régime iranien et pour la lutte des droits des femmes, au cours des manifestations, à partir de 2022, qui ont suivi la mort de Mahsa (Jina) Amini. , on voit que le régime ne tolère rien, qu’il n’y a pas de voix contraire, et qu’aucun des propagandistes du régime n’est prêt au dialogue avec les opposants. A part des restrictions de tournage en Iran en ce moment, est-ce que vous ne croyez pas que la possibilité du dialogue est complètement fermée et qu’il n’y a plus d’oreille pour entendre la voix de l’opposition ?
M. T. : Vous pensez qu’on en est à ce point-là ? Par exemple, si demain je pouvais aller en Iran et si je retournais voir les mollahs ou les bassidjis que j’avais vus, vous pensez qu’ils ne me parleraient pas ?
D. : Si, mais est-ce qu’ils vous écouteraient ?
M. T. : Non, mais déjà à l’époque ils ne m’écoutaient pas. Je pense que maintenant ils peuvent être un peu déstabilisés parce que ce qu’ils ont fait depuis septembre [44] [44] Mahsa (Jina) Amini est décédée le 16 septembre 2022. est tellement violent, et je pense que même eux, ils commencent à douter un petit peu. Mais qu’est-ce qu’on a d’autre comme solution ? Ce n’est pas le dialogue qu’il faut chercher selon-moi, c’est le lien. Ce n’est pas uniquement le dialogue. Le dialogue seul ne sert à rien. Par exemple, je peux avoir un dialogue avec un policier, mais on ne va pas forcément être d’accord. Si le policier ne me tape pas dessus, ce n’est pas dû au dialogue mais au lien. Le bassidji que j’ai filmé ne va pas me taper, m’arrêter, parce qu’il existe un lien.Le lien est toujours possible, et je pense que Toomaj Salehi[55] [55] Rappeur iranien, emprisonné depuis le 30 octobre 2022. Dans ses chansons comme sur les réseaux sociaux, il encourage la jeunesse à combattre le régime en place. Il a été condamné à mort le 24 avril 2024. a compris ça. Il dit qu’on peut discuter avec le juge, mais qu’il faut réfléchir à comment s’y prendre. Un interrogateur, c’est aussi un homme. Il y a toujours une solution pour créer ce lien quelque part. C’est ça qui m’intéresse.
D. : Finalement, vous êtes toujours omniprésent dans vos documentaires. Selon vous, en quoi la présence discrète du documentariste derrière la caméra est-elle différente de la présence devant la caméra, et pourquoi avez-vous choisi cette dernière ?
M. T. : J’étais obligé, je ne l’ai pas choisie. J’étais obligé parce que je voulais filmer la différence entre eux (les défenseurs du régime) et quelqu’un qui n’est pas comme eux, une personne comme moi. Donc, je devais me filmer, pour montrer ma différence au public, pour fabriquer une image où deux personnes différentes, politiquement opposées, sont en même temps devant la caméra. Il n’y avait aucune raison que quelqu’un d’autre, à ma place, accepte le risque d’être face à eux. Car c’est mon film, ça ne pouvait être que moi. Donc, c’était un peu une nécessité. Imaginez si je ne m’étais pas filmé moi-même en tant qu’opposant face aux mollahs, si je ne faisais que filmer leurs arguments, leurs rhétoriques, Iranien aurait pu devenir un film de propagande. Donc, il fallait que j’apparaisse dans le film pour montrer ma distance. C’est la solution que j’ai trouvé. Mais il n’y a aucune raison de le refaire à chaque fois. Ce n’est pas une règle.