L’an dernier, Débordements a lancé une projection-caisse de grève en ligne, en soutien au mouvement contre la « réforme » des retraites. Nous renouvelons aujourd’hui l’expérience afin d’apporter notre soutien aux travailleur·ses en grève des Emmaüs du Nord, avec l’aide de Jean-Gabriel Périot et de Ciné-Archives.
Saint-André-lez-Lille, Grande-Synthe, Wambrechies, Tourcoing, Nieppe : dans ces cinq villes du Nord, des travailleur·ses de « communautés » Emmaüs sont rentrés, au fil des mois, en grève. Les raisons de ces mouvements de grève diffèrent (Emmaüs Wambrechies est notamment un cas particulier), mais leurs revendications se regroupent : les grévistes dénoncent une exploitation scandaleuse, un abus lié à leur situation de précarité, un système permettant une forme d’esclavage moderne. Souvent sans-papiers, payés des sommes dérisoires, travaillant dans des conditions de travail inhumaines, ces « compagnons » (c’est le nom qui leur est donné par Emmaüs) se battent pour leurs droits, en tant que travailleur·ses et en tant qu’êtres humains. Ils ont été rejoints dans leur lutte par l’UD CGT Nord et le Comité des Sans Papiers 59. Des responsables des différents Emmaüs du Nord devraient être jugés en juin au tribunal correctionnel de Lille pour harcèlement moral et travail dissimulé.
Si Débordements les soutient, c’est d’abord en raison d’un ancrage local : Débordements fut d’abord une revue lilloise, et les membres de la revue se sont parfois rendus dans ces centres Emmaüs qui, derrière un verni de charité, mettaient en place un véritable système d’exploitation, de traite d’êtres humains. Un combat ne vaut pas mieux qu’un autre, mais ces luttes locales, qui concernent des personnes précarisées, sont plus rarement audibles à l’échelle nationale : nous souhaitons orienter quelques regards vers leur lutte.
Nous tenons aussi à manifester notre soutien direct aux grévistes, pour leur courage, leur ténacité, leur dignité face à une direction sourde, un harcèlement policier régulier, et des menaces directes venues de l’extrême droite, qui, dans ces territoires parfois tenus par des élus du Rassemblement National, agit de plus en plus impunément. Le 17 février, une tête de sanglier a par exemple été déposée devant un des piquets de grève. Le refus de la régularisation de ces travailleur·ses par la préfecture du Nord, les maintenant dans une situation de précarité et dans la crainte de la répression policière, les met ainsi particulièrement en danger. Malgré cela ielles tiennent, et ce depuis des mois, sans fléchir : ielles sont un exemple pour tous les syndicalistes de ce pays et du monde entier.
Plus largement, cette projection-caisse de grève est aussi, pour nous, l’occasion de manifester notre opposition face à la répugnante « loi Darmanin », ainsi que toutes les politiques hyper-sécuritaires, racistes, inhumaines, mises en place par ce gouvernement comme par les précédents. Nous exprimons également notre dégoût face à la montée de la xénophobie et du racisme, que la progression politique de l’extrême droite vient incarner – y compris électoralement, en particulier dans le Nord.
Vous trouverez ci-dessous un ciné-tract réalisé par la revue en soutien aux grévistes des Emmaüs du Nord. Pour participer à leur caisse de grève, mise en place par l’UD CGT Nord, flashez le QR Code visible à la fin du ciné-tract (ou rendez-vous à cette adresse).
Pour accéder à la projection, le mot de passe correspond au premier mot du message de confirmation que vous recevrez après votre versement à la caisse de grève.
accéder à la projection sur Vimeo
Au programme : Quitter Thionville de Mohamed Alkama ainsi que le court-métrage Les Diables de Jean-Gabriel Périot.
Quitter Thionville, Mohammed Alkama, 1978, France, 55′ : Dans les années 1970, les cinéastes militants de tout bord prennent à cœur la lutte des travailleurs immigrés. Dans Les Bicots-nègres nos voisins de Med Hondo (1973), Jusqu’au bout de Cinélutte (1974) ou Margoline de Jean-Pierre Thorn (1975), on donne à voir les divers moyens de lutte de travailleurs précarisés dont les conditions de vie sont insoutenables. Quitter Thionville raconte comment un plan de licenciement des usines de sidérurgie USINOR et SACILOR SOLLAC menace d’expulsion des travailleurs algériens dont certains ont près de 25 ans d’ancienneté dans l’entreprise. Paradoxe de l’histoire, certains d’entre eux sont logés dans d’anciens camps de prisonniers de la Seconde Guerre mondiale. Dans son enquête, menée auprès des travailleurs immigrés et des habitants de Thionville, Mohamed Alkama dénonce l’instrumentalisation de l’immigration par le pouvoir giscardien et la façon dont il alimente le racisme pour faire oublier sa responsabilité dans la crise économique. Prêté gracieusement par Ciné-archives, Quitter Thionville sonde la Lorraine au prisme d’un conflit social tristement contemporain.
The Devil, Jean-Gabriel Périot, 2012, France, 8′ : The Devil, prêté gracieusement par Jean-Gabriel Périot, témoigne indéniablement de son grand talent de monteur. Sur la musique The Devil du groupe Boogers, le film suit la montée en radicalité du mouvement noir américain à travers ses archives filmées des années 1960.Chaque riff de guitare confronte ce mouvement à la violence du pouvoir blanc, incarné d’abord par des suprémacistes puis par des policiers. La pensée politique novatrice du Black Panther Party, associant contestation des violences policières, antiracisme et lutte des classes, naît de cette lutte perpétuelle avec le système racial étatsunien.