Sur ce dont on ne peut parler, on doit se taire

Sur Silence(s) dans le cinéma contemporain de Louis Daubresse

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le 26 juin 2024

En postulant dès l’introduction générale de Silence(s) dans le cinéma contemporain. Histoire et esthétique qu’il n’y a pas un, mais des silences, Louis Daubresse s’engage à interroger ce qui fait sens en dehors de la parole. Au creux du débat philosophique entre pensée et langage, il différencie, à partir de leurs étymologies respectives, ce qui est silencieux (sileo), ce qui fait silence (taceo), ce qui y est contraint (mutus). Par son appétence historique pour le muet mais aussi par sa capacité à restituer la matérialité du sonore, le cinéma, dans ses expérimentations contemporaines en particulier, se présente comme un terrain d’enquête propice à rendre compte de ces réalités silencieuses.

Marguerite Duras, India Song, 1975.

Pourtant ce double programme, aussi anthropologique qu’esthétique, n’a rien d’évident puisqu’il soulève d’entrée une contradiction : le silence se caractérise à la fois comme l’absence de bruit et comme un son reconnaissable. Pour le mener à bien, le penseur adopte une démarche capable d’appréhender ensemble les origines du silence humain et les emplois du silence au cinéma. Celle-ci synthétise naturellement deux approches du sonore. La première est celle des « études du son », qui s’intéressent au phénomène acoustique dans toutes ses apparitions. Allant des Sound Studies états-uniennes à Serge Cardinal, en passant par Daniel Deshays, cette approche lui permet d’étudier ce que le silence provoque sur le spectateur et quelles sont les pratiques culturelles liées à l’écoute du silence. Tel est le cas dans le rapprochement effectué au chapitre 6, section « La sculpture des gestes », entre les silences et les gestes issus d’aires géographiques différentes (l’Amérique du Sud de Lisandro Alonso, l’Europe de l’Est de Béla Tarr, l’Europe de l’Ouest de Chantal Akerman, l’Asie du Sud-Est de Tsai Ming-liang). La seconde approche est celle des « études audiovisuelles », qui conçoivent le son dans ses rapports intrinsèques avec l’image au cinéma. Héritière de Michel Chion, puis de Peter Szendy et d’Édouard Arnoldy, cette approche lui offre les outils adéquats pour analyser les manifestations filmiques du silence au sein des œuvres, comme s’y emploie le chapitre 1, section « Il était une fois dans l’Ouest : une sculpture bruitiste », avec la séquence d’ouverture du film de Sergio Leone. En empruntant à ces deux voies, cette démarche s’inscrit également dans la lignée d’un récent tournant universitaire, consacrée à des problèmes spécifiques du sonore cinématographique et prenant la forme de théories de spécialités. Au sein de ce dernier, la musique (Jérôme Rossi), le bruit (Suzanne Tanner-Béguelin) ou la voix font l’objet de raisonnements serrés, dont les pages de cette revue ont déjà rendu compte lors des parutions rapprochées de Puissances de la parole : à l’écoute des films (Mathias Lavin, 2021) et L’Attrait des ventriloques (Érik Bullot, 2022). À bien des égards d’ailleurs, le projet de Silence(s) dans le cinéma contemporain prend les traits d’une « vocanalyse » de ceux qui n’ont pas de voix. Dans le sillage de ces prédécesseurs, le livre pense le rapport des personnages à la parole et à son absence, notamment à travers la confrontation entre des protagonistes parlants et des protagonistes muets. Repérés dans Andreï Roublev et Few of Us (chapitre 4, section « La faiblesse des autres »), cette rencontre singulière a une influence concrète sur le parcours des héros, qui débouche sur une aporie personnelle, sur une mise à l’écart de la communauté. Au contact de Durochka, une paysanne atteinte de surdi-mutité, le moine-peintre d’Andreï Tarkovski fait d’abord l’épreuve du doute (refusant de provoquer la crainte avec son Jugement dernier) puis l’épreuve du silence (après avoir sauvé sa protégée d’un viol en tuant son agresseur). A l’inverse, le mutisme indéfini de la jeune femme (circonstancié ou congénital) l’empêche de communiquer avec les Tofolars puis l’isole violemment de la tribu dans le long-métrage de Sharunas Bartas.

Aussi, pour étudier le silence cinématographique dans toute sa complexité, Louis Daubresse se place ouvertement dans le domaine de l’esthétique. Il propose ainsi une « égo-histoire du cinéma, histoire de [sa] relation personnelle et sensorielle au cinéma, en n’hésitant jamais à utiliser [ses] goûts comme critères de choix dans la composition du corpus de films et en assumant [sa] propre cinéphilie » (p. 12). Ces conditions d’investigation s’expliquent en particulier par le lien qui unit le chercheur à son sujet, et dont l’avant-propos dans sa globalité rend fidèlement compte. Rarement un auteur aura autant habité son texte puisqu’il trouve dans les films de sa sélection les moyens de reconnaître sa surdité sévère et le mutisme de son deuil. Dans cette perspective, l’écriture devient le vecteur d’un partage où le commentaire des séquences invite chaque lecteur à prolonger la réflexion. Le style oralisé et l’attention apportée à la rédaction des titres vont dans le sens de cette coopération, à l’image de la section « 2001, l’Odyssée de l’espace : le son de l’infini » (chapitre 1) et ses paragraphes évocateurs qui suivent la progression de l’action : « À l’intérieur du scaphandre », « Et soudain… le vide », « Le tracé graphique du silence létal ».

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Par ces préférences, le présent volume érige une généalogie du silence ambitieuse. Elle mobilise des exemples variés, exclusivement fictionnels, dont l’intérêt est d’entendre, aux deux sens du terme, la mise en scène du silence. Si elle identifie certains exemples documentaires (Shoah de Claude Lanzmann, Le Grand Silence de Philip Gröning ou L’homme sans nom de Wang Bing) comme des candidats sérieux à une méditation sur le sujet, auxquels pourraient s’ajouter les cinématographies expérimentales ou d’animation, cette chronologie se restreint au processus de fictionnalisation du silence, tel qu’élaboré par Roger Odin dans De la fiction. En concordance avec le dessein global de la publication, elle s’évertue à saisir la relation, « opaque » mais « intelligible », des personnes silencieuses avec le monde, à travers la transposition de leur expérience réelle dans une expérience « imité[e], feint[e] ou simulé[e] » (p. 28). Temporellement parlant, elle est principalement fondée sur deux périodes historiques précises, qui donnent à la démonstration sa structure.

La première partie de l’ouvrage « Passages du silence » s’intéresse à l’éventualité d’un moment « moderne » au cinéma, marquant une rupture épistémologique avec ce qui le précède. Elle soutient cette piste en mettant en lumière le changement d’attitude des réalisateurs vis-à-vis de la figuration du silence. Devenu une composante omniprésente du récit, il est plus volontiers utilisé pour remettre en question la parole et ses discours devant les horreurs que sont Auschwitz et Hiroshima. Toutefois, les usages modernes du silence ne sont pas uniformes au cours de la vingtaine d’années durant laquelle ils se développent. Sur ce principe, le chapitre 1 « La fonction narrative du silence dans le cinéma de genre » s’attache à observer les dérèglements provoqués par l’absence de voix ou de bruits dans des contextes d’émergence variables (impératif de faire silence dans le film de gangster, contingence de la parole dans le western et environnement sonore réduit au néant dans la science-fiction). Ces prémices convergent vers une situation filmique commune où la solitude palpable du personnage empêche l’accès à sa psychologie, créant de fait un sentiment d’angoisse. À rebours de ce silence lié à un milieu, le chapitre 2 « Subjectivité du silence. Expérience partagée avec les personnages » se penche sur le silence lié au système perceptif d’individus sourds ou muets. Fortement rattachées à la notion de point d’écoute, ces immersions silencieuses peuvent être conformes au vécu des personnages (chocs sonores dans l’écoute par l’amplification des sons ou par leur suppression complète) ou distancées (présence du langage des signes, recours à un appareillage, comparaison avec des personnages verbeux). Elles engendrent néanmoins des réactions spectatorielles différentes selon qu’elles soient sourdes (partage de la douleur par abstraction des sons) ou muettes (interprétation du visage ou du corps pour combler le manque de dialogue). Finalement, le chapitre 3 « La modernité cinématographique à l’épreuve du silence » répertorie les révolutions formelles de l’époque moderne à partir de trois facteurs : l’autonomie des sons, avec la dissociation visuel/sonore (asynchronisme, non-concordance, collage), les acteurs porte-voix, avec un jeu en silence et des techniques modifiées (projection d’enregistrements audios au tournage, voire postsynchronisation intégrale), et la politique de l’effondrement, avec l’incommunicabilité des échanges (paroles oiseuses, cacophonies des discours, images vides). 

Tsai Ming-liang, Goodbye Dragon Inn, 2003.

La seconde partie « Le silence ou l’état du monde » s’attarde sur les légataires des cinéastes modernes dans le cinéma contemporain. Cette filiation aboutit sur des déplacements formels et idéologiques dont le silence est représentatif. Là où la modernité, en réaction au classicisme, faisait le choix de faire imploser la parole, déréglant l’ordre des événements et leur compréhension, le contemporain opte pour la raréfaction, préférant le non-dit et renonçant à l’affabulation. Essentialisé en tant qu’élément de mise en scène, le silence contribue alors à imposer une conduite contemplative, du filmeur sur son monde puis du spectateur sur son film. De surcroît, il modifie l’expression cinématographique sur plusieurs niveaux. Le chapitre 4 « L’(Im)puissance muette » traite des corrélations entre silence et pouvoir. Successivement perçu comme un instrument de domination et comme une marque d’affaiblissement, le mutisme commande deux positionnements antagonistes de la part du personnage muet : la résignation ou la résistance. Elles peuvent conduire à la rupture sociale (silence né du désespoir), à l’extinction d’une culture (disparition simultanée d’une langue et de son peuple) ou à l’invention de nouvelles normes sociales (groupes en retrait de la civilisation du verbe). À côté de ces logiques humaines, le chapitre 5 « Les silences du dehors et du dedans » se soucie des logiques environnementales. Dans cette optique, il discerne divers espaces silencieux (l’espace clos, habité ou désinvesti, l’espace extérieur, désert ou urbain, les espaces de transition d’un pôle à l’autre) ainsi que diverses temporalités du silence (le présent sans ancrage, le passé mémoriel ou enregistré, le futur sous-jacent de la catastrophe). Une fois rassemblés, ces espace-temps distincts esquissent les contours d’un paysage en crise, rempli et mue par le silence, témoin de la vision du cinéaste sur son monde. Pour conclure, le chapitre 6 « Du rituel au gestuel silencieux » remarque le rôle déterminant du silence dans les actions solitaires ou collectives des êtres humains. Doté d’une fonction communicative au sein des cérémonies religieuses (messes, enterrements, mariages), il se fait marqueur d’une appartenance, témoin d’une résolution ou manifestation d’un sentiment indicible. En revanche, en dehors de ces contextes, il perd de sa symbolique en accompagnant des gestes a-signifiants, quotidiens (gestes du travail, gestes ménagers) ou sans causalité (gestes mécaniques, gestes pour passer le temps).

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A partir de cette position en esthétique, l’analyste recourt à toutes les méthodes dont il dispose pour problématiser le silence, à l’échelle d’une séquence, d’un film ou d’un corpus. La première de ces méthodes est principalement descriptive. Elle veille avant tout à restituer les contextes de chaque apparition du silence. De ce fait, elle peut prendre la forme d’un résumé complet de l’intrigue à l’instar de la section « La suprématie des uns » (chapitre 4), où est longuement raconté le conflit politique qui oppose les brigands et les villageois dans Alexandre le Grand de Théo Angelopoulos. Elle peut aussi prendre la forme d’une ekphrasis, indispensable à l’examen des séquences d’ouverture et de clausule de The Tribe du réalisateur Myroslav Slaboshpytskiy (chapitre 2, section « Puissance du mutisme »). La seconde de ces méthodes est clairement comparative. Elle remonte dès lors jusqu’au choix créatif de recourir au silence et à ses implications artistiques. Pour ce faire, elle utilise des éléments extérieurs à l’objet analysé afin d’éclaircir le geste qui l’a commandé. Il peut s’agir d’intertextes proches, sur le modèle du chapitre 6, section « Le vœu de silence », où les motifs et les thèmes d’Andreï Roublev sont mis en relation avec ceux du Sacrifice, et plus encore avec l’ensemble de l’œuvre tarkovskienne. Il peut également s’agir de documents de travail dont la lecture éclaire rétrospectivement l’intention poétique du silence, conformément aux usages du chapitre 3, section « Dynamiques du silence », dans lequel les dialogues d’India Song sont analysés par l’intermédiaire du découpage technique de Marguerite Duras, du découpage analytique de Marie-Claire Ropars-Wuilleumier puis du scénario retranscrit par Youlia Maritchik. Enfin, la dernière de ces méthodes est plus clairement spéculative. Elle tente de distinguer les différentes expériences du silence et de synthétiser leurs effets. À cet égard, elle peut choisir de décomposer rigoureusement la construction d’une séquence, en dénombrant les plans, en minutant les durées, en cartographiant les points forts du flux filmique, afin de caractériser par exemple la « politique » du silence de Jean-Pierre Melville (chapitre 1, section « Le Cercle rouge : une performance silencieuse »). Elle peut par ailleurs choisir de mettre en place une typologie des silences au cinéma, dont la classification dépend des types de lieux (confinés, ouverts, intervallaires), des types de personnages (solitaires, muets, marginaux) et des types d’auteur (Pedro Costa, Alexandre Sokourov, Alexander Kott), comme l’illustre le chapitre 5, section « L’écho du désastre ».

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Souvent combinés, ces procédés de recherches, dans leur pluralité, font état de la richesse du silence cinématographique. Plus encore, leurs résultats ouvrent l’entreprise conceptuelle à plusieurs champs disciplinaires. En toute logique, ces propositions résonnent tout d’abord dans le domaine de l’esthétique. Elles semblent délimiter trois acceptions du silence au cinéma. En tant que « négation de tous les sons et en même temps […] leur seule synthèse possible » (p. 17), il se fait matière modulable. Attaché à un lieu tel que le conceptualise le chapitre 5, section « Habiter le silence », il est rendu perceptible par le biais de la caméra et de l’écran, qui, en conservant les qualités de ce son et en le projetant dans la salle, redonnent à son étendue ou à sa rumeur toute leur matérialité. D’un autre côté, cette matière discrète se fait sujet de la représentation, qu’elle fasse l’objet d’un traitement particulier dans une séquence (les minutes de silences effective ou contrariée de Bande à part de Jean-Luc Godard et de L’Eclipse de Michelangelo Antonioni) ou qu’elle soit attachée à des personnages contraints au silence, oscillant entre « résignation et résistance », comme le titre l’une des sections du chapitre 4. Du reste, cette matière muette se fait bruit de fond sur lequel s’écrivent toutes les figures sonores, sorte de « musique naturelle » qui met en avant les sons et les exprime. Entre Gestalt Theory et musicologie, cette hypothèse a tout d’un principe d’analyse. 

Béla Tarr, Le Cheval de Turin, 2011.

Ces conclusions retentissent ensuite dans le domaine de l’histoire du cinéma. À l’appui des analyses menées, elles participent aux débats définitionnels des notions de « moderne » et de « contemporain » en études cinématographiques. Éprouvée sous différents angles, la modernité est successivement envisagée dans une perspective historique (Alain Touraine, Critique de la modernité), dans une perspective morale, tantôt positionnement a posteriori (Jacques Aumont, Moderne ? Comment le cinéma est devenu le plus singulier des arts), tantôt position critique (Alexis Nouss, La Modernité), puis dans une perspective esthétique, paradigme stylistique opposé au classicisme d’une part (Fabrice Revault D’Allones, Pour le cinéma « moderne ». Du lien de l’art et du monde :  petit traité à l’usage de ceux qui ont perdu tout repère) et état d’esprit d’une époque d’autre part (Dominique Noguez, « Modernité et avant-gardes »). Cette progression se conclut avec la formulation d’une intuition judicieuse sur le sonore comme marqueur du moderne. Elle est nourrie par les propositions de Michel Chion sur le rôle stratégique du langage dans le cinéma classique (La Toile Trouée) et de José Moure sur l’évidement comme passage au moderne (Vers une esthétique du vide au cinéma). Après coup, elle est affirmée via une étude de « proche en proche », qui va d’Antonioni à Bresson, de Bresson à Straub et Huillet, puis de Bresson à Resnais, avant d’arriver à Duras (chapitre 3, section « Politiques de la parole »). 

Dans l’autre partie du texte, le contemporain est concentré sur un corpus exemplaire, duquel sont nés les questionnements. Tour à tour qualifié de raréfiant, contemplatif ou lent, ce cinéma non-narratif et non-représentatif est déterminé par un regard éthique sur le monde (Jacques Rancière, Malaise dans l’esthétique), par une récupération du minimalisme moderne (Youssef Ishaghpour, Cinéma contemporain. De ce côté du miroir) et simultanément par un dépassement de cette attitude moderniste (Georges Didi-Huberman, L’Œil de l’histoire 4. Peuples exposés, peuples figurants). Ce repérage est façonné à partir du travail fondateur d’Anthony Fiant (Pour un cinéma contemporain soustractif), auquel sont adjoints les cinéastes de la modernité tardive. De cette manière, la recherche mobilise des auteurs éloignés géographiquement et temporellement pour recenser les propriétés communes de ces productions, dont le traitement de la durée est archétypal (chapitre 6, section « Un temps pétrifié »). 

In fine, les réponses apportées ont aussi un écho surprenant dans le domaine médical. En effet, ces références très cinéphiliques sont complétées par des précisions cliniques ponctuelles et innovantes, qui occupent une grande place dans la bibliographie de fin d’ouvrage (Laurent Vergnon, L’Audition dans le chaos, Jacques Grobois et Michèle Le Pellec, Surdités, acouphènes et troubles de l’audition, Harlan Lane, Quand l’esprit entend : histoire des sourds-muets, Benoît Virole, Figures du silence : essais cliniques autour de la surdité). Au service du propos, ces mentions fournissent aux lecteurs du chapitre 2, section « Perception(s) de la surdité », une vue d’ensemble sur les différents types d’hypoacousie (de transmission ou de perception) avant de les mettre en relation avec les différentes formes de mutisme (passif, volontaire, involontaire), et d’ainsi différencier les silences de ceux qui se taisent (mutisme, aphasie, dysarthrie, aphonie).

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Ce faisant, Louis Daubresse réussit à cristalliser une définition fleuve du silence pour et contre laquelle il se bat. Elle satisfait son double cheminement, cinématographique et humain, grâce à un socle solide de références qui est sans cesse complexifié par des apports nouveaux et inattendus. En traitant ce sujet avec une telle variété de ressources, avec ce souci de faire revivre les films, il parvient à faire émerger des idées neuves. Elles favorisent assurément la redécouverte d’une partie ou de l’entièreté d’œuvres exigeantes, qui ont parfois une actualité parallèle à la publication (la sortie d’Eureka de Lisandro Alonso ou encore les rétrospectives parisiennes, passées et à venir, dédiées à Marguerite Duras et Chantal Akerman). Elles admettent conjointement la levée de certains préjugés qui entourent la parole et le bruit au cinéma, comme ceux qui projettent sur un cinéma moderne très volubile le silence du contemporain. Elles encouragent pour finir à venir constater, dans le sillage de Wittgenstein[11] [11] La citation servant de titre à cette recension est tirée de Ludwig Wittgenstein, Tractatus logico-philosophicus (trad. et éd. Christiane Chauviré et Sabine Plaud, dir. Sandra Laugier), Paris, Flammarion, coll. « GF », nᵒ 1640, 2022, p. 89 et p. 228. Présente dans la préface de l’ouvrage, cette phrase revient lors de la septième et dernière proposition, en tant que conclusion. , que sous chaque silence se trouvent des voix et qu’il est de notre responsabilité de prêter l’oreille à ce qu’elles ont à dire.

À Enéa Bruno Marie, qu’amour envoie et qui le fera bientôt parler.

Louis Daubresse, Silence(s) dans le cinéma contemporain. Histoire et esthétique, Paris, Presses universitaires du Septentrion, 2 avril 2024, 324 pages, 25€.