Un dernier tour de Clef

Des nouvelles de la lutte (7)

Quatre ans après le début de l’occupation du cinéma pour lutter contre la vente au plus offrant de son bâtiment historique et à l’issue de deux ans et demi de programmation associative à prix libre pour faire vivre un cinéma de quartier à l’usage des riverain-es et étudiant-es, nous avions laissé La Clef en avril dernier, un compromis de vente tout juste signé.

Le montage financier mis sur pied par les membres du collectif La Clef Revival visait à couvrir la somme de 2,9 millions d’euros demandés par les propriétaires du lieu, le CSE-Caisse d’Épargne, déjà attendris par d’âpres négociations. La somme devait être trouvée grâce aux efforts conjugués des donateurs et donatrices mobilisées pour la sauvegarde du lieu (à hauteur de 400 000€), divers mécènes du monde de la culture, et un prêt d’1,7 million contracté auprès d’un consortium de banques. Mais tout cela était sans compter sur la frilosité proverbiale de ces espèces fragiles, dont les promesses s’avèrent toujours prêtes à se retourner par gros temps. La conjoncture économique étant ce qu’elle est, le pool bancaire prêteur a décidé de revoir à la baisse le montant – en faisant fi des gages de solidité de La Clef Revival, prévoyant un plan de remboursement équilibré sur quatre ans ! Des négociations sont encore en cours.

Sans se laisser démonter, les membres du collectif, avec la souplesse et la volonté infatigable qui les caractérise depuis le début de cette lutte, ont élargi le champ de leur recherches de mécénat. D’abord constituée des personnalités les plus en vue du monde du cinéma (acteur-ices et cinéastes comme Céline Sciamma, Swann Arlaud), la liste des soutiens de La Clef s’est vue gonflée d’autres milieux non moins importants : des sociétés de production comme Les Films de Pierre (récemment producteurs d’Anatomie d’une chute) ou les Films du Camélia, ou des sociétés de techniciens comme CN films, auteurs de l’outil de programmation Cinégo. Autant de preuves de l’importance aux yeux d’un vaste milieu professionnel du projet d’alternative au cinéma premium des multiplex portée par La Clef Revival.

Durant les trois semaines et demie qui nous séparent de la date butoir du compromis de vente, fin octobre, La Clef Revival intensifie également ses appels aux dons. Déjà plus de quatre mille personnes ont contribué à financer les trois quarts des objectifs annoncés par l’association, réunissant environ 300 000€ (soit une moyenne de 75€ par personne, soit 25€ seulement après déduction d’impôts). Si vous pouvez et souhaiter participer à cette mobilisation, la plateforme de recueil de dons se trouve à cette adresse.

Mais La Clef n’en avait pas fini d’innover. Sur la proposition de l’artiste Neïl Beloufa (dont le père, le cinéaste algérien Farouk Beloufa, avait été un compagnon de route de la Clef dans les années 1980 alors que le cinéma était encore principalement dédié à la diffusion du cinéma africain à Paris) et grâce au concours de Yoann Gourmel, curateur du Palais de Tokyo, les membres du collectif ont monté le projet d’une exposition de deux jours dans les salles du musée d’art moderne. Celle-ci présentera au public divers pièces offertes par quatre-vingt-six artistes-cinéastes ou proches du milieu du cinéma comme Wang Bing, Alain Guiraudie, Ange Leccia, Marie Losier, David Lynch, Jacques Perconte ou Céline Sciamma…. Cette exposition-éclair qui se déroulera les 28 et 29 octobre, sera suivie d’une vente dont les bénéfices iront combler le manque laissé par le retrait des banques. Son titre, « Tout doit disparaître ! », dit assez le souhait des organisateur-ices pour que La Clef ne subisse pas le même sort. Au bout du mois d’octobre, la clef des champs ?