Les premiers mois de 2020 auront vu s’achever, à quelques semaines d’intervalle, les deux meilleurs cycles sériels français. Le premier, Baron noir, n’est pas à proprement parler fini, mais le terme de la troisième saison – la victoire à la présidentielle de celui qui jusqu’alors était éminence grise ou chien fou, Philippe Rickwaert – donne à cet épilogue provisoire les allures d’un aboutissement. Quant au Bureau des légendes, commencé un an avant la série d’Éric Benzékri et Jean-Baptiste Delafon, en 2015, elle a laissé Jacques Audiard boucler sa cinquième saison en refermant l’intrigue qui l’avait ouverte[11] [11] Inutile de renchérir sur les critiques qui ont déjà plu sur ces deux épisodes tristement désastreux. On peut par contre noter ce fait significatif, que seul un cinéaste façonné par le culte du long-métrage pouvait à ce point se méprendre sur ce qu’est une clôture sérielle, puisque, non content d’abandonner la majorité des personnages sur le bord du chemin, il a également cru nécessaire de donner à cette fin la forme d’une récapitulation, qui donne à la ligne brisé du récit les traits d’un destin unitaire (ce qui contrevient aux principes d’un format trop lié à la chronique hebdomadaire pour ne pas être étranger à l’idée de destinée). – les amours d’un espion et d’une diplomate, où les malheurs de l’une causent la trahison de l’autre –, tandis que son showrunner Éric Rochant prenait un congé définitif, qui, en la matière, vaut clôture (si continuation il y a, elle sera d’une autre pâte). A priori, peu de choses rapprochent ces deux productions, sinon la chaîne qui les diffuse (Canal +). Leurs modèles de fabrication diffèrent (organigramme de production très hiérarchisé et ramifié pour le Bureau, qui s’est astreint à sortir une saison par an, quand le Baron, moins tayloriste, obéissait à une cadence plus détendue), et leurs imaginaires aussi : plongée dans les rigueurs d’un patriotisme de l’ombre pour la série de Rochant, miscellanée militante pour celle de l’ancien cadre socialiste qu’est Benzékri (son pool de scénaristes compte d’ailleurs deux « fils de », Raphaël Chevènement et Thomas Finkielkraut, qui charrient peut-être malgré eux des signifiants doctrinaux : avec celui de leur showrunner, ces deux noms triangulent un certain souverainisme républicain qui, à l’occasion social, circonscrit l’horizon idéologique de Baron noir).
Leur principal point commun reste leur tampon made in France, qui mérite quelque enquête. Car chacune appelle la comparaison avec des parentes américaines – West Wing, Boss ou House of Cards pour Baron noir, Homeland ou The Americans pour Le Bureau des légendes, sans compter les cousinages plus lointains avec The Sopranos ou The Wire –, dont toutes deux répètent la formule constituant l’un des grands genres sériels : la fable du gouvernement, si tant est qu’on mette sous ce mot tous les arts stratégiques et bureaucratiques. Dans le Bureau comme pour le Baron, tout tourne comme ailleurs autour des lieutenances et des trahisons, des échéances à négocier et des clans auxquels s’allier. Mais il y a peut-être autre chose : un trait français, qui n’est lié ni aux moindres budgets ni au moliérisme national mais, disons, à une autre articulation des idées au réel : à ce que ce texte cherche sous le nom de réalisme idéaliste, à condition d’entendre dans ce dernier terme l’idée plus encore que l’idéal.
Le génie des showrunners aura en définitive été double (outre bien sûr les bonheurs d’écriture). Il y a eu déjà un rapport particulier à l’actualité, qui les a fait courir après les reconfigurations globales tout en injectant dans le tissu narratif des faits ou figures piqués à la chronique contemporaine. Le Bureau des légendes a suivi l’émergence de Daech ou la découverte de l’ingérence russe. Baron noir surtout a voulu faire de chaque saison le tracé des rééquilibrages de l’échiquier politique, non sans parfois se tromper (en lieu et place de la victoire du macronisme, la saison deux avait prévu un socialisme centré, allié des libéraux) ou s’autoriser des écarts avec les événements (par exemple, dans la troisième saison, la trajectoire fulgurante de Mercier, en qui se croisent le populisme 2.0 de Beppe Grillo et la manie d’Étienne Chouard pour le tirage au sort). Mais à un niveau moins décisif, on y retrouve, détournés, des épisodes comme la descente de fafs dans un amphi occupé de Montpellier en mars 2018 (devenu dans la série une expédition du GUD contre une réunion non-mixte, autre écho des temps). Les deux séries font tout pour muer au contact de l’actualité, qui les paie bien en retour. Car le train du monde a compté parmi les raisons de leur succès : Baron noir a commencé sous Hollande, lorsque la politique n’était qu’une plus qu’une longue déception ennuyeuse, et a gagné en audience à mesure que les séismes d’ici et d’ailleurs ravivaient des enjeux oubliés ; mis en chantier avant les attentats de 2015, Le Bureau des légendes aura coïncidé avec la naissance d’un intérêt public pour le renseignement et l’intensification des conflits internationaux. Bref, elles auront toujours été à la fois en retard et en avance, remorquées par les derniers épisodes du monde mais pressentant certaines bifurcations en cours. Ce paradoxe de la mode n’est toutefois pas le seul trait de « génie national » des deux séries. Un autre, plus souterrain, tient à ce qu’elles ajoutent à la Realpolitik constituant le credo du genre une petite dose de foi, dans les idées comme dans le combat.
Ce dénominateur commun est d’autant plus frappant que tout les oppose. Leurs projets, déjà, se tournent le dos : l’un veut restituer aux stratégies institutionnelles et électorales un peu de cette attraction que la médiocrité du personnel politique lui a fait perdre, pour que l’action militante retrouve ses vieilles auréoles, tandis que que l’autre cherche à prosaïser un monde de l’espionnage communément fantasmé comme univers de smokings et de fusillades. Cet écart n’empêche pas qu’elles forment ensemble comme l’avers et l’envers d’une même pièce, sa face secrète et sa doublure spectaculaire – preuve en serait leur semblable mais distincte obsession pour le cyber, entre l’omniprésence des réseaux sociaux dans la saison trois de Baron noir et le rôle central des hackers dans les deux dernières du Bureau des légendes (hantise qui, dans les deux cas, ne va pas sans une légère aversion : dans l’une et l’autre point par endroits la nostalgie d’une politique ou d’un renseignement d’avant les data). Il n’y a donc rien de surprenant à ce que leurs idées de l’action humaine se trouvent aux antipodes l’une de l’autre – la loi et la rue pour le Baron, les chuchotements et les frappes furtives pour Le Bureau –, de même qu’elles occupent des places distantes sur l’échiquier politique : menée par un ancien proche de Mélenchon et de Dray, Baron noir a pour centre de gravité la gauche, d’un de ses bords à l’autre ; Le Bureau des légendes fait mine de transcender les appartenances au nom de la raison d’État et vient d’un showrunner ayant assumé des positions macronistes en 2017. On pourrait dire la même chose de leur géographie : l’une se concentre sur une scène nationale qu’elle articule sans cesse au local (Dunkerque dans les deux premières saisons, les Hauts-de-France dans la troisième), l’autre évite l’intérieur du pays pour ne regarder que vers l’international ; il est donc logique que Le Bureau se caractérise par un amour du non-lieu (la maison dans le Perche, ou un désert imprécis) et de l’espace quelconque (les rues génériques de Paris) tandis que l’équipe du Baron a tenu à pouvoir tourner sous les ors de la République (dans la préfécture des Yvelines pour les deux premières saisons, à l’Élysée ou dans l’avion présidentiel pour la dernière). Surtout, l’une voit dans la politique un mouvement permanent quand l’autre croit aux vertus de l’inertie. Baron noir n’est qu’agitation ; chaque action y renverse des rapports de force et le moindre tweet sert de catastrophe. Face à ce tournoiement parfois vain, Le Bureau des légendes valorise la patience du cueilleur d’infos ; l’art des agents comme celui de la série consiste à minimiser les remous et à étouffer les bruits, parce que leur morale se résume en un culte de la stabilité.
Cela se ressent dans leurs styles. La caméra de Ziad Doueiri ne tient pas plus en place que le personnage qu’elle suit. L’homme qui assure la réalisation de chaque épisode du Baron noir goûte les virevoltes et fait preuve d’une dronophilie parfois excessive. La marque la plus décisive de sa signature reste toutefois ces multiples plans de nuque, sur laquelle les personnages passent leurs mains fébriles dès qu’ils affrontent une crise. Figures canoniques de l’empathie, ces plans au montage excité disent bien l’ambition qu’a la série d’embarquer le spectateur dans l’affolement machiavélien de ses principaux protagonistes. On pourrait en dire autant de son usage préférentiel des courtes focales, qui rapprochent pareillement le regard de son objet. Ce n’est guère un hasard si les différents réalisateurs collaborant au Bureau des légendes privilégient à l’inverse des longues focales, qui maintiennent une distance censée promouvoir la maîtrise et le détachement en lesquels se résume l’éthique des agents. Là, tout n’est que flegme calculé. Aux coups d’éclat et aux retournements théâtraux de Baron noir, la série de Rochant oppose l’art du petit pas et des mouvements discrets, liés à cette temporalité monotone propre aux bureaux qu’occupent des fonctionnaires sans passion. Même la salle de crise n’y connaît pas la fièvre. Se refusant à dramatiser l’instant, la série joue très peu de ce suspense dont a tant usé le cinéma d’espionnage. Cette minimisation généralisée bride également la parole : dans ce monde où la première des vertus consiste à tenir sa langue, les dialogues fonctionnent forcément à l’économie. Tous se murent et retiennent leur verbe, quand les personnages de Baron noir sont d’abord des orateurs. Cette dernière semble parfois avoir pour première ambition de défendre une éloquence politique dont on ne sait trop si elle eut jamais d’égale dans le réel : le génie ostentatoire de Rickwaert, Vidal ou même Dorendeu s’y reconnaît d’abord à leurs prouesses discursives, et les climax coïncident toujours avec des débats. L’ensemble de ces oppositions se réfracte dans le jeu des acteurs principaux, puisque la sur-expressivité de Kad Merad renvoie à la matité de Mathieu Kassovitz son reflet inversé. L’un n’est que stances et battements de bras, l’autre impassibilité et retrait, jusqu’aux gestes réduits à leurs nécessités fonctionnelles (Merad, lui, appuie chacune de ses phrases de tout son corps, et sa tête ne cesse de se tourner).
Les personnages qu’ils incarnent n’en passent pas moins par des trajectoires voisines, même si l’un finit comme veuf et l’autre bel et bien président. Chacune des séries aura travaillé à effacer progressivement, et contre sacrifices, les taches sur lesquelles elles s’ouvrent : trahison pour Malotru, qui se condamnera au quasi-suicide (l’attentat contre Daech) et à cette mort virtuelle qu’est l’exil, pour finalement rentrer au pays en échange d’autres déloyautés ; gabegie pour Rickwaert, lâché par celui pour qui il a fauté puis conduit vers une prison dont il ressortira souillé, jusqu’à ce que la fin de la saison trois en lave l’opprobre. Bref, péché, châtiment, calvaire puis rédemption, avec des indulgences variables suivant les cas. Mais le véritable point commun aux deux séries réside peut-être moins dans ces destinées somme toute classiques, et même très romanesques, que dans les vocations qui les déterminent. Car Rickwaert et Malotru – mais aussi Cyril Balsan, Véronique Bosso, Michel Vidal ou Amélie Dorendeu pour Baron noir, et Marina Loiseau, Marie-Jeanne Duthilleul ou Henri Duflot pour Le Bureau des légendes – sont tous les êtres d’une cause, politique pour les uns ou (vue comme) patriotique[22] [22] Pour rappel, Eric Rochant avait réalisé en 1994 Les Patriotes, sur une section du Mossad. Le sujet en était déjà et seulement l’engagement. pour les autres. Et les deux séries répondent au fond à une même question : qu’est-ce que l’engagement ? Et, à la suite, qu’est-ce qu’une narration dans laquelle les comportements ne sont pas dictés par des calculs d’intérêt ou des logiques d’obéissance (façon House of Cards ou 24 heures chrono), mais par la foi militante, par des croyances qui autorisent la félonie ? Ces interrogations sont au cœur de Baron noir, qui, à travers Rickwaert, fait le portrait de cadres socialistes ayant débuté comme militants de base (ceux-là même auxquels Cyril rend hommage lors de son discours d’adieu à la vie politique) et non comme énarques de cabinet. Mais elles traversent également Le Bureau, où des agents souvent imbus de leur dévouement à « la boîte » se réclament des mêmes principes sacerdotaux (voir, dans la dernière saison, le dialogue lors duquel Mille Sabords et Phénomène se souviennent de ce qui les avait au départ motivés).
On pourrait chercher aux deux séries d’autres points communs, dans leur économie de l’information (le renseignement glané dans l’une, le scoop qui snipe dans l’autre : les drames y sont toujours fonction de données au dévoilement différé) ou dans leur rapport au storytelling, puisque chacune raconte des constructions d’identités : lesdites légendes des clandestins, ou la fiction idéologique que chaque figure de Baron noir incarne afin d’exister (Rickwaert y passe pour maître du recyclage narratif, qui fait rentrer toute déviation dans un grand récit de la ligne politique). On gagera néanmoins que les spécifie d’abord une idée du réalisme qu’elles ne partagent qu’entre elles. Le mot, on le sait, ne manque pas de sens. En art, il a pu désigner bien des formes d’adéquation mimétique, variant au gré des réels qu’elles prétendaient décalquer. Et, employé ailleurs comme doctrine d’un « principe de réalité » auquel il serait bon de se soumettre, il souffre de l’écartèlement propre aux mots dont tous s’autorisent ou se glorifient (qu’on pense, par exemple, à l’écart contemporain entre le réalisme néolibéral et le réalisme écologique). Disons que Baron noir comme Le Bureau des légendes obéissent à ce qu’on pourrait appeler un réalisme idéaliste, pour lequel ce dernier terme ne renvoie pas aux aspirations rêveuses qu’on lui prête souvent mais à une logique compensatoire plâtrant le réel délabré. Côté art (côté représentation, si l’on préfère), il consiste en un geste de réfection ou de réhaussement, qui reproduit des drames conformes aux mécanismes d’un monde sans grâce tout en décorant leurs figures d’une grandeur l’ayant déserté. Dans Baron noir, cette logique s’incarnait exemplairement à travers Francis Laugier, président socialiste tel qu’aurait dû ou pu être François Hollande, non seulement parce que de gauche mais aussi en raison d’une superbe perdurant jusque dans le scandale. La même substitution réparatrice s’observe dans Amélie Dorendeu, qui représente la pureté idéologique d’un macronisme de campagne dont la version actuelle n’est plus qu’une droite redécorée, sans parler de Rickwaert, qui, comme la fleur de Mallarmé, est l’absent de tout congrès. L’argument vaut aussi pour Le Bureau, où l’on s’arme d’un panache moins voyant, certes, mais dont tous les agents volent quelques mètres au-dessus du commun.
Convenons qu’une telle correction n’est pas chose si rare au pays Mimésis. Elle l’est par contre bien plus au sein du réalisme politique, où l’idéalisme ne désigne pas une tendance au bigger than life ni l’affirmation d’une candeur que rien n’entache mais, pour ces séries, une simple foi dans la résistance que les idées opposent au règne de la force. Baron noir n’a pas d’autre devise : les idées comptent, et, corollaire, la lutte est possible – c’est le cœur de l’argumentation de Rickwaert lors de son débat face à Mercier. Lui, l’homme de toutes les combines, il n’aura en même temps eu de cesse de prouver que la gauche n’est pas un vain mot, qu’elle ne représente pas simplement un marché pour quelques opportunistes en mal de label mais reste l’étendard de ceux qui croient que la réalité ne se réduit pas au monde tel qu’il va – aux idées, alors, de l’aider à devenir ce qu’elle est. A priori moins habité par les prosopopées de l’émancipation, Le Bureau des légendes ne s’efforce pas moins de montrer que toutes les barbouzeries ne se valent pas, et que le renseignement à la française s’embarrasse davantage de principes que certains de ses homologues, le FSB au premier chef (voir, dans la dernière saison, la blague d’un agent russe expliquant qu’eux ne se gêneraient pas pour fabriquer des preuves permettant de condamner à mort leurs ressortissants partis en Syrie). Là, l’idéal est moins la gauche que le droit, qui apparaît comme un frein plutôt qu’une force. Bref, chacune des séries a pour principe de défier le cynisme ou la zone grise dont tant de productions américaines ont fait leur fond. Leur commun motif fondamental, l’engagement, n’est jamais que la déclinaison existentielle de cette croyance voulant que, même là où règne la force (credo de toute série, parce que le format appelle des récits en forme d’échiquier des factions), tout n’est pas que calcul d’intérêts. Un autre trait attestant de cette spécificité serait le sort qu’elles réservent à la violence, c’est-à-dire en somme la façon dont elles l’exorcisent. Si toutes les séries américaines ne sont pas Game of Thrones, beaucoup ont l’hécatombe facile. Baron noir commence par un suicide mais par la suite évitera tout décès, à l’exception des trois futurs terroristes exécutés préventivement par la DGSI. Le Bureau des légendes écarte encore plus des tueries auxquelles son champ narratif se prête pourtant bien. Ces esquives procèdent bien sûr d’un vœu réaliste, puisque, après tout, de telles morts ne sont pas si fréquentes. Mais elles peuvent être aussi bien motivées par une croyance en la vertu de négociations adoucissant le conflit des intérêts – chose étrangère à House of Cards comme aux Sopranos. Hantée par une violence supposément sortie d’un rêve d’horizontalité, la troisième saison de Baron noir leur oppose des institutions vues comme conversationnelles, qui permettraient de pacifier les rapports sans apaiser les conflits : contre le Black Bloc ou les partisans du tirage au sort, mêmement égarés par leur désir d’immédiation, la série oppose la raison constitutionnelle et l’électoralisme comme guerre sans morts. La morale des agents du Bureau n’est pas si lointaine. Elle est résumée par les sorts des agents démasqués, qui sont au pire échangés, au mieux laissés en place pour être mieux bernés. Le renseignement y apparaît comme un milieu où ne règne de violence que feutrée, et où tout est fait pour épargner le sang (peut-être est-ce l’une des raisons qui ont poussé la série à passer de Syrie en Russie, des décapitations au hacking). L’idéalisme innervant ces séries ne revient donc ni à une ingénuité à la Capra, qui rédimerait le monde par l’innocence des bonnes âmes, ni à une consolation défendant une morale de justes forcément déçus, mais sûrs d’avoir été bons face au mal. C’est là sa nouveauté : il s’accomode de l’ambivalence, et ne croit guère aux utopies. Idéalisme sublunaire, pour lequel la foi n’est pas le feu des illuminés mais une friction parmi d’autres, à même de déplacer, sinon les montagnes, du moins les plaies. En cela se résume peut-être l’écart entre ces séries françaises et leurs parentes américaines, qui n’ont souvent de morale que tribale. Elles concèdent que tout n’est que rapport de force, mais croient que les énergies ne se superposent pas toujours aux intérêts. Et peut-être est-ce un sceau français que cette marque du possible.