Cédric Villain

Animateur "historique"

par ,
le 17 juin 2012

« Sinistré patronymique », selon sa propre expression, Cédric Villain est réalisateur de films d’animation et enseignant à l’Ecole Supérieure d’Arts Appliqués et du Textile de Roubaix (ESAAT) dans les sections de l’édition, du multimedia et du film d’animation. A partir de 1998, ses cours de dessin animé le conduisent à expérimenter la pratique de cet art qui commence à acquérir ses lettres de noblesse. Caractérisés par un dessin très pictographique, des fonds colorés, des commentaires savoureux et souvent érudits, les films de Cédric Villain jettent sur le monde un regard amusé, distancié mais bienveillant. Son style original méritait le détour d’un entretien, qu’il a bien voulu nous accorder au retour du festival d’animation d’Annecy.

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Débordements : Quel est ton parcours professionnel ? Et, plus particulièrement, comment es-tu passé de l’enseignement à la création ?

Cédric Villain : J’ai commencé l’enseignement en 1995. J’avais fait des études d’art en BTS communication visuelle, puis une licence et une maîtrise d’arts appliqués. Avec ce genre d’études, on se destine plutôt à l’art. Mais j’ai fait pas mal de stages en agences de pub et je dois dire que j’ai été assez dégoûté par un milieu terriblement…sordide…Comme j’avais le souvenir d’une ancienne prof d’art dont je trouvais le métier assez réjouissant car, me semblait-il, assez libre, je me suis dit que j’aimerais bien faire la même chose. En fait, j’étais parti pour faire de la bande dessinée parce que c’est ça qui m’intéresse : j’ai toujours été un fan de bande dessinée. Mais je me suis rendu compte assez rapidement, quand j’ai commencé ma carrière d’enseignant, que je n’avais pas de plaisir à dessiner. En fait, je trouve cela plutôt contraignant… je ne vais pas dire douloureux, mais presque. Je n’étais jamais satisfait de ce que je faisais. Et puis j’ai commencé à faire des petits films pour parfaire mon enseignement : j’ai commencé à intervenir dans le DMA (diplôme de métier d’art) option cinéma d’animation créé en 1996. Mon premier objectif était donc de me former, de faire des petites bricoles parce que technologiquement, cela m’intéressait.

D : L’enseignement, c’est seulement alimentaire ou complémentaire de la réalisation ?

CV : Non, quand on me demande ce que je fais, je dis que je suis d’abord enseignant. C’est presque le seul métier possible, avec une éthique, et un véritable objectif qui ne soit pas mercantile.

D : A quel moment es-tu passé des pochades comme Mange des tomates mon amour (2005), qui est très drôle mais ne porte pas tellement à conséquence, à des films plus profonds comme Le Trésor de Thérèse (2009) ?

CV : Le Trésor de Thérèse est le “Défi des Fous”[11] [11] “Défidéfous c’est le nom qu’on a donné à de petits concours organisés par les administrateurs du site Fousdanim.org. En général on y donne une petite bande son et/ou un thème à illustrer en animation avec un délai qui varie mais qui dure de quelques semaines à quelques mois. Le but étant de pratiquer de modestes exercices d’animation dans un objectif simple d’autoformation et de convivialité confraternelle. On y accepte toutes les techniques d’animation et tous les niveaux, des débutants aux professionnels.” Descriptif repris du site consacré à l’animation Fous d’anim, que Cédric Villain a contribué à créer. n°13, d’où le titre qui reprend le nombre treize par assonance. Je m’étais dit que je participerai à chaque “Défi des Fous” pour donner l’émulation au groupe. C’était intéressant car il fallait, comme toujours en arts appliqués, répondre à une commande. Quand on se dit : « Ah ! je vais faire un film, je suis libre », on ne sait pas quoi faire. Là au moins, il y a un thème, que j’ai toujours bien aimé…c’est d’ailleurs moi qui les choisis ! Comment je suis passé de l’un à l’autre, je ne saurais pas te dire. Au bout d’un moment, quand on fait des petites pochades, on a envie de quelque chose de plus structuré, de plus sérieux. Et puis c’était la première fois que je faisais appel à un musicien : j’ai demandé à Peter Orins, un copain dont j’aimais bien le travail. Et c’est vrai que la musique a donné ce côté contemporain, « professionnel » au film, qui sans cela serait resté une pochade comme les autres.

D : Le son est vraiment important dans tes films. Comment choisis-tu les musiques et les voix, qui donnent un coloration très particulière à chaque film ?

CV : Tout cela se fait de manière empirique. Il y a toujours eu ma voix, parce que c’est la seule que j’avais sous la main et je ne voulais pas embêter tout le monde.

D : Parfois on ne la reconnaît pas…

CV : Oui, je fais des petits effets dessus… Et puis, je me suis dit que ce ne serait pas mal de faire appel à quelqu’un qui a une diction un peu différente, d’autant que c’est pénible de travailler sur sa propre voix : ce n’est pas agréable de s’entendre. Quant à la musique, c’est ma plus grande découverte dans le travail de réalisation : je voulais faire mes trucs tout seul dans mon coin, en maîtrisant tout, parce que je craignais d’ennuyer tout le monde. Mais je me suis rendu compte qu’avec un musicien, il peut y avoir un véritable travail de collaboration et un enrichissement extraordinaire. Par contre, il faut faire attention avec qui tu bosses.

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D : Ce qui caractérise aussi tes films, du point de vue plastique, ce sont les fonds. Il y a toujours des fonds très colorés, sauf dans la série The Scientist (2000) qui est sur fond blanc. Par exemple pour Le Coût de la Colonne (2011), c’est rose, pour Portraits ratés à Sainte Hélène (2007-2008) c’est bleu, un bleu que tu réutilises dans un autre film, d’ailleurs.

CV : Oui, il y a une dimension décorative. Il y a aussi le côté patriotique du bleu, et populaire puisque c’est la couleur préférée des Occidentaux. Cela me paraissait très consensuel… Le rose était une référence à la dimension érotique de la colonne. Il y a aussi le désir de faire une série. J’ai eu, par exemple, le projet d’un épisode de Karambolage (sur Arte) à propos de l’obélisque de la Concorde sur fond jaune-orange, pour le côté sable. J’ai peiné car la productrice n’était au début jamais d’accord avec ce que je proposais. Il y a donc le bleu de Napoléon, le rose de Courbet, et un jaune qui sera diffusé je ne sais quand.

D : A partir de quand as-tu eu des commandes publiques ?

CV : Je tique un peu sur cette expression de « commande publique »…

D : C’est Arte qui est commanditaire, non ?

CV : Oui, effectivement, il faut que je me recentre sur cette dimension… j’ai été contacté par Maia Rettig qui avait cherché à me joindre après avoir vu Portraits ratés à Sainte-Hélène et Mon Chinois (2008). Arte m’avait envoyé un premier message, mais j’avais un peu raté le coche parce que j’étais encore, comme toujours, réticent… une espèce de fausse modestie débile. Et il y avait aussi un problème légal : je ne savais pas comment on pouvait gagner de l’argent en ayant déjà un travail à côté. Cela me posait des problèmes éthiques : je me disais « déjà, je gagne de l’argent dans l’Education Nationale et en plus, je vais gagner des sous à côté…». Finalement je me suis fait enregistrer à la Chambre de Commerce, et j’ai fait un premier travail de commande pour un musée. Puis, j’ai repris contact avec Arte. La productrice, Claire Doutriaux, m’a envoyé deux ou trois textes en me demandant d’en choisir un, j’ai fait des petites notes d’intention et on a commencé là-dessus. Depuis, j’ai fait cinq sujets de Karambolage.

D : Tu fais essentiellement des films didactiques. Tu préfères cela à des fictions ?

CV : Oui, parce que je pense que je suis prof dans l’âme et que j’ai une culture générale très imparfaite : j’aime donc bien apprendre des choses et les partager. Pour le film sur Napoléon, je suis tombé sur l’anecdote des masques mortuaires. J’ai trouvé cela tellement cocasse et sordide que j’avais envie de le raconter, même si l’histoire est de notoriété publique. Le Coût de la Colonne trouve son origine dans une lecture que j’avais faite sur Gustave Courbet, qui avait été obligé de payer pour la reconstruction de la colonne Vendôme. J’ai donc cette fibre didactique. Et puis, finalement, faire une fiction c’est plus compliqué.

D : Il y a, dans tes films, derrière une apparente objectivité, un parti pris par rapport au sujet. Par exemple, dans Portraits ratés à Sainte Hélène, il y a abondance de chiffres, de statistiques, de schémas, et en même temps un jugement. C’est peut-être une manière de considérer l’histoire ?

CV : Oui, je me suis rendu compte que l’histoire n’était pas une science facile.

D : Tout semble objectif, tu nous renvoies aux sites et ouvrages consultés et en même temps, il y a une forme de dérision.

CV : Oui, je pense que tout est foncièrement ironique, tout est risible, même les personnages considérés comme des références de la culture française comme Napoléon. Là, je suis en train de travailler sur la guerre d’Algérie, c’est absolument affligeant : il y a de grands colonels qui sont devenus maréchaux : les Pélissier, etc…, qui ont fait des actes abjects quand ils étaient en service mais qui ont toujours été considérés d’un bon œil par la hiérarchie française. Je crois que l’objectivité, ou la neutralité, est quelque chose que je vise tout en soulignant ironiquement les travers, le fait que les choses peuvent être interprétées différemment selon l’angle selon lequel on se place. Il y avait une anecdote sur laquelle j’ai été ennuyé d’être repris. Dans Portraits ratés à Sainte-Hélène, j’avais dit qu’un ulcère à l’estomac était à l’origine du geste de Napoléon. Sur un forum, on m’a dit que c’était faux car à l’époque les pantalons n’avaient pas de poches, il était donc très courant de mettre ses mains dans les entrebâillements de vêtements. J’ai ainsi fait une seconde version en disant qu’on attribue ce geste au fait qu’il avait mal à l’estomac. Mais j’avais fait une première version en disant qu’il posait sa main sur l’estomac parce qu’il avait mal. J’étais pris en défaut là-dessus, et j’étais vexé ! Je préfère que le film ne soit pas sujet à caution. Tu as vu le nombre de commentaires à propos de Mon Chinois sur YouTube : il y a des pages entières de gens qui n’ont pas saisi l’ironie et qui disent « mais ce n’est pas vrai ce que vous dites ». C’est ahurissant !

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D : Pourtant il y a, dans ce film, toute une mise à distance par la représentation de l’écran de projection, des photos de vacances, de clichés ?

CV : Le problème est que les gens le prennent au premier degré. Il y a beaucoup de gens qui ne sont pas appareillés pour comprendre la dimension ironique. Je suis entré en grande discussion avec des spectateurs à cause des commentaires disant « mais non ce n’est pas possible, vous ne pouvez pas dire cela parce que ceci et cela » ! Certains me disent « mais non tous les Chinois ne mangent pas du chien ». Je m’en fous, ce n’est pas l’objet du film !

D : Oui, parce que l’objet du film est de parler du cliché.

CV : Oui, je veux parler du cliché, de l’éducation occidentale qui m’a donné une image complètement stéréotypée d’un peuple que je ne connais pas, qui est à l’autre bout du monde, que je pourrais avoir envie de connaître.

D : Tu termines quand même sur deux choses importantes, à savoir l’assassinat d’étudiants par les dirigeants chinois lors de manifestations, et l’exploitation des enfants qui fabriquent des chaussures pour tes propres enfants.

CV : Oui, mais ce sont aussi des clichés.

D : Dans un autre film, tu soulignes la bienveillance de la France vis-à-vis des dictateurs, ou le mépris du propos de Nicolas Sarkozy sur les Africains qui ne sont pas suffisamment « entrés dans l’Histoire ».… donc derrière l’humour, il y a une forme de critique, d’engagement.

CV : C’est un engagement facile, très superficiel. Je ne risque pas d’avoir un attentat chez moi en disant des choses qui sont des banalités. Donc c‘est bien confortable, je ne vais pas me faire le parangon de ce que je ne suis absolument pas.

D : En regardant l’ensemble de tes films, on a l’impression que ton esthétique est celle du paradoxe : chaque fois, tu lies deux choses très différentes, tu soulignes le rapprochement comique que l’on peut faire. Par exemple, tu soulignes le fait que la surface de Sainte-Hélène est égale à celle de Disneyworld : tu rapproches deux domaines et deux époques radicalement différents et totalement antinomiques.

CV : “Napoléon”, je l’avais dit à Serge Bromberg à Annecy, c’est un film qui était typique d’Internet. Il est tiré d’une recherche sur Internet. Et cette anecdote des 122 km2 est simplement le résultat d’une recherche Google : j’ai tapé « 122 km2 » ! Je l’ai cité car le rapprochement me paraît cocasse.

D : Il y a aussi paradoxe lorsque tu te moques des clichés, et que toi-même tu schématises les personnages et réutilises donc des clichés.

CV : C’est le travail de la communication visuelle : il faut schématiser pour que les gens se fassent une image mentale. C’est la dimension « communication ». C’est objectif.

D : C’est un style très repérable dans ton travail.

CV : Certainement parce que je ne sais par faire autre chose ! Moi, je fais des choses très simples. Déjà parce que j’aime ce qui est synthétique, cela correspond aux références que j’ai. En règle générale, les dessinateurs virtuoses m’ennuient. Toutes les références avec lesquelles mes étudiants arrivent, des petites étoiles dans les yeux : les Claire Wendling, les Guarnido, etc., ça m’ennuie royalement. Je préfère Lewis Trondheim avec ses petits bonshommes bâtons qui racontent des trucs rigolos, à des gens qui font des super beaux dessins et qui ne savent pas quoi dire. Dans le cinéma d’animation, j’aime beaucoup Mark Baker, un Anglais qui a fait The Hill Farm, The Village, et une série, The Big Knights. Il a un humour !… Il a fait aussi Jolly Roger, avec des pirates. Je suis très amateur de ça.

D : Pourquoi ?

CV : Parce que c’est un film d’animation qui revient à la structure même de la narration : il n’y a quasiment pas de décor, les personnages sont très stylisés, les situations jouent souvent sur des raccourcis visuels ou narratifs et pourtant, il y tout de même une ironie qui me paraît assez réjouissante.

D : Ce que j’ai beaucoup aimé dans Le Coût de la Colonne, c’est la représentation des tableaux de Courbet. On les reconnaît, mais le fait de représenter le sujet en formes géométriques évacue tout le style et la picturalité de l’œuvre. Et L’Origine du Monde perd tout son contenu sulfureux par la schématisation en deux triangles !

CV : Oui, mais j’ai fait en sorte qu’on les reconnaisse quand même !

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D : On les reconnaît très bien, L’origine du Monde et L’Enterrement à Ornan, mais c’est très drôle de les voir comme ça !

CV : Oui, mais il faut les connaître pour les reconnaître. Pour la petite histoire, pour la diffusion sur Arte, on les a remplacés par des vrais tableaux. Le gros souci de la productrice et son obsession, c’est de rendre les choses explicites. Car même sur Arte, me disait-elle, les gens n’ont pas une culture suffisante. Par exemple dans ce film, je parle d’Adolphe Thiers et de Mac Mahon, mais il paraît que ce sont des gens obscurs. On les a donc enlevés.

D : D’où l’intérêt d’Internet, car on peut trouver un public.

CV : On ne peut pas dire qu’on trouve un public. Le Coût de la Colonne a été vu dix mille fois, peut-être. Si je fais une projection à Annecy, je touche déjà plus de monde.

D : Tu avais eu un prix à Annecy. C’était en quelle année ? Peux-tu nous raconter comment cela s’est passé ?

CV : C’était en 1997, pour Portraits ratés à Saine-Hélène. C’est une espèce de concours de circonstance. Le film a été proposé dans mon dos par un groupe de collègues et d’anciens élèves, jusqu’au jour où j’ai dû signer un papier. J’ai trouvé cela rigolo et j’ai signé. Mais c’est vrai que ça ne m’était pas venu à l’esprit de le présenter. Le festival l’a sélectionné et l’a même primé. Or, la sélection était très polémique à l’époque car ils n’avaient choisi que quatre programmes au lieu de cinq. Nombre de films n’avaient pas été sélectionnés alors que beaucoup les considéraient comme très intéressants. Grosso modo, on pourrait dire que la concurrence était légère. Et puis j’ai eu le prix de la première œuvre… je crois que j’ai bénéficié d’un contexte favorable, d’une sélection favorable et de la nouveauté, car le film dénotait un peu du reste.

D : Totalement, effectivement.

CV : Il était pictographique, très simple, il y avait comme cela cette narration très claire

D : Dans tes films, il n’y a pour toute voix que celle du narrateur : est-ce par économie ou par choix ?

CV : Oui, on aurait pu imaginer pour Le Trésor de Thérèse qu’il y ait une petite fille mais je trouvais que la narration en externe était plus drôle, et surtout c’est une espèce de narration susurrée, presque chuchotée..Sinon, c’est plus un souci d’économie qu’autre chose. Mais d’un autre côté, je me vois mal faire une super production avec une direction d’acteurs, etc.

D : Sans que ce soit une super production… tu n’as jamais pensé faire jouer ?

CV : Je pense que j’y viendrais peut-être. En l’ayant fait un peu sur un précédent film, j’ai constaté que c‘était très réjouissant de travailler avec des gens qu’on aime bien ou dont on apprécie le travail. Et surtout, quand on maîtrise tout, on est assez peu surpris par son propre travail. Alors qu’avec des gens extérieurs, il y a des choses qui arrivent, des accidents qui sont intéressants à exploiter.

D : Par exemple ?

CV : Des préoccupations, des manières de voir différentes Même les musiciens, parfois, peuvent amener quelque chose à quoi tu n’aurais pas pensé. Tu leur dis : « je voudrais du tambour ici », et en fait ils proposent autre chose et tu te dis : « ah oui, ça marche bien ». Tu t’adaptes.

D : Combien de temps cela te prend-t-il prend pour faire un film d’animation ?

CV : C’est une question que pourrait poser mon père : « Et ça t’a pris combien de temps ? ». Je ne saurais pas te dire, compte tenu que j’ai un travail à côté. Il y a aussi les recherches… Les recherches graphiques me prennent très peu de temps, mais les recherches historiques sont assez longues. Pour Le Coût de la Colonne, j’étais allé à Paris, aux archives nationales, aux Monuments Historiques pour voir un peu les dossiers. Mais la réalisation m’a pris aussi pas mal de temps : j’avais dû commencer en décembre et finir en mai, donc quatre ou cinq mois pour finir le film.

D : Et ton prochain film ?

CV : Je ne saurais pas te dire parce qu’il y a cette série qu’il faut que j’essaie de finaliser : celle sur les horreurs de l’humanité. Ce serait dans la veine de mes films pictographiques, comme Le Coût de la Colonne, en épisodes de deux minutes. Cinquante-deux épisodes de deux minutes. Ce n’est pas une commande, c’est moi qui propose. Avec quelque chose de spécial sur la Shoah, car c’est un événement à part. La Seconde Guerre Mondiale mérite une « mention particulière ». J’ai eu une aide à l’écriture pour ce film de la part du CNC dans la catégorie Nouveaux Médias, donc on est plutôt sur des choses hybrides comme Internet. Ce n’est pas a priori un sujet qui pourrait être diffusé en broadcast sur des chaînes hertziennes. C’est trop trash, trop difficile à voir pour le tout-venant.

D : Surtout qu’il y aura le ton distancié par rapport à l’événement qui n’est pas forcément perceptible par tous.

CV : Oui, on ne peut pas commencer en disant « attention, ces films sont ironiques, ne le prenez pas au premier degré ». Au sujet de Maus d’Art Spiegelman, il y a une anecdote que je trouve assez drôle. Dans certains pays, comme la Pologne, il est interdit, hormis pour les documents historiques, de reproduire une croix gammée. Comme sur la couverture de son livre Maus, il y avait une croix gammée, Spiegelman avait été obligé de demander des autorisations spéciales en se targuant du fait que c’était un document historique. Il a ensuite découvert dans un documentaire sur des néo-nazis qu’il y avait dans la chambre de l’un d’entre eux la couverture de Maus. C’était la seule croix gammée qu’il avait pu trouver ! Pour l’épisode sur la Shoah, effectivement, je me dis « comment cela pourra être interprété ? Et j’ai un autre projet : un film sans histoire. Ce sera un film sur un chasseur, avec des gags visuels. Mais c’est très tendance, la chasse en ce moment, j’ai l’impression…[22] [22] L’oeuvre de Cédric Villain est visible sur son site. Un reportage de l’émission Court-Circuit lui a été consacré en 2010.

Entretien réalisé par Anne-Lise Baider, le 11 juin 2012.