Cinéma du réel, 2022 (Entretiens)

Autour de la Compétition française

Trois cinéastes de la compétition française ont accepté de revenir sur les films qu’ils ont présenté au festival Cinéma du Réel pour Débordements. Premier film ou non, film essai, documentaire fictionnant ou fiction documentaire, les films d’Érik Bullot, Noah Teichner et Rayane Mcirdi ont en commun d’avoir accroché notre regard au point de vouloir en savoir plus sur Langue des oiseaux, Navigators et Le Croissant de feu.

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Entretien avec Érik Bullot

Débordements : Paradoxalement peut-être, Langue des oiseaux accorde une attention particulière à la langue des scientifiques, qui sont sommés d’expliquer, et parfois de performer, l’objet de leur recherche. Quelles sont les modalités de la mise en scène et du montage de cette parole, et comment pensez-vous l’articulation de l’écoute « naïve » des oiseaux à celles des savants ?

Érik Bullot : Chacun est tenu, en effet, de performer son objet, qu’il s’agisse de l’ornithologue à l’écoute de son enregistrement (ralentir le chant du bruant jaune) ou du hautboïste (interpréter le chant du merle noir d’après une partition). Les documents doivent être performés. Il faut les faire parler en les considérant comme une feuille de route ou un programme d’actions qui permet de produire un nouveau contexte d’énonciation. Je reprends ici la définition donnée par Franck Leibovici d’un « document poétique ». Une transcription ornithologique est envisagée comme une partition graphique, par exemple. Je dirais, de façon plus générale, que le film tente de troubler le statut des discours. Si les tentatives d’imitation ou de traduction du chant des oiseaux peuvent sembler naïves ou drolatiques, voire burlesques, le discours scientifique n’est pas pour autant totalement légitimé, même s’il peut sembler plus assertif. Il donne lieu à des trompe-l’œil. La rencontre avec l’ornithologue hongrois Peter Szöke, par exemple, est une mise en scène ironique (le savant est interprété par l’artiste Ferenc Gróf), qui peut inviter le spectateur à douter, non seulement de la scientificité de l’expérience (ralentir l’enregistrement nous donne-t-il vraiment accès à la vitesse de perception du bruant jaune ?) mais également du dispositif d’ensemble du film. J’aime assez cette confusion entre les savoirs, ce mélange des genres (le film rend aussi hommage à Friedrich Jürgenson, spécialiste du phénomène des voix électroniques), cette convocation de sciences parallèles ou approximatives. Je rappelle que l’expression « langue des oiseaux » peut aussi signifier, au-delà de l’observation de leurs chants, un langage ésotérique basé sur l’homophonie, souvent évoqué dans les textes alchimiques. Le savoir est un nuancier.

D : La rencontre à l’issue de la projection du film vous a permis de replacer le projet du film au sein d’une inspiration poétique plus vaste, exemplifiée par l’entreprise scientifico-poétique de l’auteur, en 1808, du Dictionnaire raisonné des onomatopées françaises, Charles Nodier. Si l’on cherche à la caractériser, la poétique qui est celle du film semble marquer autant sa filiation avec l’ambition des Classiques (la lutte du signe contre le chaos du monde) que de celle, plus expérimentale, de la poésie contemporaine, volontiers instrumentée (ici par des machines médiatiques) et structurelle. Comment cette inspiration a-t-elle présidé au choix de l’objet du film et à l’organisation de son traitement ?

É. B. : C’est évidemment l’arbitraire du signe qui est la grande affaire ! Dans son Dictionnaire des onomatopées, Nodier tente d’établir l’origine imitative du langage. Ce débat affleure en filigrane dans le film. Le chant des oiseaux obéit-il à une seule fonction biologique (appel de la partenaire, délimitation d’un territoire) ou exprime-t-il une sensibilité musicale ? Quelle est la place de l’imitation dans l’invention d’un langue ? Pour croiser, si je reprends votre distinction, une inspiration classique à une démarche plus expérimentale ou moderne, j’ai opéré des séries de remédiations. Nous n’avons pas accès, je crois, à la langue des oiseaux sans un tiers ou une médiation technique. La traduction est originelle. L’exemple le plus frappant est la séquence inspirée du Canto 75 d’Ezra Pound qui rend hommage au Chant des oiseaux de Clément Janequin, cette pièce vocale du seizième siècle qui abonde en onomatopées. Dans le poème de Pound on trouve une transposition pour violon du Chant des oiseaux due à Gerhart Münch, elle-même basée sur la version pour luth de Francesco Da Milano. En donnant à entendre ces différents arrangements, pour violon et luth, on procède non seulement à des séries de traductions successives, mais on voyage aussi dans le temps en reliant la modernité de Pound à la tradition poétique renaissante. On peut aussi entendre dans le film d’autres échos de la pièce de Janequin dans une version électro-acoustique d’Abril Padilla. C’est dire le passage constant entre des univers de référence éloignés. Mais il suffit de lire une transcription d’onomatopées du chant du rossignol chez Nodier pour lire un poème dadaïste ou futuriste. Ce passage entre la science et la poésie me passionne. C’est aussi la raison pour laquelle le film est construit selon deux axes : un chapitrage thématique, d’inspiration scientifique, autour de quatre sujets (traduction, observation, communication, empathie), et un fil rouge, plus mélodique, qui passe d’un chapitre à l’autre par des effets de rime interne, comme un leitmotiv (le Chant des oiseaux en est l’un des fils mélodiques, mais aussi le nuancier ou la partition).

D : Si l’histoire de notre rapport à la langue des oiseaux est au moins en partie liée à une recherche de la traduction et de la compréhension interspécifique, le film montre bien l’échec de cette utopie, a fortiori en plaçant chronologiquement la recherche menée dans le film au-delà même de la sixième extinction annoncée pour notre futur par les scientifiques. Comment le film – et votre recherche en général – cherche-t-il à penser l’homologie entre la disparition accélérée des espèces et celle, moins médiatisée encore, des langues éloignées du « système global des langues », comme le nomme Abram de Swann dans Words of the World ?

É. B. : C’est une question passionnante. L’une des séquences finales du film utilise le chant, quasi mythique, du dernier Moho de Kauai, originaire de Hawaï, qui n’a plus été observé depuis 1987. C’est un enregistrement qui circule beaucoup sur Internet. L’oiseau appelle en vain sa partenaire, d’où le caractère déchirant d’un message solitaire et d’une sorte de lamentation éperdue. Il y a toujours le vertige du dernier ou de la dernière représentant·e de son espèce. Dans le duo final, composé par Arnaud Deshayes, chanté par Donatienne Michel-Dansac et Marion Tassou, inspiré lointainement une fois encore du Chant des oiseaux, le texte cite les noms d’espèces d’oiseaux disparues comme une langue morte. Les noms des espèces sont d’ailleurs donnés dans leur version latine. C’est évidemment une question présente dans le film, la disparition des oiseaux et celle des langues, qui renvoie aussi, paradoxalement, à celle de l’origine. On se souvient que Rousseau fait des passions l’origine du langage, attribuant aux premiers langages une fonction poétique et musicale. C’est ce mythe qui fait retour désormais, de façon mélancolique, dans l’hypothèse d’une fonction musicale attribuée au chant des oiseaux. J’ai toujours été sensible à la disparition des langues, aux changements autoritaires d’alphabet qui effacent la mémoire, aux troubles de l’aphasie. Mais c’est aussi la langue du cinéma lui-même qui est inquiétée dans le film par la présence anachronique du magnétophone (le mythique Nagra 3) et de nombreuses machines optiques (jumelles, loupe, tables lumineuses, écran de projection). Le film est partagé entre l’entrée des machines (l’ornithologie est un chapitre de l’archéologie des médias) et le lyrisme (l’expression de notre empathie). C’est peut-être là aussi que se situe la césure que vous évoquez entre l’expérimentation et le classicisme.

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Entretien avec Noah Teichner

Débordements : Le contexte de la première Red Scare (1917-1920) est bien moins connu que la période du maccarthysme (1950-1954), dont les rapports avec l’industrie du cinéma sont plus directs (censure des films, chasse aux sorcières des cinéastes immigré·es ou sympathisant·es communistes…). S’agit-il d’un moment familier pour les étudiant·es en cinéma états-unien·nes ou bien a-t-il émergé au cours de vos recherches de thèse ? Pourquoi souhaitez-vous en réactiver la mémoire aujourd’hui ?

Noah Teichner : Les liens entre la première Red Scare et l’industrie du cinéma aux États-Unis se voient surtout dans le contenu des films. On trouve un certain nombre de films anti-« rouges » à cette époque, dont les deux exemples existants les plus frappants sont sans doute Bolshevism on Trial (1919) et Dangerous Hours (1920)[11] [11] La filmographie de Michael Slade Shull, qui recense l’ensemble des films muets américains, existants ou non, traitant de la gauche radicale, m’a été une ressource précieuse lors de mes recherches pour Navigators. Michael Slade Shull, Radicalism in American Silent Films, 1909-1929: A Filmography and History, Jefferson/London, McFarland, 2011. . Quelques courts métrages burlesques font également référence au contexte de la Red Scare, comme The Janitor (1919) avec Hank Mann ou A Sammy in Siberia (1919) avec Harold Lloyd, deux films dont des images sont retravaillées dans Navigators.

Comme la plus grande partie de ces films joue un rôle secondaire dans l’historiographie du cinéma muet américain, ça m’étonnerait que la première Red Scare soit une période bien connue des étudiant·es en cinéma aux États-Unis. Mais je ne saurais pas le dire avec certitude car j’ai fait toutes mes études de cinéma en France !

Mon intérêt pour la première Red Scare ne vient pas de mes recherches en histoire du cinéma mais d’un intérêt plus large pour l’histoire de la gauche radicale aux États-Unis, et plus particulièrement pour le mouvement anarchiste et le rôle central que les personnes immigrées y ont joué[22] [22] Voir, à ce sujet, le fascinant livre de Kenyon Zimmer, Immigrants Against the State: Yiddish and Italian Anarchism in America, Urbana, University of Illinois Press, 2015. . Cette histoire reste peu connue, que ce soit aux États-Unis ou en France, et j’avais envie de mettre en valeur les expériences et les aspirations des militant·es de cette époque. Il me semble également qu’il y un renouveau d’intérêt pour les idées radicales et anticapitalistes aux États-Unis, en particulier parmi les jeunes générations, ce qui – je l’espère – peut donner une certaine actualité à un telle mise en perspective historique.

D. : Par ses nombreuses notes de bas de page et sa typographie soignée, du fait de la césure centrale du splitscreen et plus nettement encore de la présence des plans introductifs et conclusifs sur les première et quatrième de couverture du livre de Berkman The Bolshevik Myth, le dispositif formel de Navigators identifie régulièrement l’écran de cinéma à l’espace du livre. Pourtant le film cherche aussi à jouer des registres burlesques typiquement associés aux médias audiovisuels, comme la chanson comique ou les gags des films de Buster Keaton. Quelles forces le film tire-t-il de cette structure intermédiatique ?

N. T. : Très tôt dans la préparation du film, je savais que Navigators serait un « film à lire », comme j’aimais à le dire de manière un peu simplificatrice. Mais mon intention n’était jamais de chercher une radicalité formelle à tout prix. Mon inspiration venait plus des intertitres du cinéma muet et des inserts de livres et d’autres documents imprimés qui surgissaient dans des films narratifs ou documentaires que les vrais « films à lire » qu’ont pu faire des cinéastes comme Michael Snow ou Hollis Frampton. Au-delà de l’incroyable plasticité qu’ils offrent au récit, ce qui me fascine dans les intertitres du cinéma muet est, d’un côté, le caractère graphique de ces textes qui deviennent une véritable matière vivante grâce aux micro-variations venant aussi bien leur impression sur la pellicule que de leur projection à l’écran ; et de l’autre, la manière dont l’expérience de la lecture dans la salle de cinéma invite le spectateur ou la spectatrice à se projeter dans le film grâce à sa « voix intérieure ». C’est pour cette raison que qu’il m’était impossible d’attribuer des voix parlées aux récits à la première personne d’Alexander Berkman et d’Emma Goldman. Cela peut paraître paradoxal, mais une voix-off aurait fonctionné pour moi comme un moyen de distanciation vis-à-vis de mes protagonistes. L’usage du texte, que ce soit les intertitres, les notes ou les extraits de livres et d’autres documents, fonctionne en ce sens comme une manière d’inviter les spectateur·trices à participer au film.

En ce qui concerne la présence d’autres médias audiovisuels, il faut dire que la notion d’intermédialité occupe une place centrale dans la thèse que j’ai rédigée parallèlement à la réalisation de Navigators, thèse qui n’a pas de lien direct avec le film, malgré quelques résonances au niveau de la périodisation et du corpus. Si je n’ai pas explicitement abordé le travail sur le film avec ce cadre théorique en tête, mon goût pour l’intermédialité des arts et des divertissements populaires aux États-Unis au début du 20ème siècle – et pour les effets que celle-ci génère au sein des œuvres – m’a sans doute inspiré en réalisant le film.

D. : En dépit des jeux de correspondances formelles mis en œuvre par le montage (où le roulis de La Croisière du Navigator filmé en 1924 sert de métaphore à la tempête décrite par le journal de Berkman en 1920), le matériau historique, tragique, et le comique corporel de Keaton demeurent largement hétérogènes. Quel sens peut-on donner à une telle mise en tension des archives, maintenue tout au long du film ?

N. T. : La coïncidence historique au centre du film est à la fois complètement invraisemblable et étrangement logique au vu d’un certain trope poético-critique qui promeut le burlesque comme un cinéma « anarchiste » ou « antiautoritaire ». Sans avoir d’idée précise de ce qui allait en naître, j’avais envie d’expérimenter cette rencontre fortuite entre un exil politique et un film comique grâce aux moyens techniques du laboratoire L’Abominable et au dispositif formel que j’ai peu à peu mis en place. Cela s’explique peut-être la relation quelque peu flottante entre les matériaux et les registres du film, qui peut varier d’une séquence à l’autre. Sans la « justification » historique du bateau qui me donnait une certaine liberté, je n’aurais jamais osé retravailler un film de Keaton de cette manière (surtout dans un premier film), ni traiter d’une expulsion avec des moments d’humour. De ce point de vue, c’était fascinant de découvrir les réactions des spectateur·trices pendant la première au Réel et d’entendre les rires éparpillés dans la salle !

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Entretien avec Rayane Mcirdi

Débordements : Quel sens donnez-vous au titre de votre film, Le Croissant de feu (le plus énigmatique de la trilogie) ? Il s’agit d’un titre révolutionnaire, inspiré du parcours de Malcolm X comme vous le racontez ici, pourtant la révolte n’advient pas dans le film. Faut-il comprendre le film comme l’histoire d’un soulèvement un germe, ou au contraire d’un soulèvement empêché ?

Rayane Mcridi : C’est un film qui est né d’inspirations révolutionnaires. J’ai énormément étudié des théoricien·ne·s afro-américain·e·s comme James Baldwin, Angela Davis et Malcolm X qui nous ont accompagnés pendant toute l’écriture du film. Ce film est né de ces idées révolutionnaires qui se sont mélangées avec mon histoire de famille, liée à la guerre d’indépendance de l’Algérie. Le quartier des Mourinoux, à Asnières-sur-Seine (où est tourné le film) représentait l’espoir d’une vie meilleure pour mes grands-parents lorsqu’ils sont arrivés en France. Espoir qui s’est amenuisé au fil des générations. Le Croissant de Feu c’est plutôt une réflexion sur cet espoir que sur un soulèvement. Depuis le début de la gentrification de ce quartier, les habitants n’ont plus l’impression de faire partie de cet espace qui, à la base, leur était destiné. Pourtant ils y restent, tant bien que mal, par amour pour ce quartier. C’est pour moi là déjà une forme de révolte. Malgré toutes les transformations que subit ce quartier, le quartier des Mourinoux continuera de leur appartenir.

D : Pourquoi avoir choisi d’incarner l’espace que vous filmez par un personnage, Samir ? Faut-il voir ce personnage comme l’allégorie du quartier ou plutôt de la génération qui succède à celle du joueur de poker plus âgé qui évoque ses souvenirs auprès du groupe des trentenaires ?

R. M. : J’ai choisi tout d’abord Samir pour des raisons d’affinité, ce n’est pas la première fois qu’il joue dans un de mes films. J’adore travailler avec lui, pour sa sensibilité et pour sa clairvoyance. Lors de la phase d’écriture du film que nous avons faite ensemble, il n’hésitait pas à recadrer le récit s’il voyait trop d’éléments qui ne ressemblaient pas à son vécu au sein des Mourinoux. C’est lui qui a mis l’accent sur les discussions intergénérationnelles qui devaient être présentes dans le film. Si Samir doit être l’allégorie de quelque chose, c’est celle des discussions que nous avons eues ensemble. J’ai tendance à privilégier les récits personnels et intimes aux grandes histoires universelles, justement pour que l’on comprenne que le quartier des Mourinoux abrite une infinité de réalités différentes.

D : Peu avant que vous ne montriez votre film au Centre Pompidou, Alice Diop organisait au même endroit “Autour de Nous”, cinq jours de réflexion et de projections autour de la question de la banlieue au cinéma. En 2020, après le succès des Misérables, c’était le collectif Kourtrajmé qui fêtait l’anniversaire de La Haine au Palais de Tokyo avec l’exposition “Jusqu’ici tout va bien”, tout en proposant un bilan de de ces 25 années de tentatives de filmer les quartiers populaires. Et il y a un an, dans Débordements, Camille Bui s’interrogeait sur la possibilité de filmer la périphérie à travers un corpus de film des années 2000. Bref, filmer la banlieue en se défaisant de l’exotisme aux allures coloniales des médias au profit d’un regard posé sur cet espace par les concerné-es est un enjeu politique depuis (au moins) les années 1980 avec les films du Collectif Mohamed (que nous invitions aux ciné-clubs d’octobre et de novembre), et plusieurs artistes ont apporté leur pierre à l’édifice depuis. En faisant Le Croissant de feu et la trilogie dont il fait partie, aviez-vous pour but d’entrer en dialogue avec ce “genre” cinématographique ? Comment souhaitiez-vous vous positionner par rapport aux films existants ? Ou au contraire, préfériez-vous vous tenir à distance de cet héritage peut-être pesant de l’histoire du cinéma récente ?

R. M. : Même si Asnières-sur-Seine est implanté dans un territoire dit de banlieue, j’ai du mal avec ce terme. Lorsqu’on parle de banlieue en France, on a tendance à englober tout un territoire sans distinction. C’est une des raisons pour lesquelles je m’efforce toujours de préciser que Le Croissant de feu est une trilogie sur le quartier des Mourinoux à Asnières-sur-Seine, ce qui lui donne une réalité plus locale. J’ai pour principe de faire des films sur des réalités que je connais. La notion même de banlieue telle qu’elle est entendue aujourd’hui est erronée car elle recouvre des réalités très différentes sous une même notion, sans nuance, alors que vivre à Clichy-Montfermeil et à Gennevilliers sont deux choses bien différentes. Il y a bien entendu certaines histoires qui sont communes dans les villes de banlieues. Mais je pense qu’aujourd’hui, lorsque l’on choisit de filmer ces territoires, il en va de notre responsabilité d’apporter de la nuance et de la justesse.

Lorsqu’on filme des territoires de banlieues, on est souvent rattachés à une filmographie très fermée, qui comprendrait des films comme La Haine, Les Misérables, Ma 6T va craquer, qui ont cristallisé une manière de voir la banlieue. Personnellement, dans mon approche du territoire, j’ai plus été inspiré par le cinéma taiwanais, avec des réalisateurs comme Hou Hsiao-Hsien et Edward Yang, qui abordent des questions qui me sont chères comme l’immigration, la nostalgie, l’attachement à un territoire, la résilience face à un monde qui change.

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