Lkhagvadulam Purev-Ochir

Rituels adolescents – à propos d'Un jeune chaman et Snow in September

par ,
le 1 mai 2024

Un jeune chaman raconte un épisode de la vie de Zé, un adolescent assidu et plein d’empathie, qui se débrouille bien à l’école. Il est aussi chaman, autrement dit il communie avec l’esprit de ses ancêtres pour venir en aide aux membres de sa communauté, vivant à la périphérie d’Oulan-Bator. Mais un jour, Zé rencontre Maralaa. Au contact de la jeune fille, les repères de Zé commencent à vaciller.

Dans un premier long métrage aussi maîtrisé que troublant, Un jeune chaman, Lkhagvadulam Purev-Ochir emploie le cinéma de fiction comme une fenêtre ouverte sur un monde hybride, où le chamanisme pénètre le quotidien tout en résistant au présent. Sa démarche déplace avec force les codes du récit d’apprentissage en axant son mouvement sur l’identification des signes quotidiens d’une spiritualité à la fois déjà-là (à travers le cycle naturel) et sans cesse renouvelée (à travers l’évolution culturelle). Un film oscillant entre des pôles a priori opposés (tradition/progrès, jour/nuit, vallée/montagne, terre/ciel, individu/groupe, centre/périphérie, corps/esprit), à l’image plus généralement d’un contexte clivé par des influences diverses, qu’elles soient russes et sud-asiatiques.

Rencontre avec une cinéaste aussi investie que talentueuse, qui avait déjà fait forte impression avec son court métrage multi-primé Snow in September (2022).

Un jeune chaman, Lkhagvadulam Purev-Ochir, 2024

HORIZONS

Débordements : Comment doit-on vous appeler ? Il est si facile d’écorcher votre prénom et votre nom.

Lkhagvadulam Purev-Ochir : On m’appelle « Dôma ». Mon prénom est assez long, donc habituellement on choisit la forme courte. Le « Dulam » d’origine est devenu « Dôma » au fil du temps. C’est à l’origine un nom tibétain, ce qui renvoie à l’aspect religieux. La relation historique entre les deux pays, la Mongolie et le Tibet, est très forte.

D. : Il est peut-être intéressant de partir de ce constat, relatif à l’imaginaire : si le Tibet est bien présent — notamment du fait de l’influence de films populaires comme Sept Ans au Tibet (Seven Years in Tibet) de Jean-Jacques Annaud, sorti en 1997 —, enveloppant le pays dans une perspective exotique, la Mongolie semble absente de l’imaginaire occidental. Enclavée entre le Kazakhstan à l’ouest, la Russie au nord, et la Chine au sud, la Mongolie est pourtant une terre dynamique et riche de cultures singulières. En 1935, en tant que pays membre de l’Union Soviétique, le premier studio de cinéma « Mongol Kino » est créé à Oulan-Bator, sous le contrôle de Moscou. Quelles relations entretenez-vous avec cette histoire complexe, celle du cinéma mongol depuis les années 1930 ?

L. P.-O. : Le cinéma mongol, historiquement du fait de l’ancrage politique du pays au sein de l’Union soviétique, est lié au « réalisme socialiste ». La propagation de la doctrine socialiste s’est établie principalement à travers le cinéma de propagande. Je ne suis pas sûre de pouvoir m’identifier à ces aspects de l’histoire ! (Rires.) Aujourd’hui, ces aspects ont disparu. La propagande a disparu, même si on pourrait le discuter. Disons que la propagande soviétique n’a plus sa place. En outre, je ne me sens pas liée au « réalisme socialiste » en tant que mouvement artistique.

D. : Le rapport à la réalité, plus précisément au quotidien, semble toutefois vous importer…

L. P.-O. : Oui, absolument. Le lien à la réalité me semble très important. Mais je ne me sens pas soumise au style réaliste. Je crois même que tout cinéaste utilise le réalisme comme élément, nécessairement. Même ceux qui contextualisent leur film sur la planète Mars… Tout cinéaste use du réalisme comme d’un élément fondamental.

D. : Vos deux films, le court métrage Snow in September et le long métrage Un jeune chaman, ont été produits par Charlotte Vincent et Katia Khazak (Aurora Films), deux productrices françaises. Doit-on comprendre qu’il était impossible pour vous de faire financer vos films en Mongolie ?

L. P.-O. : Lorsque la production du long métrage a commencé en 2018, la Mongolie n’était dotée d’aucun levier financier spécifique au cinéma. Nous en avons un à présent. Nous ne disposions pas non plus d’une institution nationale qui gérait la production cinématographique au niveau national. Mais les choses ont beaucoup bougé au cours des cinq dernières années : il existe désormais un Ministère de la Culture (distinct du Ministère de l’éducation et des sports), duquel émane le Mongolian National Film Council (MNFC). Les cinéastes sont désormais aidés, même si cela reste difficile de produire des films avec une perspective élargie. Il n’est pas rare qu’en Mongolie on produise des films à 100 000 dollars, et qui jouissent d’un certain succès. Mais la qualité des films souffre de ces conditions. En plus, les personnes qui travaillent sur les tournages sont généralement exploitées. La place accordée à la publicité est énorme, aussi. Cette situation dure depuis que nous avons basculé dans un régime capitaliste. Il était difficile de voir s’épanouir un cinéma indépendant. Pourtant, il semblerait que les conditions soient enfin réunies pour qu’un cinéma indépendant mongol puisse émerger.

La chance que nous avons eue en préparant le film fut la création au Festival de Locarno de la section Open Doors, une initiative de valorisation des productions du Sud-Est Asiatique et de la Mongolie. Les cinéastes mongols ont pu être présentés à cette occasion.

D. : Le fait que vos films soient produits par une société française vous apporte un sentiment de liberté ou un sentiment de contrainte ?

L. P.-O. : Je ne pense que cela induise de la contrainte. Je n’ai pas de message idéologique à transmettre. Ce que cela implique en revanche, c’est le fait d’intégrer la perspective occidentale à l’histoire. Quand on travaille avec certaines personnes, on discute et on pose des questions qui impliquent certaines réponses. Les questions les plus banales, telles que « quel est le conflit intérieur vécu par le personnage ? », donnent à l’histoire une certaine structure. En faisant ce film, j’ai compris comment les films se faisaient. J’ai aussi une productrice mongole, ce qui a impliqué d’être attentif à chaque partie prenante.

D. : Votre intention était-elle dès l’écriture de toucher le public international, ou bien désiriez-vous raconter cette histoire au public mongol ?

L. P.-O. : Quand j’écris un film, j’ai nécessairement le public mongol en tête. D’ailleurs, quand je présente mes films dans les festivals internationaux, je suis très stressée. Lors de la présentation du film à Venise, j’ignorais si le public allait comprendre quelque chose à ce que je racontais. Je craignais son jugement et ses commentaires. En Mongolie, je suis bien moins inquiète. Le fait que l’acteur d’Un jeune chaman, Tergel Bold-Erdene, ait reçu le Prix d’interprétation m’a rassurée sur le fait que le film ait été compris. Cela m’a comblée.

D. : Est-ce qu’il est encore plus difficile de faire des films en Mongolie du fait simplement d’être une femme ?

L. P.-O. : Je ne suis pas la première cinéaste de Mongolie. Des femmes ont fait des films par le passé. Il n’y pas de règles qui créeraient une inégalité entre les hommes et les femmes. Il n’y a pas de censure particulière. Mais le facteur qui limite la production des films de femmes, c’est la culture qui entoure l’éducation des enfants. La production des films est incompatible avec le fait d’avoir des enfants. Pendant le tournage de Snow in September, j’étais enceinte. Pendant le tournage d’Un petit chaman, mon fils avait neuf mois. J’ai expérimenté dans ma chair ce que cela signifiait d’être une cinéaste femme. C’était extrêmement difficile, vraiment très dur. Je ne recommande à aucune mère de tourner un film avant que leur enfant ait au moins un an ! C’est mon conseil. Le problème, c’est qu’on ne sait jamais quand les financements sont disponibles… Les dates d’un tournage ne sont jamais prévisibles. On ne sait pas. Il y a autre chose à souligner : en Mongolie, on attend des femmes qu’elles élèvent leurs enfants.

J’ai remarqué que souvent les femmes étaient présentes dans le champ de la production cinématographique. Derrière un grand cinéaste homme, il y a souvent une femme productrice.

Par ailleurs, je dirais que la présence masculine est indéniable si l’on se réfère à l’équipe de tournage. Traditionnellement, ce sont des hommes qui sont sur le plateau. C’est une culture qui rend la réalisation des films par des femmes un peu étrange.

D. : Mais possible…

L. P.-O. : Mais possible. Surtout, il n’y pas de contraintes morales ou religieuses qui limitent la production des films par des femmes en Mongolie. Je dirais que la contrainte est d’abord « biologique », et culturelle évidemment.

Snow in September, Lkhagvadulam Purev-Ochir, 2024

ADOLESCENCES TIRAILLÉES

D. : Les deux films — Snow in September et Un jeune chaman — semblent s’articuler autour de la question de l’adolescence : que se passe-t-il pour un jeune homme dans la Mongolie contemporaine, tiraillé entre la tradition et la modernité ?

L. P.-O. : Le titre original du film Un jeune chaman est Сэр сэр салхи (« brise fraîche »).

D. : Les deux films racontent une première fois : celle d’aimer et d’être aimé en retour. Ils explorent le changement du corps, la possibilité de l’étreinte sexuelle. L’étrangeté de Snow in September provient du sentiment que l’on ressent au milieu du film, c’est comme si une séquence manquait. On ne voit pas vraiment ce qui se passe entre le jeune adolescent et la femme d’une cinquantaine d’années qui s’est introduite presque de force dans l’appartement… On doit imaginer, au-delà de ce que montre le film.

L. P.-O. : Pour être honnête, ce qui se passe était très explicite dans la première version du scénario. La séquence entre l’adolescent et la femme y est décrite de bout en bout. Comme vous le suggériez, une scène d’étreinte sexuelle a bien lieu entre les deux personnages. Mais, en développant le projet, et surtout en réfléchissant à la place que devait adopter la caméra, cela est devenu un casse-tête. Comment montrer cela ? De la perspective de quel personnage ? L’adolescent, dans la séquence, est une victime. C’est encore un enfant. Il ne s’agit pas du tout d’une relation romantique et consentie. Je faisais face à la question de la violence. Et je ne voulais pas que cette dimension soit soulignée de manière excessive. J’ai préféré ne rien montrer. Ce n’est qu’un enfant. 

Je devais pourtant clarifier ce qui se passe dans cette séquence pour le reste du film. Certains spectateurs pensent qu’il s’agit d’un fantôme, que l’adolescent ne fait que fantasmer la présence de cette femme. Pour moi, ce n’est pas grave d’avoir cette interprétation. Car quand quelque chose de violent se passe, ce à quoi la personne est confrontée, c’est précisément la rémanence de l’événement. Il ne s’agit plus de la personne elle-même. Il s’agit ensuite de gérer les conséquences. Le quotidien reste le même (l’école, les amis, la mère), mais rien n’est plus pareil. Même vide, la chambre est désormais remplie de sa présence.

D. : Donc il s’agit d’un traumatisme. Or, l’événement traumatique est laissé au cœur de l’ellipse, entre deux plans.

L. P.-O. : Oui, elle le séduit. On suit tout le processus. Elle use de ses pouvoirs. Elle crée une confusion avec la mère en prétendant qu’elle veut lui parler. Elle fait tout pour se faire obéir. J’ai retiré la séquence car, selon moi, il est évident à un certain moment qu’il fera précisément ce qu’elle lui demande de faire. 

Je voulais que l’on ressente que la fin du film était comme « en dehors ». Toutes les autres relations que l’adolescent entretient — avec sa mère, avec sa copine de l’école —, elles sont entachées. Avec sa copine de classe, ils flirtaient ensemble. Quelque chose se tramait. Mais l’épisode avec la cinquantenaire change tout, quelque chose a été violé. Sans cela, les deux jeunes tourtereaux auraient fini par être ensemble. Ils se seraient embrassés. Il s’agit donc bien d’un traumatisme.

D. : Dans Un jeune chaman, il s’agit d’un adolescent qui est au bord de l’âge adulte. Il a déjà une fonction, celle de chaman. Il va au lycée, aide sa mère pour certaines tâches, discute avec son voisin. Pourquoi faire de l’adolescence, du fait de grandir, la matière de votre premier long métrage ?

L. P.-O. : En vérité, l’histoire vient d’une expérience personnelle : ma mère m’a emmenée voir un chaman. C’était il y a dix ans. J’avais vingt-cinq ans. À cette époque, j’étais très amoureuse de quelqu’un, pour la première fois, sans que cet amour soit réciproque. Pendant le rituel réalisé par le chaman, tout s’est passé plus ou moins comme dans le film. Je me souviens que, dans mon expérience réelle, j’attendais que ma mère sorte de la yourte, et le jeune homme s’est assis à côté de moi. Il avait dix-neuf ans, il était en première année à l’université. Il était très sympathique, des tatouages partout sur les bras. Pendant le rituel, je ne pouvais pas m’imaginer que c’était un jeune homme de la sorte. Ma mère m’a confirmé que c’était lui le chaman. Toutes ces rencontres, ces déceptions, les sentiments qu’elles suscitaient en moi, en tant que jeune adulte : cela a formé la matière première du film.

Mais le cinéma prend sa source dans ce qui n’est pas possible de formuler en mots. Ces choses peuvent trouver à s’exprimer dans la durée. La spécificité d’un film, c’est sa durée. Je voulais souligner comment la transformation — à l’intérieur de cet individu — se réalise. Comment le changement naît en lui, à la manière d’un événement dans le temps. Il s’agit du processus de transformation, pas de la croissance elle-même. Le cinéma capte ce processus. Je veux capter quelque chose qui bouge. L’adolescent grandit en se re-découvrant lui-même. C’est un voyage, non pas à la façon d’une aventure ou d’une odyssée, qui est éternel. Le sentiment à l’égard de l’adolescent que nous avons au début du film n’est pas le même que nous ressentons à la fin.

POLARITÉS ET FLUCTUATIONS

D. : Il est intéressant que vous mentionniez la question du voyage, car dans le film l’enjeu du déplacement entre les différents espaces (la yourte, l’établissement scolaire, la sculpture sacrée, l’hôpital, les boîtes de nuit, etc.) apparaît essentiel. Il y a un espace auquel le personnage revient constamment, un espace qui semble marqué par la stabilité, à savoir l’espace domestique. Cet espace semble respectueux et calme.

L. P.-O. : Je voulais dépeindre une famille aux relations saines, c’est certain. La raison de cela c’est que les thèmes que j’explore ne sont pas forcément générationnels. Pour moi, l’important était de faire du « quartier de la yourte » le point central du film. Je voulais centraliser ici l’univers du personnage. Dans les médias mongols et dans l’imaginaire mongol, le quartier de la yourte fait partie de la marge. C’est toujours le quartier dépeint comme pauvre, mais aussi un espace de néo-arrivants peu éduqués… Je voulais que ce centre soit marqué par la stabilité. Il s’agit d’un espace urbain mais où les gestes et la mentalité traditionnels se transmettent. Je voulais qu’on perçoive les gestes de bénédiction effectués par les habitants, notamment le fait de faire gicler du lait, ou bien encore des paroles qui bénissent le soleil et la nature. Ces activités sont chamaniques. Elles font partie d’une philosophie. Les habitants élaborent chaque jour des actions en fonction de cette philosophie. Au centre-ville d’Oulan-Bator, on ne fait pas cela.

Dans le scénario, il y avait un tas de séquences au cours desquelles on voyait des conflits entre l’adolescent et la famille (avec sa mère ou son père), ou les enseignants du lycée. Je les ai toutes retirées du montage. Pour moi, ces séquences ne faisaient pas partie de l’histoire que j’essayais de raconter. Le film parle de spiritualité. Il interroge ce que signifie le fait d’être spirituel au sein de la Mongolie contemporaine. Les séquences de conflits m’ont paru inauthentiques. Je ne voulais pas faire un film sur le conflit entre la tradition et la modernité — je voulais faire un film pour savoir dans quelle mesure il est possible de porter ces deux choses en même temps. Dans chaque séquence du film, le personnage est à la fois du côté de la tradition et du côté de la modernité. Bien sûr, c’est en tension permanente. Il n’y pas de choix ultime à faire entre les deux.

D. : Pourtant, le film décrit un conflit permanent entre la tradition religieuse et la modernité capitaliste. L’histoire d’amour au centre du film crée la distinction entre le chaman qui reste du côté de la tradition, et la jeune fille qui décide de quitter la Mongolie pour vivre en Corée du Sud.

L. P.-O. : Je dirais plutôt que dans les actions menées quotidiennement il y a des polarités. On a besoin de distinguer entre le jour et la nuit, le passé ou le futur, etc. En tant qu’être humain, on ne comprend la vie qu’à travers ces polarités. Elles rendent les choses plus compréhensibles. Nous devons comprendre ce qui nous entourent. Néanmoins, dans notre quotidien on ne vit pas ces oppositions comme telles. On pense en termes de polarités, mais on ne vit pas à travers elles. Nos expériences ne sont pas polarisées. Tout fluctue d’un point à l’autre, continuellement.

D. : Le film fluctue entre la perspective locale que vous adoptez, mais aussi la perspective internationale qui est également présente dans le film. Le microscopique et le macroscopique.

L. P.-O. : Mais aussi entre l’individu et le groupe. L’adolescent est un personnage qui est d’abord vu dans le groupe : la caméra le suit en tant qu’il fait partie d’un collectif. On se rapproche de lui. À d’autres moments, il est seul mais la caméra recule et il s’inscrit dans un environnement plus vaste. Ce qui m’intéresse est de montrer les relations qu’ils tissent avec les autres. On ne sait que très peu de choses sur lui, au fond — on le rencontre à travers les interactions avec les autres, une fois qu’il prend sa place dans un contexte plus grand. La partie consacrée à la relation amoureuse change un peu les choses — il s’isole. Et puis, à la fin du film, il reprend sa place au milieu de son environnement. Il se redécouvre lui-même en tant qu’il prend part à un contexte vaste, et non pas comme simple individu. Cela est clair lorsqu’il se lie à nouveau au voisin, bien que ce dernier décède brusquement.

D. : Avez-vous d’autres projets de films en cours ?

L. P.-O. : Pas pour le moment… Je me remets doucement de celui-ci ! (Rires.) En fait, je recommence peu à peu à écrire. Pour tout vous dire, normalement je tournerai à nouveau d’ici l’été, un court métrage cette fois-ci.

Un jeune chaman, Lkhagvadulam Purev-Ochir, 2024
Entretien réalisé à Paris, le 22 avril 2024.