Olmo Schnabel

Les enchantements de la crise d’adolescence

par ,
le 5 novembre 2025

Grandir et vivre à New York a fondé le rapport au monde d’Olmo Schnabel (fils de l’artiste et cinéaste Julian Schnabel). Être new-yorkais est selon lui une initiation à l’imprévisible permanent, une ouverture à l’inconnu et à une profusion de sensations, saines ou nocives. Pet Shop Days (2023), le premier long-métrage du jeune producteur et réalisateur américain, sorti en France le 22 octobre 2025, livre une image charnelle et vénéneuse de New York, à travers les péripéties sulfureuses de deux jeunes hommes à peine sortis de l’adolescence, Jack (Jack Irv) et Alejandro (Dario Yazbek Bernal), s’adonnant au plaisir et au vice confondus l’un dans l’autre. Ce qui pourrait être l’histoire d’une romance tragique est incessamment court-circuité par un humour scabreux et infantile, un désir insolent de donner libre cours à des pulsions adolescentes. Nous avons rencontré Olmo Schnabel pour retracer avec lui son processus de réalisation et aborder sa conception d’un cinéma impulsif et libératoire.

Débordements : Vous avez qualifié Pet Shop Days de « dark-twisted fantasy », une fantaisie sombre et tordue. Ce qui est particulièrement remarquable dans votre film, c’est en effet son côté fantastique, notamment à travers la présence de certains personnages. Le père de Jack, interprété par Willem Dafoe, a quelque chose de l’ogre ; Alejandro, joué par Dario Yazbek Bernal, peut être comparé à une sorte de Méphistophélès. Cela était-il conscient durant l’écriture du scénario ? 

Olmo Schnabel : J’ai écrit l’histoire originale avec Jack Irv, l’acteur principal, qui est aussi un vieil ami à moi. Le scénario est très « instable » et « bipolaire », les choses s’y déroulent de manière spontanée et aléatoire. C’était notre première expérience d’écriture. Ce qui nous a plu, c’était de ne pas suivre les règles. L’histoire a donc pris naturellement cette tournure de conte de fées, là où tout peut arriver, où il n’y a pas de règle. Tout ce que je voyais d’autre au cinéma était très ancré dans la réalité. Je me suis dit que c’était peut-être plus intéressant de concevoir un film sans me soucier de si ce que je montre peut vraiment avoir lieu ou non. Beaucoup de gens dans le cinéma veulent se baser sur la réalité, alors que ce n’est pas la réalité. Il s’agit d’un film.

Je pense que l’instabilité de chaque personnage rendait tout ce qui pouvait leur arriver assez imprévisible. Cela nous a donné l’opportunité de laisser les événements se dérouler comme nous le voulions d’un point de vue narratif. Le New York de mon enfance était comme ça. Vous alliez dans la rue et des choses se produisaient. Si vous passiez suffisamment de temps dehors, vous rencontriez toutes sortes d’imprévus et des gens différents. On pouvait se retrouver dans un endroit où on ne voulait pas être, puis on y rencontrait quelqu’un qu’on connaissait déjà et on tombait instantanément amoureux de cet endroit. Vous ne sortiez pas avec une idée de ce qui allait se passer. Je pense donc que New York était aussi un endroit où tout pouvait arriver, où il y avait cette sorte de nature féérique.

Les gens pourraient considérer Pet Shop Days comme un film dur et cruel, que ce soit dans la relation tiraillée entre amour et maltraitance qu’a Jack avec son père, ou dans son histoire tourmentée avec Alejandro. Les personnages sont en quelque sorte en transition. Ils cherchent à comprendre leur vie. Et je pense que c’est peut-être plus réaliste que des personnes qui font semblant que tout va bien. Vous voyez, j’aimerais que tout aille bien tout le temps, mais c’est un peu utopique. Quoi qu’il en soit, je veux que les gens puissent s’engager à leur manière avec les personnages et en tirer leurs propres conclusions.

D. : Malgré ses crimes, Alejandro ne paraît jamais réfléchir à la gravité de ses actes. Il incarne une espèce de nonchalance excessive. Comme Jack, il est issu d’une famille riche. Peut-être cela joue-t-il dans sa façon de penser que tout est permis, qu’il peut rester insensible aux conséquences de ce qu’il entreprend.

O. S. : À ce moment de leur vie, alors qu’ils ont apparemment tout ce qu’il faut pour être satisfaits, Jack et Alejandro s’ennuient. Ils veulent trouver un sens à leur vie et essaient de faire n’importe quoi pour se stimuler, combler ce besoin, cette nécessité ou cette chose qui leur manque. Donc oui, tout est permis. Surtout pour ces deux jeunes qui n’ont pas vraiment de bons exemples autour d’eux, ou les bonnes personnes avec qui communiquer. Ils sont livrés à eux-mêmes et veulent rendre leur vie plus excitante. Cela reflète bien une certaine génération. Plus on se sent isolé, plus on est éloigné du sentiment de trouver du sens. La réponse, c’est d’avoir un mauvais comportement, sans réfléchir aux conséquences. Être impulsif, c’est de ça qu’il s’agit. C’est une excitation primitive. Ça se produit quand, soudain, votre vie a l’opportunité d’être plus intéressante, alors que depuis deux ans, vous êtes resté dans votre chambre à ne rien faire. À New York en général, pour Jack en particulier, vous devez réussir. Et ça doit être déroutant de grandir dans un tel environnement, dans cette grande machine qui avance impitoyablement lorsque vous travaillez, comme Jack, dans une animalerie. Vous vous sentez coincé. Alors, quand il rencontre Alejandro, c’est un peu comme s’il pouvait revivre. Tout à coup, il ressent une libération.

Quand on a l’opportunité soudaine de rendre sa vie passionnante, on est capable de faire beaucoup de choses, on va très loin pour s’accrocher à ça, sans réfléchir aux conséquences. Alejandro est différent de Jack, car il sait qu’il manipule la situation. Il décèle une certaine innocence chez Jack et il veut la briser, ou du moins la lui enlever. Lui aussi aimerait être naïf.

D. : Pet Shop Days fait se rencontrer plusieurs genres, notamment le teenage movie, le film criminel et le film d’horreur. Ce mélange reflète-t-il le désir de faire de votre premier long-métrage une sorte de lettre d’amour à la diversité des films que vous admirez ?

O. S. : Je ne sais pas si c’était exactement en faisant un mélange de genres que je voulais commencer. Il y a évidemment beaucoup de choses que nous faisons consciemment, avec une certaine intention, comme une référence à un film qu’on aime par exemple. Pendant le tournage, nous avons laissé beaucoup de place à l’espièglerie. Malgré l’envergure de la production, avec des moyens ambitieux pour un premier film, nous gardions un esprit ludique. Il y avait beaucoup d’improvisation. On était tellement heureux de pouvoir enfin faire le film. On s’est sentis soulagés et on s’est octroyé une certaine flexibilité. Après tout, sur un tournage, tout peut arriver, comme dans le film. Évidemment, nous avions un plan, c’était préparé, mais nous avons souvent dû changer des choses à la dernière minute parce que ça ne fonctionnait pas. Même si, par exemple, vous arrivez dans une discothèque en sachant ce dont vous avez besoin et ce qu’il faut faire, car vous n’avez pas le temps de refaire des prises, il faut toujours conserver le sentiment de participer à un jeu, de toujours jouer avec ce qu’on a. Il y avait donc beaucoup d’expérimentation.

C’est intéressant de repenser à mon approche en tant que réalisateur et de la comparer avec mon travail de producteur. Lorsque vous produisez un film, vous devez tout prendre en compte. Vous réfléchissez en amont à la façon dont le film doit être réalisé, vous commencez à prêter attention à beaucoup de choses. Vous établissez une formule. Alors qu’en tant que réalisateur, j’ai agi d’une manière beaucoup plus impulsive. C’était comme un organisme vivant, ce n’était pas vraiment un travail. Il s’agissait essentiellement de développer ce qui découlait de nous sur le tournage. Je pense qu’on peut ressentir cette énergie en regardant le film. C’est aussi mon problème avec certaines personnes qui abordent Pet Shop Days comme si j’avais une idée ou une opinion forte. En vérité, il est question de savoir comment je crée un dialogue avec les spectateurs, un désaccord, un accord. Je propose une expérience vécue en commun sur un tournage à laquelle quelqu’un peut s’identifier, qu’il peut vivre, respirer et toucher différemment.

D. : Vous avez déjà exprimé ailleurs votre amour pour les acteurs. Dans Pet Shop Days, on rencontre des « gueules », des visages laids mais assez comiques. Je pense au dealer (Peter Greene) ou à Gabriel (Andrew Leland Rogers), l’ami d’Alejandro. Il y aussi Willem Dafoe et Emmanuelle Seigner, des comédiens renommés. Hormis Jack Irv qui était déjà votre ami, comment s’est déroulé le casting, qu’est-ce qui vous a décidé à choisir ces acteurs et de quelle manière cela s’est-il passé ?

O. S. : J’ai grandi en étant obsédé par Peter Greene. Il a joué dans The Mask, Pulp Fiction, Usual Suspects… Toujours avec une intensité folle. Il m’intriguait beaucoup. Je le voyais quelquefois à New York. Il était toujours dans la rue avec son chien. C’était comme dans un film qui a ces différents personnages qui vont et qui viennent, en particulier si vous pensez à un film comme After Hours, où le personnage rencontre juste des gens au hasard. C’était une sorte de référence pour moi en termes de monde que je voulais créer, pour renforcer cette idée de l’imprévisibilité de New York. Peter Greene représentait cela et je voulais absolument travailler un jour avec lui.

Concernant Willem Dafoe, il s’est montré très encourageant dès le début et m’a aidé à développer le scénario. Nous avons eu un dialogue assez constant jusqu’au tournage. Ce n’était pas comme s’il avait dit dès le début : « Oui, je vais le faire. » Nous avons vraiment dû adapter le film à Willem. Un fois cela fait, tout le reste s’est mis en place. Je pense que les acteurs ont pris beaucoup de plaisir à lire le scénario. D’autres l’ont lu et l’ont aussi aimé, mais ça n’a pas marché. Il faut dire qu’avec cette vision de l’adolescence… Je ne me suis pas censuré. Et je pense qu’à l’heure actuelle, il y a la crainte de dire quelque chose ou d’offenser quelqu’un. Pet Shop Days a un certain sens de l’humour qui a permis aux acteurs de ne pas trop se prendre au sérieux. C’était rafraîchissant pour tout le monde, je pense. Ça a produit un mélange entre l’envie de mal se comporter, de s’amuser, et des choses plus sérieuses, plus profondes et plus dérangeantes.

Pour revenir au casting, je connaissais déjà Emmanuelle Seigner, car elle avait travaillé avec mon père sur Eternity’s Gate. Je suis un grand fan de Bitter Moon. Je suis aussi depuis longtemps un admirateur de Maribel Verdú. Je voulais travailler avec ces deux femmes qui ont joué un rôle important dans ma vie. Elles m’ont tellement marqué, m’ont laissé une impression très forte pendant longtemps. C’était donc intéressant de placer ces comédiens et ces comédiennes dans une histoire aussi personnelle, dans un lieu aussi personnel et intime qu’est New York pour moi. Le fait que de tels acteurs m’aient permis de travailler avec eux m’a beaucoup aidé.

D. : Pour continuer au sujet des acteurs, pouvez-vous m’en dire plus sur votre relation avec eux sur le tournage, sur la façon dont vous avez travaillé ensemble ?

O. S. : J’ai beaucoup appris avec Dario et Willem. Ils proposent toujours quelque chose et vous ne vous sentez pas seul dans le processus. C’est très collaboratif, ça vous ouvre beaucoup de possibilités, en particulier quand on se sent bloqué avec une scène. Par exemple, celle où Willem danse dans son salon à la fin du film. Nous avons demandé à tout le monde de partir et nous sommes restés tous les deux dans la pièce. Nous l’avons parcourue plusieurs fois en dansant sur de la musique et en buvant un peu de tequila. Pas beaucoup, mais juste pour nous mettre dans l’ambiance et vraiment ressentir la scène. C’était ma façon de rendre le film plus réaliste, pour qu’il produise une émotion ayant été réellement vécue et partagée sur le tournage. C’est en cela que je voulais rendre le film personnel.

Hormis les acteurs, j’ai eu aussi de super collaborateurs. Je pense à Alex Coco, producteur, qui a remporté un Oscar avec Anora, et Galen Core, coscénariste, qui est un partenaire de longue date. Il y avait aussi Hunter Zimny, le directeur de la photographie, avec qui j’ai grandi. Hunter est génial. Nous avions déjà travaillé ensemble sur le premier film que j’ai produit, intitulé Giants Being Lonely, réalisé par Greer Patterson. Ainsi, c’était comme être en famille, la frontière entre le travail et le plaisir s’estompait. C’est ce qu’on espère avoir transmis dans Pet Shop Days. Après le tournage, j’ai toujours cru que cela se traduirait dans le film, cette sorte d’authenticité tirée de notre propre expérience, de ces moments vécus ensemble qui ont fini par créer quelque chose. Même si, à l’époque, nous ne savions pas exactement ce que nous étions en train de créer.

D. : Concernant la photographie, votre film est très coloré, avec des images monochromes qui peuvent évoquer les premières tentatives du cinéma muet de colorer les images. Le rouge est particulièrement présent. Par exemple, dans cette scène du sauna où Alejandro peine à respirer. La lumière rouge intense nous fait ressentir son oppression. Tout cela donne une vision stimulante et charnelle de New York.

O. S. : Nous n’étions pas intéressés par le fait de filmer une représentation réelle du New York contemporain. J’avais en tête les films de Cassavetes par exemple, d’autres aussi qui ont été tournés à New York en pellicule. La couleur y est toujours très importante. Dans le monde que nous essayions de créer, il était très important de garder les gens dans le même état d’esprit que celui des personnages, comme dans un rêve fiévreux, vous voyez ? 

J’ai une affection particulière pour la couleur rouge. On la retrouve dans le restaurant, dans le sauna, vous avez aussi le club de strip-tease qui est rouge… La couleur sert à faire vivre ce monde et à faire de New York un véritable personnage, à rendre sa présence aussi palpable que possible pour produire un film particulièrement stimulant. Là encore, il ne s’agissait surtout pas de représenter le New York de 2023 ou de 2025, mais la vision personnelle d’une ville mêlée à mes souvenirs et à mes rêves. Certes, c’est un peu un acte de nostalgie. Inventer et exagérer, c’est comme ça que fonctionne la mémoire. Nous dramatisons ou exagérons les choses. Pet Shop Days reflète donc ce processus psychologique.

D. : La présence de l’art, principalement de la peinture, joue un rôle important dans le film. Quand Alejandro commet un meurtre, vous prenez le temps de montrer les détails d’un tableau : des visages d’anges. Lors du second cambriolage de Jack et d’Alejandro, on peut voir le portrait d’un petit homme aux cheveux blancs qui a un air de ressemblance avec la victime d’Alejandro. Cela produit un lien entre crime et art, comme si l’un sublimait l’autre.

O. S. : Je suis heureux que vous ayez votre propre interprétation C’est exactement ce que je veux avec ce film. Concernant le tableau avec les anges, c’était intentionnel. Nous voulions faire de ces anges les témoins du crime. Au sujet du portrait dont vous parlez, quand nous sommes arrivés dans cette maison, il était déjà là avec d’autres tableaux. Madeline Sadowsky, qui était chargée du décor, m’a demandé si nous devrions les enlever. Cette maison était imprégnée d’art et je me sentais plus à l’aise avec l’idée de conserver cette présence artistique. Je trouvais que cela avait du sens, que cela ajouterait une dimension plus personnelle, plus unique, plus spécifique. Et nous avons trouvé très drôle l’idée de laisser ce portrait. Lors du cambriolage, alors qu’on voit Jack nerveux et paniqué, Alejandro a plutôt l’air de prendre du bon temps. Il se contente de regarder ce tableau un peu stupide représentant un petit homme. Dans la façon dont nous avons conçu la scène avec Hunter, en suivant Alejandro à travers la propriété durant leur effraction, nous avons beaucoup aimé l’idée qu’il s’arrête devant cette toile pour une raison quelconque. J’aime votre interprétation à propos de la ressemblance entre Andrew Leland Rogers et le portrait de ce garçon-homme. Peut-être y avait-t-il une part d’inconscient dans mon choix d’inclure ce tableau dans la mise en scène.

D. : Vous avez été initié au cinéma très tôt, à travers votre père entre autres. Cela peut expliquer une certaine relation infantile que vous entretenez avec cet art. Réaliser votre premier film a-t-il changé votre rapport au cinéma ?

O. S. : Oui. Je pense que cette approche infantile, adolescente, est quelque chose que je n’ai plus aujourd’hui. Je n’ai plus la même naïveté. Vivre en faisant des films devient de plus en plus difficile, d’autant plus dans le cinéma indépendant. On perd alors un certain romantisme. Or, c’est cela qui vous permet de rester sincère et authentique dans votre travail. Malheureusement, le processus de production vous fait perdre cette approche, cet enthousiasme, qui est tout simplement un sentiment de liberté. On devient beaucoup plus calculateur, plus pessimiste aussi.

Vous savez, Pet Shop Days n’a pas été facile à produire. Après avoir lu le scénario, la plupart des gens nous ont dit qu’il était impossible de faire ce film avec un tel budget à New York et en si peu de temps. On m’a dit par exemple que je ne pouvais pas tourner la scène de course-poursuite en voiture de cette façon. On vous décourage avant même que vous ayez commencé. Les gens disent non, alors que vous dites oui. Malgré tout, il s’agit de continuer à dire oui et de rester enthousiaste et libre sur le plan créatif, même lorsque tout le monde autour de vous se montre hostile.

De plus en plus, on voit que les films se ressemblent. Il y a une formule. Il n’y a plus cette diversité que l’on pouvait ressentir par le passé. C’est ce qui rend pourtant le cinéma si incroyable. J’ai toujours apprécié une grande diversité de films. Je voulais adopter tous les points de vue et voir les choses différemment. Un film doit produire un contraste, une perspective, ouvrir vers la diversité. Quand je songe au cinéma américain actuel, c’est un problème. J’apprécie beaucoup plus ce qui se fait à l’international. Dans Pet Shop Days, il était question de faire un film américain qui ne soit pas américain. Cela est dû à ma propre identité, à mon questionnement sur l’identité. Ma mère est espagnole, et si mon père est new-yorkais, je ne me suis jamais vraiment senti américain. Je pense que cela se reflète dans mon film. J’ai passé beaucoup de temps au Mexique et j’étais ravi d’intégrer ce pays dans l’histoire. On m’a pourtant dit : « Enlève le Mexique. Reste à New York. » Mais j’ai toujours eu tendance à faire ce que les gens me déconseillaient de faire.

D. : Cela fait déjà plusieurs années que vous avez réalisé Pet Shop Days. Que représente-t-il pour vous aujourd’hui ?

O. S. : Après ce film, je ne pensais pas en tourner un autre à New York. Et puis, au cours du dernier mois, j’ai eu cette inspiration subite. Je n’ai jamais écrit quelque chose aussi rapidement. Si Pet Shop Days est noir, celui-là sera blanc. Ce sera intéressant de voir la relation entre ces deux films.

Je suis fier de mes débuts, fier des risques que j’ai pris. Mais c’est difficile d’accepter ce qu’on a déjà fait, car on a peur de recommencer quelque chose après tant de temps. Je ne suis plus la même personne, je vais avoir un enfant, j’ai mûri. Il y a beaucoup de choses que je ne ferais plus. Après avoir vu tout le processus de création d’un film, j’ai une perspective différente. Je suis moins dans l’instant présent. J’ai acquis un certain niveau de contrôle. Je suis producteur depuis deux ans maintenant mais je préfère nettement réaliser. La production m’a davantage donné l’impression d’être dans un bureau, où le cinéma se réduit à un travail. Durant le tournage de Pet Shop Days, nous avons passé un très bon moment, nous avons beaucoup ri, c’était un cadre très intime. C’est quelque chose que je ne veux absolument pas perdre. Je veux pouvoir travailler d’une manière qui me procure ce sentiment. Ça ne devrait jamais devenir ennuyeux ou mécanique, mais toujours vivant et intime. Si j’y crois, je vais faire en sorte que les autres y croient aussi.

Entretien réalisé en visioconférence, le 17 octobre 2025.