Quatrième numéro de notre série critique et documentaire au festival Cinéma du Réel.
Désert. Roches. Véhicules. Silhouettes en mouvement. Vols de grues.
La caméra prolonge-t-elle le regard du cinéaste, ou finit-elle par le supplanter ? Lorsque le corps de l’opérateur devient intangible et échappe à toute spatialisation, l’outil technologique semble gagner une vitalité propre qui rappelle les intuitions d’Epstein.
Plongeons dans l’œil de la machine.
Dans ce quatrième épisode de Radio Réel, nous vous proposons une exploration du paysage à travers le film de Zhou Tao Periphery of the Base. La présence humaine dans cet espace monumental et désertique semble étrangement hors de propos. Sans aucune voix-off explicative, le regard mouvant de la caméra balaie l’horizon, passe sans s’arrêter sur les ouvriers qui s’échinent à aménager l’espace hostile pour le rendre habitable. L’image trouble la perception : impossible de savoir la distance qui sépare la caméra des sujets filmés – la faute au grand angle et à l’horizontalité infinie du désert de Gobi.
Homing, autre court-métrage présenté en compétition, nous emmène sur la piste des oiseaux aux États-Unis. Introduits lors de l’arrivée des colons européens, ils sont aujourd’hui considérés comme une espèce invasive, avec une place dans le paysage tant visuelle que sonore qui interroge les interactions avec le vivant non-humain. Un appel visuel à la verticalité, pour suivre les colonnes aériennes de nos frères et sœurs aviaires.
Une promesse d’épouser un point de vue animal, au travers de l’appareil cinématographique ?
De la marginalité qui le nourrit, Periphery of the base tire une indéniable ambiguïté qui le rend difficile à appréhender. Quelle est la nature de la matière sonore souvent acousmatique, où se rencontrent bruits mécaniques, voix humaines et rumeur du désert ? Quelle relation le cinéaste entretient-il à l’espace désertique et aux populations qui l’habitent ? Comment appréhender la portée politique d’une telle démarche de colonisation ?
Toutes ces interrogations construisent le charme envoûtant du film de Zhou Tao, et on fait l’objet d’une discussion avec Occitane Lacurie au sortir du visionnage. Les images sont encore vives, mais un manque se fait déjà sentir. Pour tenter de percer un peu le mystère qui l’auréole, nous convenons d’un entretien avec Zhou Tao.
Les explorations sonores de Zhou Tao nous donnent des envies d’expérimental, d’expériences musicales, de descriptions spatiales mêlant impressions visuelles et auditives (sur ce point, tendez l’oreille vers le cinquième épisode de Radio Réel).
Affaire à suivre… Indice :