La Vallée sort en France ce mercredi 23 mars 2016, sur seulement quelques écrans. Pour autant, les films de Ghassan Salhab ne sont jamais simplement de passage. Leur puissance dure, s’imprime et désoriente les pensées un peu trop sûres d’elles, en même temps qu’elle travaille tout particulièrement une inscription dans des sites du Liban (la ville de Beyrouth, la plaine de la Bekaa, etc.). Depuis le très impressionnant Beyrouth fantôme (1998), le réalisateur propose différentes trajectoires, avec des fictions aux personnages revenants et aux lieux en reconstruction ou en perdition, mais aussi des essais filmiques vidéos hantés par l’absence de fiction ((Posthume), particulièrement). Cet échange en deux parties permet de traverser quelques-unes des hypothèses filmiques d’un des cinéastes contemporains qu’on aime suivre.
Robert Bonamy : À plusieurs égards, La Vallée est une « fiction d’anonymat », qui accepte un manque de repères, tant pour l’identité des personnages que pour les lieux traversés au Liban ; la vallée de la Bekaa n’est par exemple pas si clairement désignée… Le film fait appréhender un état des choses, sans véritables assignations de rôles, de communautés, de fonctions… Cet aspect m’a fait revenir à votre recueil Fragments du livre du naufrage (2011) qui, sans prendre cette forme toujours explicitement, m’apparaît comme un ensemble de notes, pour le cinéma, sur ce manque de repères…
Ghassan Salhab : Ah, l’assignation des rôles, cette calamité… J’ai d’abord publié quelques-uns de ces fragments en arabe (ce n’était pas encore un livre) dans une revue libanaise qui s’intitule Littérature ; elle est maintenant devenue casse-pieds, mais qu’importe. On a demandé à plusieurs personnes liées à l’image (donc, pas forcément des cinéastes) d’écrire, un numéro spécial en somme. J’ai répondu que je n’avais pas envie d’écrire un texte théorique, que je ne suis pas un théoricien bien que je m’intéresse beaucoup à la théorie. J’ai alors commencé à relire ces fragments, qui sont à l’origine un journal et, à l’issue de cette relecture, j’ai repris ces fragments et je me suis amusé à mettre un il. Ce n’était plus le fameux je. Une éditrice de Beyrouth, qui défend l’édition bilingue, m’a demandé l’original en français, car elle savait que j’écris en français. C’est elle qui m’a proposé d’éditer ce livre.
R.B. : Et lorsque vous évoquez ce journal, il s’agit d’un journal intime ? D’un journal de travail ?
G.S. : Un journal, dans la pure tradition, mais là, grâce au il je pouvais avoir un rapport différent à l’intime. Cela venait de moi, mais ce n’était plus uniquement moi. J’écris depuis des années, des poèmes et d’autres écritures parallèles, avec absolument aucune urgence d’éditer. J’écris réellement pour moi. Toutefois, évidemment, une fois que l’on a été édité, on a un peu l’ambition d’autre chose. Mais cela ne me travaille pas. Ce n’est pas comme un film : une fois qu’il est fini, on veut vraiment le montrer.
R.B. : Ces fragments dialoguent avec vos films. Peut-être est-ce plus largement le cas pour l’ensemble de vos tentatives d’écriture.
G.S. : Oui. J’aurais aimé être Fernando Pessoa… Avoir tellement de personnalités qui s’expriment, ces hétéronymes… Mais je ne suis pas Pessoa. Je suppose que, comme tout le monde, j’ai plus d’une personnalité, quelques-unes pour le moins… C’est un tout. D’ailleurs, une partie des Fragments d’un livre du naufrage est dans le film La Montagne, en arabe bien entendu.
R.B. : Le livre a été édité à peu près au moment où La Montagne est sorti en salles.
G.S. : Oui, un peu après.
R.B. : Lorsque vous affirmez être passé du « je » au « il » par ce livre, ce passage peut aussi être pensé pour vos films. En effet, il y a un certain nombre de personnages qui vous convoquent personnellement. Ne serait-ce que dans La Vallée, une photographie de classe fixée à un mur est regardée par le personnage principal. Cela m’a fait penser qu’il pouvait s’agir d’une photographie de votre classe d’école, au Sénégal où vous avez grandi. Vous apparaissez à la fin de La Montagne, pour y mourir, alors que votre carte d’identité ouvrait Terra incognita. Le « je » apparaît bien, directement ou indirectement.
G.S. : Il apparaît directement dans l’indirect, si je puis dire. Même dans le premier long métrage, Beyrouth fantôme, les masques africains que l’on voit m’appartiennent. Quoi qu’il en soit, il est aussi question dans ce film de mon rapport à l’Afrique à travers l’évocation du personnage principal féminin. Le moi est toujours présent, mais pas le moi Ghassan, plutôt mon parcours, mon rapport à pas mal de choses. Que cela soit l’Afrique, qui est tout de même une très importante partie de ma vie. Je suis né au Sénégal, comme mon père. Il y a vécu ses quarante premières années. Moi, mes treize premières. Je fais partie de ce que l’on appelle l’émigration libanaise — je n’aime d’ailleurs pas trop ce terme —, qui n’est pas récente. Mon grand-père a émigré sans que cela ait rien à voir avec les guerres libanaises. Il a émigré au début du 20e siècle. Il fuyait la misère. En plus, à l’époque de mon grand-père, le Liban n’existait pas en tant que tel, il n’y avait pas encore le Mandat français qui a commencé en 1920. Il y avait une sorte de principauté que les Ottomans avaient acceptée, mais plutôt située dans les montagnes. On était des sujets ottomans.
R.B. : La photographie dans La Vallée crée une énigme supplémentaire, parmi tant d’autres présences anonymes. Le face-à-face entre le protagoniste et cette image est difficile à situer, pas uniquement en raison de sa perte accidentelle de mémoire.
G.S . : Dans l’apprentissage du cinéma au Liban, tout doit avoir une explication. Qui regarde, comment se fait-il que le regard se pose ainsi, etc. On m’a posé aussi la question sur le fait que je filme de l’extérieur la danse de la jeune femme et non pas de l’intérieur. Alors, selon une approche terriblement académique, on devrait se demander qui regarde, à qui appartient ce point de vue.
R.B. : Oui, une justification pratique et en personne de chaque point de vue…
G.S. : Oui, voilà, et moi je n’en ai aucune de précise. Mais comme je suis dans cette maison, dont on ne sait si c’est véritablement celle des personnages, je pense qu’assez vite on comprend que ce n’est pas une famille… Toutefois, au début, je souhaitais qu’ils agissent comme une famille. D’où, tout de suite, une scène de repas. À l’instar du personnage principal qu’interprète Carlos Chahine, dont on ne sait rien, et de ces gens dont finalement on ne sait rien non plus si ce n’est qu’ils semblent faire de la drogue, le lieu reste anonyme ; je pouvais donc ajouter un élément susceptible d’en dire aussi bien quelque chose que rien du tout. Tant qu’à faire, je souhaitais que cela soit un élément, une photographie, susceptible d’amener vers d’autres territoires. En réalité, l’idée m’est venue très simplement. Lorsqu’on était là-bas, il y avait une pile de photographies mises dans un coin par les gens qui vivaient dans cette maison, qui ont émigré au Brésil. Les personnes étaient dans des tenues particulières, en famille, en tenue de chasse. Je me suis aperçu que ce territoire ne m’intéressait pas particulièrement et que j’avais plutôt l’envie d’y investir le mien, le Sénégal. C’est mon arbitraire qui est ainsi intervenu.
David Yon : Vers la fin de La Vallée, lors des bombardements, des passages d’avions, il y a une autre image qui apparaît, cette fois en surimpression, sans jamais se dévoiler. Il s’agit d’une peinture…
G.S. : Vous voulez dire quand pour la première fois on sort du lieu, qu’il y a cette route, une chaîne de montagnes au bout et que l’on voit de la fumée, des explosions. C’est une peinture de Paolo Uccello, La Bataille de San Romano (vers 1456). Disons que j’ai une passion pour la peinture, qu’une fois de plus je n’ai pas à justifier. Cela dit, il s’agit d’une bataille, figée en l’occurrence, « éternelle » si je puis dire.
R.B. : On devine qu’il s’agit d’une bataille, même si on ne peut que difficilement identifier le tableau d’Uccello qui apparaît vraiment invisiblement, presque anonymement…
G.S. : J’aime bien lorsque les choses se révèlent, mais aussi, lorsqu’intervient ladite révélation, l’interrompre. La trace a à peine eu le temps de prendre, de s’inscrire.
R.B. : Une forme d’abandon de l’image qui pourtant est en train d’apparaître, comme il y a des sons que vous abandonnez alors qu’ils sont en plein déploiement.
G.S. : Oui, c’est bien ce type d’abandon, comme les ruptures sonores, qui sont des abandons, des trous noirs presque. En fait, en écoutant les gens, je m’aperçois avoir produit beaucoup plus de surimpressions que je ne le pensais… La surimpression est quelque chose qui me travaille énormément. C’est le cas dans mes vidéos dites expérimentales, l’une d’entre elles s’intitule La rose de personne, en hommage à un poème de Paul Celan. Il s’agit d’une rue qu’on traverse, qui s’appelle Hamra, à Beyrouth. La vidéo est composée, de bout en bout, sauf à la toute fin, de surimpressions de cette traversée. Jusqu’à six niveaux d’images. Cela me travaille tellement que je n’ai plus de recul dessus, je suis dedans à chaque fois. Pour cette raison, un entretien est toujours un exercice bizarre… il oblige à s’extraire, là d’où l’on ne voudrait finalement pas s’extraire.
R.B. : Parmi les réalisations d’essais qui prennent place aux côtés de vos longs métrages, (Posthume) déploie tout particulièrement cette puissance de la surimpression. Mais celle-ci est un aspect également déterminant dans vos fictions. Contrairement au fondu enchaîné qui traduirait un passage, une transition, la surimpression contribue à une coexistence ou à une bataille de deux plans. On peut prendre l’exemple d’une des scènes de danse, la collective, dans La Vallée, qui agence deux angles différents dans le même temps. Mais cela peut aussi être un personnage dont la face et le dos se surimpriment. En ce sens, c’est un effet spécial de cinéma, en tout cas une opération filmique assez identifiable. Toutefois, différemment, vous travaillez la surimpression à travers le reflet dans une vitre. Ou encore la coprésence de la face et du dos dans un véhicule, un personnage qui est cadré de dos au volant a le visage qui apparaît dans le rétroviseur intérieur. On est souvent dans cette présence du dos et du visage, de la coprésence de plusieurs angles selon différentes modalités.
G.S. : Dans (Posthume), il y a un plan qui dure 4-5 minutes, donc assez long, dans lequel j’ai multiplié les surimpressions. Mais je suis forcé de revenir en arrière, dans mon parcours, en 1999. J’étais sur un projet avec celle qui était alors ma compagne, et ce film intitulé De la séduction a accompagné notre séparation. Au montage, je m’étais lancé dans des surimpressions particulièrement ambitieuses par rapport à des visages, des miroirs, etc. C’est un film où quelques femmes parlent de leur pouvoir de séduction qui, au Liban, est une véritable « arme ». Souvent les familles incitent les femmes à utiliser ce pouvoir, et cela nous intéressait de pouvoir travailler ce sujet. Quoi qu’il en soit, à l’époque, les ordinateurs équipés de logiciels de montage n’existaient pas encore pour produire le travail très élaboré qui est aujourd’hui possible. C’était toutefois possible en vidéo, mais selon un mode de montage qui demandait le passage d’une cassette à une autre. C’était très fastidieux, mais j’étais parti sur cette modalité de travail. Et c’est dans ce contexte que j’ai vu Histoire(s) du cinéma de Jean-Luc Godard, qui m’a complètement tétanisé, et je me suis arrêté là : j’ai retiré toutes les surimpressions. Il m’a fallu deux ans pour y revenir, avec La Rose de personne. Ashkal Alwan, une association artistique et culturelle au Liban, avait lancé un projet lié à la rue Hamra. Il se trouve que j’habite dans ce quartier. J’avais entre temps digéré le choc des Histoire(s) du cinéma, j’étais prêt à réaliser un film quasi intégralement en surimpressions. C’est une opération qui me travaille depuis longtemps, dès mes films en pellicule. Mais, bien entendu, la pellicule entraîne une démarche plus lourde, plus onéreuse. Cela correspondait à un moment où des logiciels permettant un certain travail sont arrivés. Et le montage est un territoire qui me correspond plus particulièrement, un territoire où le film (se) dévoile autant qu’il ne (se) voile… Je ne sais pas bien pourquoi la surimpression m’occupe à ce point. Mais cela revient à une phrase que je me surprends à répéter : l’image est tout le temps menacée et menaçante. Si je me lance dans une petite analyse, un peu rapide et facile peut-être, je me rappellerai toujours que la guerre civile libanaise, donc avant que je pense à être cinéaste ou quoi que ce soit (même si j’étais cinéphile, mais être cinéphile n’est pas être cinéaste), a été énormément « couverte » comme le disent les médias. Au lieu de dire, comme beaucoup, que les images sont trompeuses, je me suis plutôt rendu compte que les images étaient menaçantes, au sens où elles menacent toute pensée, toute réflexion et toute objectivité. Très vite, j’ai compris que l’image est une subjectivité qui se veut objective, ce qui est une véritable menace pour autrui. Surtout lorsque cette information, cette actualité vient des médias. Elle est menaçante, mais elle est tout autant menacée, car son essence même est remise en question. Elle n’est plus ce qu’elle est, elle est ce qu’on lui fait dire ou ce qu’elle est supposée être. Cette couverture médiatique de la guerre civile libanaise a évidemment provoqué toute une série de questionnements sur ce qu’on voit et ce qu’on nous montrait. Alors, quand je vois un film dans lequel il y a une force, une puissance, j’ai toujours ce sentiment d’une menace de la disparition de l’image. Cela peut parfois être littéral comme dans Vampyr de Dreyer où l’on sent que l’image va disparaître, à partir de la manière dont il va explorer l’effet du voile… C’est difficile d’en parler ou de le théoriser, à partir d’un couple de notions en apparence aussi prétentieuses que « menacé et menaçant », mais je le vis véritablement comme ça. Je ne parle pas tant de menace de mort, encore qu’une image peut tuer, je ne parle pas non plus des images de Daech par exemple, qui sont assez équivalentes aux logiques de celles de mauvais films américains. Je ne parle pas de cette menace de mort, mais de la menace de l’image en tant que telle, dans son essence et sa matière.
D.Y. : Pour le cinéma en pellicule, l’image était d’autant plus menacée. Par l’usure…
G.S. : Oui, mais je ne parle pas seulement de cette usure, de cet état physique, chimique, de la pellicule. Je me moque relativement que les films disparaissent. Après tout, des civilisations entières ont disparu. Je n’ai absolument pas envie d’être dans un certain type de fétichisme. Je ne parlais pas de cet aspect.
D.Y. : Mais dans La Vallée, vous allez aussi chercher le défaut de l’image numérique, comme la pixellisation lorsque des cartes sont regardées sur l’Internet. Ce défaut se retrouve sous un autre aspect dans le plan sur la route. L’image est ici aussi menacée en tant que matière.
G.S. : Oui, absolument. Je n’ai voulu travailler que sur de petits fragments, je n’ai pas voulu aller plus loin, ce serait alors un effet. Oui, ce type de problématique m’intéresse. En France, vous avez un très bon réseau internet, vous avez rarement des « ratés » de l’image. Par contre, au Liban où le réseau est très mauvais, on a rarement la personne vraiment « présente » à l’écran (quand on est sur Skype par exemple) ou une carte, un plan totalement défini. Il y a un parasitage qui me semble très parlant. Il est précisément double, l’image est menacée et a quelque chose de menaçant. J’ai en effet distillé les choses ainsi, je ne voulais pas aller dans le littéral. Ce n’est pas le même geste, par exemple, que de rayer la pellicule. Que pourrait-on rayer dans le numérique ? D’autres mots, d’autres sens sont en jeu désormais.
D.Y. : Mais ce défaut, ce parasitage, c’est bien vous qui l’avez créé ? Parce que lorsque Godard l’intègre à Film socialisme, c’est un défaut d’enregistrement.
G.S. : Dans Google Earth, cela existe, il y a un défaut dans l’affichage quand le réseau est faible. L’idée ne m’est pas venue de nulle part. Je cherchais sur Google Earth ce que l’on voit de Beyrouth. Cela m’intéressait aussi de travailler Beyrouth, que j’ai énormément filmé, sous cet angle particulier. En faisant cette recherche, c’est ce qui est apparu. L’idée m’est ainsi venue très concrètement.
D.Y. : Vous utiliseriez également ce couple conceptuel « menacé, menaçant » de la même manière pour le son ?
G.S. : Non, le son est plus secret que ça. Beaucoup plus secret qu’une image. Je ne sais pas quels termes je pourrais employer pour le sonore. Mon amie Carine me disait récemment à Beyrouth que je ne pouvais enregistrer des sons que pour un film. Oui, je me préserve. Je n’ai pas peur des images, bien que je ne filme évidemment pas tout le temps. Je pense vivre beaucoup plus avec les sons qu’avec les images. Je ne sais pas comment formuler les choses pour le son. Je peux évidemment reconduire des banalités, qu’un son peut créer une image là où une image peut rarement créer un son. Un son peut convoquer, évoquer comme on le sait une image, la créer en nous. Par rapport au hors-champ aussi, comme on le répète souvent. Mais ce qui m’intéresse beaucoup concerne aussi le champ. Le son « visible » m’échappe tout le temps. Le son n’arrête pas de m’échapper. Je ne dis pas que je contrôle l’image, il y a une dimension beaucoup plus liquide. Mais vous me poussez à trouver des mots que je n’ai pas.
R.B. : Si une image happe, le son échappe….
D.Y. : Sur cette question du son précisément, vous pouvez utiliser jusqu’à combien de couches sonores dans La Vallée ?
G.S. : Elles ne sont en réalité pas très nombreuses. En plus, La Vallée est un film avec ce lieu et son non-silence. Il n’y a jamais de silence, même dans un espace autant à l’écart. Mis à part le travail musical, ce que les personnages disent, les pas, les différents vents, il n’y a pas autant de sons que ça. Enfin, une multitude de petits sons quand même ! Évidemment, les sons répondent à une construction, et il me semble que je dois beaucoup à cette immense double école, à savoir celle de Godard et celle de Tati, le sens du détail et le sens du tout quel qu’il soit. Comment cela accompagne ou au contraire heurte l’image. Et puis on ne se concentre jamais assez sur le travail sonore des films de Robert Bresson, plus épuré et sobre. Mais au-delà de tout cela, je dois composer avec un défaut auditif qui me fait entendre plus de manière « périphérique » que directionnelle. Je dois constamment faire un effort. Lorsque tout se passe bien, l’effort est moindre, mais lorsque ce défaut se manifeste, je dois faire un gros effort. Du coup, j’ai une écoute beaucoup plus aiguë. Mais il ne s’agit que d’un défaut que la nature m’a attribué.
En outre, on sait dans quel état un univers sonore peut nous plonger. Nous parlions de Beyrouth à l’instant, qui est une ville extrêmement chaotique. Mais il ne suffit pas de mettre un micro dans la ville pour entendre ce chaos. Il est nécessaire de procéder à des enregistrements séparés et la reconstruction est une étape tout à fait passionnante qui permet parfois de privilégier tel ou tel son, qui peut être périphérique.
D.Y. : Je trouve la spatialisation du son particulièrement intéressante dans La Vallée.
G.S. : Je voulais « rendre » à la vallée de la Bekaa son ampleur. Tout dépend dans quelle salle ou quel contexte on fait l’expérience du film… Je ne peux malheureusement qu’insister sur ce point. Lorsqu’on voit le film chez soi, par exemple en DVD, beaucoup de choses nous échappent, même si évidemment tous les films ne répondent pas à ce type de construction. Lorsque la salle est un peu adaptée, le son du film peut envelopper, mais aussi abandonner brusquement le spectateur. Un peu comme dans une chute libre.
D.Y. : Cela fonctionne comme une musique. Vous avez aussi pu travailler et écouter le son sans l’image.
G.S. : Oui, absolument. J’utilise beaucoup cette méthode, je ferme beaucoup les yeux. D’ailleurs je me suis à un moment rendu compte que c’est un tic que j’attribuais à certains de mes personnages. Quant à moi, oui, je le fais très souvent. Parfois, je m’aperçois que je ne regarde pas l’image. J’entends, j’écoute seulement. Mais lorsque je monte, je travaille le son et l’image en même temps.
D.Y. : Le travail avec l’orgue est venu à quel moment ?
G.S : En amont. Je me rendais souvent dans cette vallée et en montagne (celle du début du film). Lorsque j’écris et travaille à un projet, je fréquente énormément les lieux. Je me suis rendu compte des différents vents, de l’air. Je suis très sensible à la manière dont certains musiciens classiques ou contemporains ont su envisager le son de l’orgue. J’ai dans un premier temps beaucoup pensé à Giacinto Scelsi, un compositeur italien du 20e siècle dont je trouve la musique magnifique. Toutefois, je n’ai pas utilisé sa musique dans La Vallée, plutôt dans mon tout dernier essai que je viens de terminer et qui s’intitule L’Encre de Chine. Pour La Vallée, j’ai demandé à une amie musicienne, Cynthia Zaven, qui a également composé la musique pour piano dans le Dernier homme. On se connaît bien. Sans lui donner aucune image, mais en lui parlant beaucoup, je lui ai suggéré l’orgue. Je ne lui ai pas demandé de penser exclusivement à l’orgue, mais qu’il soit le poumon ou le cœur du morceau. Elle a enregistré plusieurs choses, selon un principe de variantes, en me faisant écouter, et cela m’a permis d’avancer dans le montage. Cynthia n’a découvert le montage et les plans qu’à un stade très avancé. Et c’est vraiment cet espace, avec l’air, les vents, qui m’a suggéré l’orgue. Je me suis souvenu qu’une des choses que j’adorais, lorsque je vivais entre Paris et Beyrouth, était d’aller dans les églises parisiennes pour écouter des concerts d’orgue. J’aime beaucoup ce son, qui n’existe pas vraiment dans les églises à Beyrouth.
D.Y. : Mais, pour l’orgue, à moment, il n’y a qu’une seule note…
G.S. : Oui, une note qui dure. Cela m’intéresse particulièrement, car elle est suspendue. On ne sait pas si elle va partir, rester, échapper.
D.Y. : La manière de placer cette musique est ensuite très intuitive ?
G.S. : À partir du moment où je suis dans la vallée de la Bekaa, même bien avant avoir fini d’écrire le scénario, toute la réflexion se met en place. Si je pense à Giacinto Scelsi, c’est parce que ce que j’aime me nourrit. Je fais appel à ça et j’ai énormément confiance en ces strates qui nous portent et nous habitent, même si je reste beaucoup dans le registre de l’intuition. Je crois en deux pylônes pour faire un film : le champ de la réflexion et le champ de l’intuitif, de l’instinct. Ils doivent fonctionner ensemble.
D.Y. : J’ai le sentiment qu’au montage vous travaillez par soustraction, mais qu’en est-il pour le son ?
G.S. : J’enlève aussi des sons. Beaucoup de camarades cinéastes me demandent si cela ne me tue pas d’enlever autant de séquences. Mais, bien au contraire, je trouve que c’est absolument passionnant et déterminant. En enlevant des séquences tu déséquilibres ou trouves un tout autre équilibre filmique. Lorsque je fais un film, je ne suis attaché à rien. Je ne suis pas du tout dans un rapport fétichiste à mes images et à mes sons. Quand je travaille avec mes acteurs, je leur parle beaucoup : pourquoi les personnages sont là, dans cette vallée, pourquoi ils font telle ou telle chose, alors que le film peut ne pas du tout le préciser. Ce n’est pas parce que c’est parcellaire dans le film, que cela doit être parcellaire pour eux au moment du tournage. Je leur ai dit qu’ils étaient des gens de classe moyenne, qui en ont marre de tirer le diable par la queue. Que l’un d’eux était un chimiste. J’ai demandé à Fadi Abi Samra, qui joue aussi dans La Montagne, de prendre des cours de chimie, ce qu’il a fait. De la même façon, Carole Abboud n’a jamais été infirmière et a dû prendre quelques cours. Ces précisions pour dire qu’à partir du moment où j’ai ce tout, cela me permet d’autant plus de fragmenter. Mais quand j’écris le film, je ne pense pas ainsi. Et quand je parle aux acteurs, je fais presque en même temps une soustraction automatique dans ma tête. Les éléments ne sont pas pour autant plus clairs pour moi. C’est simplement pour que l’acteur ne ressente pas le tournage comme une manipulation. Je ne sais en réalité pas davantage qui sont leurs « personnages ». Quand je dis à l’un d’eux qu’il est chimiste, ou autre, cela ne veut vraiment rien dire de précis. Même quelqu’un qui écrit des poèmes, pour La Montagne, qu’est que cela signifie ? Mais cela peut avoir une force d’évocation et ouvrir un champ chez le spectateur. C’est très étrange d’inventer des « personnages » parce qu’après tout, on est d’abord des humains et qu’un être humain reste toujours une énigme. Je ne cherche absolument pas à comprendre les personnages, mais à les sentir plutôt, à essayer en tout cas.
D.Y. : Pour financer un film, il faut écrire un scénario, donner des explications.
G.S. : Oui, j’écris, bien entendu. J’écris vraiment le scénario du film, mais je ne cherche pas à le remplir, à y mettre de la chair, de la psychologie. J’ai la chance de ne plus en être à mon premier film. Quand j’ai commencé mon premier long métrage, Beyrouth fantôme, en 1995, j’ai obtenu ce que l’on appelle maintenant l’aide au cinéma du monde. Frédéric Mitterrand était à l’époque dans cette commission et je crois savoir qu’il a perçu quelque chose dans ce projet… Ce que je veux simplement dire, c’est que lorsque tu as réalisé un, deux, trois films, les commissions d’aides te connaissent assez. Aujourd’hui, à moins de travailler avec très peu d’argent, il est difficile pour un jeune cinéaste de se faire aider pour un premier projet. Souvent les « décideurs » veulent voir en lisant… Et souvent plus d’un « lit » un film au lieu de le voir, de l’entendre.
R.B. : La Vallée repose sur un budget de 600 000 euros.
G.S. : Oui, mais il y a eu des entrées en participation, pour le montage, le DCP… Disons que mon capital est davantage humain. Les personnes qui travaillent avec moi sont souvent prêtes à être payées la moitié de leur salaire habituel, moins même parfois. Beaucoup, au Liban, vivent de la publicité ou du clip-vidéo qui profitent d’un certain monopole. L’argent est vraiment concentré dans ce type de réalisations. Quand ils travaillent avec moi, j’ai le sentiment qu’ils s’investissent d’abord pour un projet et pour le plaisir. Pour revenir au scénario, j’écris des scénarios que beaucoup de lecteurs trouvent trop secs. En effet, je ne suis pas dans la fioriture. Je me plie bien entendu à l’exercice de la note d’intention. Ce qui peut paraître amusant, c’est qu’il m’arrive aussi d’être membre de commissions. Je connais donc aussi « l’autre côté ». Une commission qui attribue une aide, ce n’est quand même pas le fameux marché, même si certains membres l’ont toujours à l’esprit. Mais peut-être pas autant qu’on pourrait parfois le penser.
D.Y. : Dans le scénario de La Vallée, quel est le rôle de l’âne ?
G.S. : Il est là, dans le sens premier du terme, témoin. Par exemple, dans le scénario, le cadavre filmé dans le fossé à la fin du premier mouvement du film est clairement le propriétaire de l’âne, avec seulement la supposition qu’il a chuté et que l’âne a poursuivi son chemin. C’était écrit comme ça. Au montage, cette logique ne m’intéressait plus et j’ai aimé la seule présence de cet âne et l’énigme de ce cadavre.
R.B. : Nous avons parlé de la présence des cartes à travers une scène qui présente un écran avec Google Earth. On peut alors aussi penser à un autre de vos films, Terra incognita, avec des plans sur un écran de travail pour une cité virtuelle, dans lequel se surimprime le visage du personnage qui pense cette cité.
G.S. : Le visage est en reflet, même si ce reflet est obtenu au montage. Il était trop compliqué à atteindre au tournage, parfois cela fonctionnait, d’autre fois non. Mais le visage est en soi reflet… Oui, je suis beaucoup travaillé par cette ville qui n’en finit plus de se transformer. Beyrouth a évidemment été pas mal détruite par la guerre ; mais aussi pas mal détruite par la reconstruction. Elle a été « refigurée » ou, si l’on veut être honnête, défigurée par la reconstruction.
R.B. : En ce qui concerne ces modalités de représentation de la ville, je me souviens que Tariq Teguia, qui a d’ailleurs filmé la ville de Beyrouth pour Révolution Zendj, utilise une formule assez singulière, à savoir « filmer la ville de dos ».
G.S. : Oui, cette idée me plaît. J’ai beaucoup aimé la manière dont il a filmé Beyrouth.
R.B. : Mais il la filme d’une manière très différente de la vôtre, tout en travaillant particulièrement une image diffractée.
G.S. : C’est son regard, qui est intéressant. C’est amusant, parce qu’on a fait quasiment tous les repérages ensemble. Il sait que je suis un grand marcheur et que je connais des recoins que, forcément, les gens ne connaissent pas toujours. Pendant ces repérages, je me demandais comment allait être son regard. Je ne me suis pas vraiment rendu sur son tournage, d’abord pour le laisser tranquille.
Une des raisons pour lesquelles j’ai réalisé La Montagne, La Vallée et, j’espère bientôt, La Rivière — ces titres sont simples, sans doute liés à ma lecture d’haïkus dont les titres ont cette simplicité apparente — est que je ne voyais plus Beyrouth. Je la subissais. Et quand je n’arrive plus à regarder quelque chose, je pense qu’il faut que je cesse de la filmer. Sinon, on en est à placer seulement une histoire dans un lieu, et le lieu n’est plus qu’un lieu. Alors que je cherche un endroit qui soit habité. Ce que je vois, ce que je ne vois pas… évidemment chacun y voit ce qu’il veut, mais il y a une vibration. Et je crois que c’est précisément cette vibration que Tariq Teguia a atteinte. Quant à moi, je ne sais pas. Ce qui est sûr, c’est que je ne dis pas : « Je vais vous présenter Beyrouth ».
Il y a toujours des gens qui me demandent : mais ton film, c’est sur quoi ? Je ne sais pas sur quoi il est, mais je sais où il va se situer. Ce n’est pas un film « sur ». Je sais que je filme à Beyrouth, ou ailleurs, à partir de ce que je ressens. C’est tout de même un peu particulier, car la différence entre Tariq et moi est très simple : il n’y habite pas, tandis que j’y habite. Je filme où j’habite, mais je ne dis absolument pas : venez dans ma rue. Il s’agit plutôt de rendre en images et en sons cette espèce d’incertitude permanente qu’est Beyrouth, mais avec des rues, des murs, des êtres. J’ai rarement filmé des immeubles détruits, ça ne m’intéresse pas. Je suis plutôt allé à l’intérieur d’immeubles abandonnés. Aujourd’hui, j’ai d’autant plus de difficultés à en parler que je sens que j’ai de nouveau envie de la filmer. Je l’ai fait récemment avec mon essai que je viens de terminer, L’Encre de Chine.
R.B. : Sur cette idée de filmer une ville de dos, vous filmez beaucoup des personnages de dos. C’est une forme d’anonymat.
G.S. : Oui, je me filme moi-même beaucoup de dos. Dans (Posthume), je me filme de dos. Mais anonymat, je ne crois pas. Peut-être que cela dit d’autant plus l’impuissance des choses. Je ne sais.
R.B. : Vous travaillez aussi tout particulièrement la frontalité, l’adresse frontale dans Beyrouth fantôme, dans Terra incognita, avec la forme du témoignage.
G.S. : Oui, mais je ne sais pas quoi en dire. C’est presque la même chose pour moi. La puissance et l’impuissance du dos, au-delà du fait que l’on ne voit pas le visage, c’est comme quelqu’un que l’on suit dans la rue. Il y a quelque chose de passionnant avec le dos, c’est que le personnage voit ce que je suis supposé voir, mais comme il est entre moi et ce qu’il voit, il forme un obstacle. Il y a comme un spectateur d’une image à l’image. Cette position m’a toujours fasciné, même dans la vie. Le dos dit beaucoup de cet incertain, de l’autre, mais aussi de ce qui se voit, de ce qu’il voit et de ce que l’on voit. C’est parfois très simple. Mais je n’ai pas de réponse qui concerne ces choix filmiques. Je pourrais donner beaucoup d’hypothèses, même contradictoires. Évidemment, quand je me mets moi-même à l’image, j’en suis encore plus conscient. C’est le cas dans (Posthume), à la fin de 1958 quand je suis sur ce bateau qui va de l’horizon à la ville puis se dirige à nouveau vers l’horizon. Je suis le filmeur et obstacle de l’image dans l’image. L’image-obstacle !
R.B. : Quand vous choisissez la position frontale, les personnages sont plus dans l’adresse.
G.S. : Oui, mais qu’est-ce qu’on adresse ? Et à qui, précisément ? C’est la grande école de la frontalité. Je pense qu’Éric Rohmer en a beaucoup parlé à propos de Howard Hawks. Et je suis fasciné par ce rapport à la frontalité qu’ont des cinéastes comme Hawks, Ford ou, très différemment, Fassbinder à travers l’influence que Brecht a pu exercer sur lui et ses films. Donc, cela me parle aussi beaucoup.
D.Y. : Ozu, aussi ?
G.S. : Pour Ozu, cela me paraît vraiment différent. Ce n’est pas la même frontalité, et pas seulement pour ce qui concerne la hauteur de la caméra. Je ne sais pas comment la nommer. Ce qui m’intéresse dans la frontalité, c’est à quel point je vois. Et à quel point ils se donnent à voir. Et on se détourne d’une situation comme elle serait dans la vie, où l’on parle autour d’une table comme maintenant, par exemple… J’ai poussé le plus cet aspect dans Beyrouth fantôme et on le retrouve jusque dans La Vallée.
R.B. : Ne serait-ce que le plan final.
G.S. : Oui, mais pas seulement. Et ce n’est souvent pas seulement une frontalité, c’est centré. On sait bien que, notamment dans la logique du champ-contrechamp, on ne positionne quasi jamais un personnage au centre. On le décale pour un effet d’équilibre. Ce qui personnellement m’intéresse avec la frontalité et la centralité, c’est que l’équilibre est a priori présent puisque l’œil tend à se concentrer sur ce qui est central (comme l’automatisme de la mise au point), mais que je filme des gens dont on se demande tout le temps s’ils sont équilibrés, et qui offrent peu de ce que soi-disant ils sont. Les mettre au centre crée une apparente sérénité. En même temps, on sent que ce n’est pas tout à fait ça, qu’il y a quelque chose qui échappe, qui manque. Le déséquilibre, l’incertitude ne viennent pas du décentrement. Plus je mets les personnages au milieu, plus je les regarde frontalement, et plus je peux créer, peut-être, un malaise. C’est précisément ce malaise qui m’intéresse chez le spectateur. Cela crée un déséquilibre entre ceux que je vois et ceux qui sont dans la position de me voir.
R.B. : Mais ce malaise, ce déséquilibre, est différent de film en film. Dans Beyrouth fantôme, on perçoit une méthode proche du documentaire qui n’est plus vraiment présente par la suite. Dans Terra incognita, ce sont plutôt quelques ponctuations qui concernent un personnage tout le temps habillé de noir….
G.S. : Oui, je repense ce choix en fonction de ce que dit le film. Ce n’est pas systématique, mais je crois savoir ce que cela peut provoquer dans le rapport aux personnages et à ce qu’on voit. Pour les paysages, c’est très différent. Pour revenir au « personnage », je dois avouer que je ne crois absolument pas en ce mot et à sa logique. D’ailleurs, je ne comprends sincèrement pas comment on peut y croire. La misère, l’immense misère du cinéma mondial, c’est de croire que les gens sont représentables, disait Duras.
Je suis né en 1958, j’avais 17 ans lorsque la guerre a commencé. J’étais impliqué dans beaucoup de choses, je ne peux plus depuis sentir, lire, percevoir le monde selon un enchaînement causal. Tout ce qui est de l’ordre de la cause et de l’effet ou de la psychologie (explicative bien trop souvent) ne m’intéresse pas. Maintenant, cela peut évidemment provoquer un désir de psychologie chez le spectateur, mais je ne veux pas lui exposer/imposer ça à l’écran. En tant qu’individu, je ne peux plus du tout avaler ça. J’ai cessé depuis longtemps de voir et de vivre comme ça, y compris dans mes rapports les plus intimes. Ce qui, d’ailleurs, me crée des problèmes…
Souvent, ces logiques amènent trop directement à tirer des conclusions chez les spectateurs, aussi petites soient-elles. Pour La Montagne, l’acteur m’a demandé : « je suis un écrivain, ou j’écris ? » Je lui ai répondu : « Tu écris. » On s’est compris. C’est d’ailleurs la seule question qu’il m’a posée, après on a totalement travaillé à l’instinct. On a bien parlé d’un tas de choses, mais jamais vraiment du film ou de son personnage. Il a préféré ne pas lire en amont ce que je lui ai fait écrire.