Certains courent droit devant eux. D’autres tracent des spirales aberrantes. Appuyés contre un rocher ou perchés sur une branche, d’autres enfin restent assis. Tous se poursuivent. Ou du moins poursuivent quelque chose qui pourrait bien, un temps, trouver le refuge d’un corps. Depuis 1990 et son premier court-métrage, Les héros sont immortels, les films d’Alain Guiraudie sont sillonnés par des personnages à la recherche de l’objet de leur désir. Quête sans fin, quête tragique. Mais qui ouvre aussi à des temps et des trajectoires hors de la routine – mieux, creusés en elle. Si, tous les matins, il faut encore aller à l’usine malgré sa fermeture prochaine, c’est bien parce que les corps et les paroles peuvent trouver, dans cet état d’attente, indolence et agacement mêlés, d’autres façons de se croiser (Ce vieux rêve qui bouge, 2001). Parcourus par des bandits d’escapade, des bergers d’ounayes ou des guerriers d’attente, les causses deviennent un territoire à la fois proche et autonome, un lieu imaginaire branché sur l’ordinaire des existences prolétaires (Du soleil pour les gueux, 2001 et Voici venu le temps, 2005). Ainsi, sur le chemin qui mène à un autre inaccessible, l’usine, le village, la forêt, la plaine se font labyrinthes. C’est ce mouvement qui lie la topographie et l’affect que nous avons essayé de retrouver.
Voici “Motifs d’Alain Guiraudie“.