Radio Réel, Palestine
Avi Mograbi, Piero Usberti & Mohanad Yaqubi
le 10 avril 2024
Au fil de nos pérégrinations, nous avons rencontré des cinéastes chinois et japonaises, colombiens et étatsuniennes, nous avons parlé des films, nous avons enquêté sur des sons disparus, nous avons mené des expériences médiumniques dans des cafés, nous avons exploré les abords du Centre Pompidou avec James Benning, nous avons pensé à Richard Serra qui vient de disparaître…
On pourrait le dire de toutes les éditions du festival : qu’elles ont lieu dans un « contexte particulier » – pandémie, réforme des retraites… Mais cette année, ledit « contexte », nous étions contraints et contraintes de l’observer de loin, de l’avoir à l’esprit souvent, d’y penser à travers des choix de programmation.
Car contrairement à d’autres festivals du nord de l’Europe, le Réel s’est attaché à évoquer la question palestinienne, dans la sélection comme dans les séances parallèles : Under a Blue Sun de Daniel Mann, Voyage à Gaza de Piero Usberti, R21AKA Restoring Solidarity de Mohanad Yaqubi…
Mais le réel, justement, n’a cessé d’exister pendant le festival : la bande de Gaza s’enfonçant dans la famine, les frappes ciblées, l’interdiction de toute aide humanitaire, les images, d’autres images, qui n’arrêtent pas de sortir malgré tout.
Et le réel, toujours lui, s’est rappelé à nous quelques heures seulement après la fin du festival. Après la soirée de clôture, marquée par la projection d’une fiction sur la vie de Frantz Fanon, lorsqu’il exerça à l’hôpital Blida-Joinville, peu avant l’indépendance, la maison de Mohanad Yaqubi, réalisateur de R21AKA Restoring Solidarity, a été bombardée et le cinéaste postait une photographie de la dévastation sur ses réseaux sociaux.
Une question nous a alors frappé·es : comment penser les films, si dérisoires, face à ce sentiment d’être brusquement revenu·es à la réalité ? N’y a-t-il pas une certaine vanité dans ce que nous mettons tant d’énergie à faire ?
Nous avons toutefois parlé avec trois cinéastes dont les films questionnaient l’histoire récente ou bien excavaient les archives de solidarités internationales oubliées, et dans tous les cas, qui travaillent les images pour faire sens des crimes en cours.
Avi Mograbi a placé la question coloniale en Israël au cœur de son cinéma. Il est notamment connu pour Z32, un film dans lequel un soldat demande a être pardonné pour ses crimes envers les Palestinien·nes. Les témoignages se multiplient dans son dernier film, projeté au festival, Les 54 premières années qui revient sur l’occupation commencée en 1967 à travers des images d’archives et des témoignages de soldats israéliens.
Piero Usberti, réalisateur de Voyage à Gaza, un documentaire poétique sur les marches du retour palestiniennes, en 2018-2019, mouvement pacifique réprimé dans le sang par l’armée israélienne.
Mohanad Yaqubi, réalisateur de R21 AKA Restoring Solidarity, un film d’archive sur les liens méconnus entre l’armée rouge japonaise et la lutte pour la libération de la Palestine.
Le lendemain de cet entretien, sa maison était la cible d’une frappe aérienne. Voici un lien pour soutenir le cinéaste et sa famille.
À paraître : une table ronde critique sur No Other Land de Basel Adra, Hamdan Ballal, Yuval Abraham et Rachel Szor.
Production : les membres de l'atelier
Réalisation des tables-rondes : Adrien Reynaud au studio d'ENS Média
Réalisation des reportages : Occitane Lacurie et les membres de l'atelier
Jingle : Johanna Pataud & Corentin Pataud
Remerciements : Barnabé Sauvage, Adrien Reynaud, Élodie Tamayo, Emmanuelle Bernard-Holden & Catherine Giraud
